Alexandre (Pierre) PECHAYRE – 1886-1980

Zongouldak, 1954.
« Ce n’est pas souvent que vous êtes dérangé par les Turcs. Je ne vous ai
pas envoyé de vœux pour la saint Wilfrid parce que je ne sais pas où vous
vous trouvez: vous parcourez si facilement les cinq parties du monde! Nous
continuons à mener ici notre vie bien modeste, regrettant de ne pouvoir
faire davantage quand nous voyons tout ce que font nos religieux
dans les oeuvres diverses de la Congrégation. La petite école d’Ankara n’a
que 40 élèves. A Ankara même et dans d’autres localités d’Anatolie, un
certain nombre de français travaillent
à diverses entreprises pour le compte du Grand Turc, mais je dois avouer
qu’ils ne sont guère fervents. Ils ont recours
à nous pour les baptêmes et les enterrements. Deux jeunes ingénieurs sont
morts
d’accident à Konia où je me suis rendu et où je suis arrivé après leur
enterrement. La police a fermé ma chapelle de Zongouldak parce que ouverte
sans autorisation!
L’ambassade a fait un rapport. Je n’écris que rarement. On dit que je suis
un franc-tireur et que je perds le sens dans ma Thébaide à force de
m’inventer et de combattre des ennemis. Qu’on vienne voir si
je continue à conspirer tout seul ».

Notices Biographiques A.A

Religieux de la Province de France. Deux Frères à l’Assomption, Alexandre et Apollinaire. Pierre Péchayre, frère cadet d’Apollinaire également religieux assomptionniste (1877-1918) est né le 13 octobre 1886 à Ussel, près de Solignac en Haute- Loire, au diocèse du Puy. A la différence de la vie, courte, d’Apollinaire dont le destin est scellé par la grande guerre, celle de Pierre, devenu le P. Alexandre, connaît une belle longévité de 94 ans. Elle n’a pourtant inspiré aucune plume assomptionniste, à part la mention toute sèche que lui consacre, presque par obligation ou habitude, le nécrologe des années 1975-1980. Nous pouvons au moins donner trois raisons à cette curieuse exception: la première pourrait avoir trait à la personnalité et à la vie très particulières du P. Alexandre Péchayre, longtemps religieux solitaire à Zongoudalk (1938-1957), d’un caractère, semble-t- il, assez ombrageux qui n’encourage pas les confidences ou les souvenirs attendris; la seconde pourrait être toute accidentelle: le bulletin de la Province de Lyon, Lyon-Assomption, province dont relève le P. Alexandre, se saborde au début de l’année 1981 puisque le bulletin de la nouvelle Province unifiée de France., A Travers la Province, prend le relais officiel des informations internes. Mais cette raison ne nous paraît guère dirimante puisque d’autres religieux trouvent encore grâce et aumône de souvenir en mars 1981 dans le dernier numéro de Lyon-Assomption et que bien d’autres figurent déjà, à partir de 1978, dans les nouvelles colonnes d’A Travers la Province. Enfin nous pensons plus vraisemblable le fait que devenu nonagénaire, n’ayant plus de confrères en vie à la date de son décès, le P. Alexandre a involontairement confié le silence de sa vie à celui immuable de son éternité. Raison de plus pour nous d’évoquer son parcours de vie et quelques traits saillants de son existence A.A grâce aux informations de son dossier personnel. Pierre commence sa scolarité à l’école apostolique des jésuites à Poitiers (Vienne), de 1897 à 1902. Il fréquente l’Assomption à partir de 1902, à l’alumnat de Brian (Drôme). Il prend l’habit religieux, sous le nom de Frère Alexandre, le 18 octobre 1903 au noviciat de Louvain où il fait profession le 19 octobre 1904. À Louvain également il étudie la philosophie (1905-1908). Profès perpétuel le 7 juin 1907, il commence sa théologie sur place (1909-1912), tout en enseignant l’hébreu à ses confrères de 1911 à 1912, cette dernière année étant celle de son ordination sacerdotale, le 7 juillet. Il termine ses études à Rome (1912-1913). Sa vie ministérielle commence par un temps de repos à Locarno en Suisse où, malade, il reste 7 mois avant de gagner l’alumnat de Bethnal Green à Londres (1914-1915). La guerre qui enlève son frère le mobilise de 1915 à 1918. Son dévouement auprès des blessés lui vaut la Croix de guerre. Il est rappelé à Louvain pour enseigner l’histoire ecclésiastique (1919-1921). Il passe ensuite dans les oeuvres d’Orient pour 36 ans. D’abord bibliothécaire à Kadi-Keuï (1921-1923), alors lieu d’élaboration des Echos d’Orient, il est nommé professeur au collège Saint-Augustin de Plovdiv en Bulgarie (1923- 1925), revient une année à Kadi-Keuï (1926-1927) avant de reprendre de l’enseignement au collège Saint-Michel à Varna (Bulgarie) de 1927 à 1932. Pour la troisième fois, il retrouve la résidence de Kadi-Ketii (1932-1938) avant de gagner le poste de Zongouldak, cité minière des bords de la Mer Noire en Turquie (1938-1957) où il vit tout seul, après l’installation du P. Herménégilde Gayraud à Ankara. Le P. Bruno Under, Provincial de Lvon, veut l’arracher à cette solitude en 1955. Mgr Testa, délégué apostolique en Turquie, intervient pour que l’Assomption ne délaisse pas ce poste difficile. Ce sont les Turcs qui obtiennent finalement l’expulsion de ce missionnaire qui en 1957 est accueilli à la maison provinciale de Lyon- Debrousse d’où il passe à l’alumnat de Vellexon, en Haute-Saône, de 1957 à 1959. Original et peu malléable dans les formes d’une vie communautaire qui lui fait défaut depuis si longtemps, le P. Alexandre est envoyé à Nozeroy (Jura), noviciat vide dont il est constitué gardien solitaire avant la vente de la propriété (1959-1964). Le P. Alexandre à 78 ans est envoyé en maison de repos à Chanac (Lozère) jusqu’en 1979 où il passe à celle de Lorgues (Var). C’est là qu’il meurt le 20 octobre, nonagénaire, quelques jours seulement après son 94ème anniversaire. Il y est inhumé le 22 suivant.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (I) 1975-1980, P. 104-105. [Aucune notice dans Lyon-Assomption, à part la mention de la mort du P. Alexan- dre Péchayrel. Lettre du P. Alexandre Péchayre au P. Wilfrid Dufault, Ankara, 29 décembre 1954. DU P. Alexandre Péchayre, dans les ACR, correspondances (1908-1954), rapports sur zongouldak (1952-1955). [Le P. Alexandre Péchayre a commis un factum de 4 pages sur l’orthographe corrigée et commentée de son nom pour correction dans la Répartition, selon lui fau- tive durant 40 ans!]. Notices Biographiques