Arconce (Charles) VIALLE – 1890-1916

Au front, 1916.
« Deux mots avant de remonter aux tranchées, car, là-haut, c’est difficile.
Notre dernier séjour nous a coûté cher, mais il a eu aussi son bon côté au
point de vue religieux. C’est cela qui me console un peu des peines et des
fatigues que nous avons à endurer, comme me le disait
hier un de nos ‘poilus’. Le P. Canon est un bon prédicateur: on n’aime
guère entendre sa voix, mais ceux qui l’entendent ne peuvent résister à son
éloquence. Marie, notre bonne Mère du ciel, a été bien fêtée par nos hommes
durant cette semaine de repos. Elle ne se laissera pas vaincre en
générosité, et elle les protégera durant ces jours de danger. Je suis dans
une ville que vous devinez sans peine [Verdun?]. Pas mal des nôtres y ont
passé. Veuillez m’excuser, cher Père, de la brièveté et du décousu de cette
lettre, mais déjà mes camarades montent leur sac. Bien vôtre en
Notre-Seigneur ». C. Vialle.
La censure militaire interdit toute identification précise des lieux.
D’après une autre correspondance de l’époque,
adressée au P. Sernin Baron, on sait que le Frère Arconce était très exposé
sur une ligne de front, près d’une ferme Thiaumont (1).

Religieux français, novice mort au champ d’honneur. Une nature forte et courageuse. Charles Vialle est né le 11 mai 1890, à Mizilhac (1), dans la région d’Antraigues-sur-Volane et de Saint- Andéol, en Ardèche, au diocèse de Viviers. Il exerce le métier de boulanger à Montélimar (Drôme). C’est dans cette ville que, âgé de 18 ans, il connaît l’œuvre des vocations tardives par l’intermédiaire d’un aumônier de couvent de Visitandines et qu’il souhaite répondre à l’appel du Seigneur. L’aumônier a déjà dirigé à l’Assomption le jeune François Vallon, futur Frère janvier Vallon (1886-1918). Il adresse Charles Vialle au Supérieur du prieuré Saint-Michel à Sart-les-Moines (Belgique) où le jeune homme est scolarisé de novembre 1910 jusqu’en juillet 1913. Charles y est un compagnon d’études et de jeux très apprécié, comme en témoignent ces quelques lignes d’un de ses professeurs, le P. M.-R. Godin: « Au postulat de Sart, on l’appelle Frère Charles. C’est un grand gars des Cévennes, à la démarche assurée, aux poignets robustes, à la nuque tombant d’aplomb sur de larges épaules; les cheveux en bataille, le front carré, le n ez régulier, la bouche bien fendue, avec une attitude ordinaire d’action et au besoin de combativité, il est un vrai disciple du P. Eustache Pruvost, prêt à tous les travaux manuels. Lorsque le Supérieur entre en étude et demande quelques hommes forts et de bonne volonté pour les toits, les parquets, les arbres, Charles se lève d’un bond. Parmi les charges, celle qui a sa préférence, c’est le soin de la chapelle et de la sacristie. Il aime ce surcroît de besogne, car il s’agit de Notre-Seigneur et, dans les nuits d’adoration, le sacristain se fait réserver une bonne part aux heures les plus pénibles. Il se livre avec ardeur à l’étude. On le compte parmi les plus forts en littérature, en histoire. Page :313/313 Il questionne, il discute pour s’instruire. Il aurait mis au service de la vérité une plume alerte et intransigeante, car il est d’une intelligence vive et d’une nature fière ». Le 14 août 1913, Charles entre au noviciat de l’Assomption, alors implanté à Limpertsberg, dans le Grand-Duché de Luxembourg. Il y prend le nom de Frère Arconce (2). Mais au moment même où il se prépare à la profession, la guerre est déclarée et le jeune novice doit quitter temporairement la vie religieuse pour répondre à ses obligations militaires. Incorporé au 99ème régiment d’infanterie, il ne tarde pas à monter au front. Partout, que ce soit dans la Somme, en Champagne et dans la région de Verdun, il se conduit de façon courageuse, méritant deux citations. Animé d’un grand esprit spirituel, il seconde de son mieux les aumôniers, notamment l’abbé Thellier de Poncheville, dans leur ministère auprès de ses compagnons soldats. Il aime le mois de mai réunir ses camarades autour d’une statuette de la Vierge et leur faire quelque lecture spirituelle. Il écrit encore le 22 avril 1916: « Si je viens à laisser ma pauvre carcasse devant Verdun, n’oubliez pas Cie multiplier vos prières pour ne pas me faire languir trop longtemps au purgatoire. De bon cœur, je fais à Dieu le sacrifice de ma vie pour l’Eglise, pour le Pape, pour ma famille de l’Assomption et pour la France… ». Quelques jours plus tard, le 7 mai 1916, dans le ‘ravin de la mort’, alors qu’il se dispose à aller porter secours à des blessés restés sur le champ de bataille, il est frappé par un éclat d’obus. Il meurt une heure plus tard, vers 20 heures, au poste de secours où des camarades ont réussi à le transporter. On l’enterre au fond du ravin de la Dame, en bas de Froideterre et d’une ferme appelée de Thiaumont, sur la rive droite de la Meuse. Un paroissien de Saint-Guilheni, nommé Mercian, compagnon du Frère Arconce, fait connaître la nouvelle au P. Sernin Baron, alors curé de la paroisse en ajoutant que nombreux sont ceux qui reposent auprès de lui dans ce ravin appelé le ravin de la mort. (1) Le Dictionnaire national des communes de France ignore ce lieu-dit et la consultation de différentes cartes Michelin de la région n’en a pas livré le secret. (2) St Arconce est le nom d’un évêque de Viviers, martyr du VIIIème ou IXème siècle, dont le martyrologe atteste simplement qu’il a été tué par la foule pour avoir défendu les droits de l’Eglise. Page :314/314

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion, 1916, no 372, p. 549; no 384, p. 641-645; 1919, no 569, P. 271; 1927, n° 211, p. 7. L’Assomption et ses (Euvres, 1929, no 338, p. 132-139. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Lettre du Frère Arconce Vialle au P. Sernin Baron, 6 mai 1916. Du Frère Arconce Vialle, dans les ACR, correspondances du temps de guerre (1914-1916).