André-Bernard (Auguste-R.-P.) SUBLET – 1910-1940

«Je suis mobilisé dans une compagnie de ravitaillement
en viande dans un secteur bien calme. Nommé gardien des abattoirs à 5 km du
cantonnement, j’ai l’avantage de demeurer dans un presbytère désert depuis
trois ans. Je dis régulièrement une messe devenue paroissiale; il a même
fallu que je vienne ici pour assister mon premier mourant. Les Lettres à la
Dispersion de septembre seraient les bienvenues. La Croix me parvient
depuis le début de ce mois avec huit jours de retard. Tout ce qui vient de
la famille fait tant de bien! Les officiers sont on ne peut plus charmants.
L’un d’eux a été membre d’une mission universitaire
catholique en Orient. Il y apprécia hautement notre collège de Plovdiv. Ce
lieutenant, agrégé d’histoire, doit nous faire demain une causerie sur la
Pologne. Seul prêtre dans la formation, mon plus sympathique compagnon est
un athée, professeur de chimie au lycée d’Aix. Et quand nous avons achevé
de discuter pour savoir si nous devons porter sur les registres que la robe
d’une vache est froment-pie ou piefroment, nous abordons volontiers des
sujets d’actualité sociale. Mon étonnement est surtout grand de voir
comment nous faisons intervenir la morale en tout ».

Notices Biographiques A.A

Religieux de la Province de Lyon. Résumé biographique. Auguste-Robert-Paul Sublet est né le 1er février 1910 à Chevry, dans l’Ain, au diocèse de Belley. Il fait ses études secondaires à l’alumnat de Notre- Dame à Saint-Sigismond (Savoie), de 1920 à 1923, puis à Miribel-les-Echelles (Isère), de 1923 à 1927. Il prend l’habit sous le nom de Frère André-Bernard à Saint-Gérard, le 31 octobre 1927, et accomplit son temps de formation religieuse au noviciat de Taintegnies (Belgique), puis de Scy-Chazelles (Moselle) où il prononce ses premiers vœux, le 6 novembre 1927. Il étudie la philosophie à Saint- Gérard de 1927 à 1930, accomplit son service militaire à Dijon (1930-1931). Les études de théologie se déroulent à Louvain (1931-1934). Profès perpétuel le le 7 mars 1933 à Nozeroy (Jura), le Frère André-Bernard est ordonné prêtre à Lormoy (Essonne), le 25 décembre 1934, où est transféré le scolasticat de Louvain pour les religieux des provinces françaises. Il est envoyé au service de l’orphelinat de Douvaine (Haute-Savoie) de 1935 à 1939 avant d’être affecté à la communauté de Menton (Alpes-Maritimes). Mobilisé en septembre 1939, le P. André-Bernard est tué au front à Romilly-sur-Seine (Aube), le 13 juin 1940. A l’époque, son frère, Louis-René, est religieux coadjuteur tandis qu’un de leurs cousins, M. François Sublet, est concierge à la commuté de l’avenue Bosquet. Lettre de l’abbé Krumeich, Romillly, 20 septembre 1940. « Il a été exhumé hier à Romilly cinq corps de soldats français enterrés provisoirement dans un jardin privé et que j’ai accompagnés au cimetière de la ville de Romilly. Parmi ces corps, il y a celui du P. André-Bernard Sublet, des Augustins de l’Assomption, caporal dans une compagnie de ravitaillement en viande 406-14, A.A VIème armée, secteur postal 14855. Le 13 juin, ils arrivaient, lui et ses compagnons en auto, à la hauteur des abattoirs de Romilly pour y prendre, semble-t-il, un ravitaillement. Il y avait 12 hommes dans la camionnette. C’était l’heure où les tanks allemands entraient dans la ville (20h30). La camionnette se trouva face au char qui la mitrailla de plein fouet. Cinq hommes furent tués, deux blessés, les autres s’enfuirent. Parmi les tués, le P. Sublet, dont une jambe fut brisée et l’autre blessée. Le lendemain, les Allemands faisaient enterrer les morts dans le jardin voisin, à 70 ou 80 centimètres de profondeur, sans couverture ni toile de tente. Leurs plaques d’identité étaient retirées et confiées à un Allemand qui disparut. Leurs papiers furent jetés sur les corps, au hasard. En les exhumant, on trouva deux caporaux. L’un portait une alliance à ses initiales (caporal Chabert), l’autre portait une montre à laquelle était attachée une médaille. Dans un portefeuille, une demi-douzaine de cartes de visite au nom du P. Sublet, de la compagnie de ravitaillement, sa photo en militaire, une autre détériorée, probablement en soutane, un Agnus Dei, un talon de mandat pour des messes sur lequel derrière on peut lire pro defunctis, des lettres… Sur les cartes de visite, on lit également:’Orphelinat de Douvaine (Haute-Savoie)’. Voici les noms des cinq soldats qui ont été inhumés hier au cimetière de la ville: Coutassot, aspirant,, Buisson; Moyen; caporal Sublet et caporal Chabert. C’est le beau- frère de Coutassot qui, recherchant dans la région des traces de son parent, a pu obtenir de la Kommandantur l’autorisation de procéder à cette funèbre opération, mais combien utile puisqu’elle va éclairer cinq familles sur le sort de leurs disparus. Dans quelques semaines, avec le mauvais temps, les papiers qui ont pu nous documenter auraient été inutilisables. Voici l’adresse du beau-frère de l’aspirant Coutassot. M. Pelletier, 11 rue Collin au Creusot. Il a reconnu le P. Sublet à sa photo, car le Père lui fut un jour présenté par son beau-frère, lors d’une visite aux armées. Excusez le décousu de ces notes que j’ai jetées rapidement sur le papier pour que vous puissiez avertir les supérieurs et la famille du P. Sublet qui doivent être dans l’inquiétude. La mairie doit envoyer un avis officiel… ».

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion, 1940, n° 831, p. 41. Du P. André-Bernard Sublet, dans les ACR, deux correspondances (1930 et 1939). Lettre citée du caporal André-Bernard Sublet, s. 1., 7 octobre 1939. Notices Biographiques