Benoit-Joseph (Victor-Pierre) SARCHER – 1852-1929

Saint-Trond, 1907.
« Je me hâte de vous donner des nouvelles du malade. Elles sont bonnes.
Toute sa claire vie intellectuelle est revenue.
Je vais le voir tous les jours, l’après-midi, et nous parlons assez
longuement ensemble avec la permission du docteur. Je lui lis parfois le
Bien Public où toutes les questions du jour sont traitées dans un sens
catholique avec une réelle ingéniosité et il se plaît à aborder les
questions les plus ardues de politique, d’économie sociale. Nous parlons
beaucoup Ecriture Sainte. Il fait en ce moment
ses délices avec l’Apocalypse. La poésie et la littérature ne le laissent
pas indifférent, mais tout cela modérément. Je lui ai donné mon diurnal où
il récite l’Office de la Sainte Vierge. J’ai lu dans le Bien Public le
jugement du 2ème Tribunal Civil de la Seine qui reconnaît à Féron-Vrau la
réelle propriété de la Bonne Presse et en même temps donne raison au
liquidateur Ménage. Quelle caricature de justice! Quel régime de voleurs!
L’appétit baisse. Je ne mange pas le quart de ce que j’engloutissais
autrefois
lorsque ma bêche écrasait les lombrics dans les jardins et que ma faux
abattait la luzerne dans les champs. Quelles déperditions de forces! … ».

Notices Biographiques A.A

Religieux français. Une figure originale de barde à l’Assomption. Victor-Pierre Sarcher est né le 2 septembre 1852 à Cossé-le-Vivien (Mayenne). Il fait ses études secondaires au petit séminaire de Mayenne et ses études ecclésiastiques au grand séminaire de Laval où il est ordonné prêtre le 15 juin 1878. Après avoir été vicaire pendant 4 ans à Bazouge-de-Chemeré et Saint-Ouën-desToits dans le diocèse de Laval, il demande et obtient d’entrer dans la vie religieuse. Il se présente au noviciat d’Osma en Espagne où il prend l’habit le 25 décembre 1882 sous le nom de Père Benoît-Joseph. En le présentant, le P. Emmanuel Bailly, alors maître des novices, dit à son sujet-. « L’abbé Pierre Sarcher est un prêtre intelligent, instruit, pieux et zélé. D’un abord un peu farouche et d’une allure un peu singulière et originale, il gagne à être connu. La docilité n’est pas autant dans les idées que dans les intentions. Attiré par l’esprit et les oeuvres de l’Assomption, son âme ardente, droite, simple et généreuse paraît bien faite pour s’y fixer et y faire du bien ». Envoyé à Paris vers la fin de la seconde année de noviciat, il y fait sa profession perpétuelle le 6 janvier 1885. Très vite, le P. Benoît-Joseph est attaché au service de l’alumnat de Roussas (Drôme) comme professeur et il suit son transfert à Brian en 1889 lorsqu’il devient alumnat d’humanités. Le P. Benoît-Joseph s’y trouve encore à l’heure des perquisitions en 1899 et du procès de 1900. Très impressionnable, il en éprouve des troubles dans sa raison. Il est nécessaire de le conduire en Belgique dans une maison de santé, à Saint-Trond. Se sentant à l’abri des francs-maçons qu’il a tendance à voir partout, il retrouve assez rapidement son bon sens et il peut être affecté à l’alumnat voisin de Zepperen où il demeure le restant de ses jours. Figure intelligente et très originale, A.A pleine d’entrain, toujours joyeuse et de style bon enfant, c’est une personne animée et habitée dans tous ses propos et dans toute sa conduite par un profond esprit de foi. C’est ainsi que sa personnalité est perçue dans son entourage. Il vit un peu à la manière d’un Père du désert, sauvage, hirsute, dédaigneux de tout ce qui peut sentir la recherche, se livrant volontiers au travail manuel. C’est surtout par les services matériels qu’il s’efforce de se rendre utile le plus longtemps possible, du moins aussi longtemps que ses forces le lui permettent. Il possède un riche fond d’idées, avec les mots justes et pittoresques pour les présenter. Ce qui est nouveau l’intéresse, mais sa prédilection va pour les sermons de Bossuet et les écrits des Pères de l’Eglise. Ses phrases sont étincelantes, le paradoxe ne l’effraie pas. D’un tempérament combattit, on dirait qu’un feu couve constamment en lui, un feu qui lance des étincelles et des flammes et qui de temps en temps fait explosion. Il sait tenir la plume et ses poésies ne manquent pas de charme, mais son parcours ne le conduisit jamais sur les voies du journalisme. Sa physionomie est impressionnante: une belle tête de prophète, de longs cheveux blancs en désordre, une barbe inculte qui évoque celle de Moïse, des yeux jetant des éclairs sous d’épais sourcils noirs pointés en avant. Energique, d’une voix forte et bien timbrée, il donne un air de tribun. Et pourtant le P. Benoît-Joseph a une âme d’artiste: il chante, improvise des vers, compose toujours une dernière et nouvelle chanson qui lui ressemble parce queue n’est pas finie. Le Père ne peut s’astreindre à la tenue, à la mesure ou à l’ordre. Il semble planer au-dessus de ces contingences vulgaires. En tout il est un magnifique indiscipliné, une sorte de barde égaré au XXème siècle. Ses dernières années sont pour lui des années pénibles de déchéance physique. Transporté chez les Frères Alexiens à Henri-Chapelle, au nord-est de Verviers, le Père Benoît-Joseph meurt deux jours après, le 20 novembre 1929, à l’âge de 77 ans. Son corps repose au cimetière de Henri-Chapelle. Les recueils de poésies qu’il a constitués tout au long de sa vie ont été livrés au feu, un jour, dans un moment d’égarement, et seules quelques pièces ont échappé au désastre.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion, 1929, no 333, p. 341-343; 1930, no 337, p. 11-12; n° 340, p. 34- 40. L’Alumniste (Alumnat de Saint-Louis, Zepperen), 1930, no 41, p. 4-5. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Lettre du P. Benoît-Joseph Sarcher au P. Emanuel Bailly, Saint-Trond, 14 février 1907. Dans les ACR, du P. BenoÎt-Joseph Sarcher, correspondances (1885-1921). Notices Biographiques