Adéodat (Jean-Francois) DEBAUGE
1860-1910
Religieux français.
Une veine journalistique dans un contexte polémique.
Jean-François Debauge est né le 21 janvier 1860 à Genas, petite commune de l’Isère, aux portes de Lyon, aujourd’hui dans le département du Rhône. De 1869 à 1877, il fait ses études au collège des Petits Carmes à Cahors (Lot), alors dirigé par un de ses oncles Père de Picpus. Assez impressionnable, le jour d’un examen écrit de philosophie, il se trompe de sujet, mais s’en aperçoit et trouve l’inspiration pour tout recommencer et pour remettre à temps sa copie! Après ses études, il y enseigne la philosophie (1877-1881) et entreprend des études de théologie au grand séminaire à Cahors (1881-1882). Le Quercy, et en particulier Rocamadour, devient sa seconde patrie. Il dit lui- même qu’il sentit naître sa vocation au journalisme le jour d’une visite de Gambetta à Cahors, pour lutter contre l’influence des idées républicaines! Aimant le milieu de la presse, il entre au service de la Bonne Presse à Paris où il collabore aux deux publications du Laboureur et de La Croix du Dimanche, la première fondée par M. de Moidrey comme complément au Pèlerin et les deux réunies en une seule publication par le jeune Jean-François’, très féru en matière de questions agricoles, signant ses articles Un petit laboureur. De concert avec M. Ernest Ollivier, il crée la Croix des Marins et collabore également à La Croix quotidienne. Sur le plan personnel, il décide de se faire religieux à l’Assomption et entre au noviciat de Livry le 24 octobre 1889 sous le nom de Frère Adéodat. Le Père Picard l’accepte avec humour dans la vie religieuse malgré le grand handicap d’une cécité qui menace le Frère Adéodat: « C’est un aveugle qui voit joliment clair ». Il prononce ses vœux perpétuels le 24 octobre 1889 et est ordonné prêtre le 7 août 1892 au même lieu.
A l’occasion des périodes électorales fréquentes et acharnées à l’époque, le P. Adéodat lance des tracts et des opuscules qui ne manquent pas de frapper l’opinion. A la Bonne Presse, il se révèle d’un tempérament très organisateur et plutôt batailleur. C’est avec ardeur qu’il se mêle aux luttes politico-religieuses de la fin du XIXème siècle, prenant en charge le secrétariat fort absorbant du Comité Justice-Egalité, groupement de type associatif fortement impliqué sur le terrain électoral. On sait qu’à cette période, priorité est donnée dans le cadre de la politique intérieure française aux ‘désaccord métaphysiques’, opposant sévèrement sur fond d’anticléralisme les blocs et les clivages traditionnels. Tout ce qui offre une coloration de type rationaliste, républicaine, socialiste ou progressiste sur le plan social et démocratique sur la plan politique, sociétés ou associations de libre-penseurs, de francs-maçons notamment, se retrouve soudé au moment des grandes crises pour faire barrage, par une sorte de sursaut de défense républicaine, à tous les candidats ayant l’aval du vote catholique. La célèbre ‘Affaire Dreyfus’ sert de détonateur. Les élections législatives de mai 1898 sont sans doute en ce sens les plus violentes et les plus âpres de l’histoire politique du pays. Trois grands blocs se dessinent, la gauche avec 235 élus et trois composantes, socialiste, radicale-socialiste et radicale, les républicains modérés ou ‘progressistes’ avec 254 élus et la droite laminée avec 98 élus dont 44 monarchistes. Non seulement la ‘gueuse’ n’est pas jugulée, mais le vent est à la constitution d’un bloc des gauches qui vont se charger d’éliminer toute influence de l’Église sur la vie publique, à commencer par les Congrégations religieuses.
Le tempérament d’un combattant frappé.
On connaît la suite des événements pour l’Assomption, très impliquée par ses publications de la Bonne Presse, viscéralement antidreysardes et bouc émissaire en première ligne faisant la première les frais de la guérilla gouvernementale. Le P. Debauge fait partie des ‘Douze’ inculpés et condamnés en avril 1900. Au moment de la dispersion, il obtient l’indult d’une sécularisation fictive. Pendant quelques mois il s’adonne à un ministère itinérant de prédication. En 1902, il se retire dans son pays natal et sa famille à Genas, aux Charpennes, où il retrouve son ancien curé l’abbé Silvent, aumônier des (Oeuvres de mer. On peut dire que sa vie publique est brisée, même s’il continue de collaborer au Laboureur. Il meurt à 50 ans d’un cancer au foie le 23 novembre 1910 et il est inhumé à Genas. (1) Ontmoeting (Rencontres, revue flamande des A.A. de Leuven) a publié en 1962 dans son numéro 36-4 la bibliographie impressionnante du P. Adéodat Debauge.
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1910, n° 100, p. 400. L’Assomption 1911 n° 169 p. 3-5. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Le Pèlerin, 4 décembre 1910, La Croix, 22 décembre 1910, La Croisade de la Presse, 29 décembre 1910. Le P. Debauge a écrit dans les publications de la Bonne Presse, notamment Le Laboureur, La Croix (signature. J.F.D.) . Il est l’auteur d’un manuscrit inédit, ‘Le mouvement catholique en France,, de plusieurs cahiers intitulés ‘L’action des catholiques dans la politique française, et de plusieurs manuscrit sur la question sociale en France et les situations électoralo-politiques de la fin du siècle (Comité Justice-Egalité). Une importance correspondance autographe est classée dans les archives romaines (1893-1910). Dans la fin des années 1960, on doit au Fr. Jean-Michel Brochec une étude sur les Comités Justice-Egalité. Notices Biographiques