Bernard-Mary (Ewart Bernard) RICKETT – 1908-1995

Castel Gandolfo, 1934.
« Suite à notre conversation de ce soir, je vous soumets ci- dessous
quelques détails concernant mes difficultés
avec ma famille. Je suis entré en religion en 1929 à l’âge de
21 ans accomplis, contre la volonté de mes parents avec lesquels je ne suis
pas encore réconcilié malgré tous mes efforts. Ma famille se
compose de mes parents et de mes trois frères. Nous sommes
4 enfants et moi le 3ème suivant l’âge. Durant les 5 dernières années, bien
des déboires se sont abattus sur ma famille. Ma persévérance a brisé son
unité et son bonheur ainsi que le cœur de ma mère. Mon frère aîné,
désappointé à plusieurs reprises dans des questions de cœur, est devenu
fou. Il vit actuellement dans une maison de santé. Le plus jeune, chômeur,
s’est engagé dans l’armée. L’autre tient à se marier dans deux ou trois
mois. La situation financière de mes parents est devenue
précaire. Mon père, âgé de 57 ans, est menuisier de métier. Il a souffert
du chômage et a contracté des dettes, la maison est hypothéquée. Le fils
aîné
est devenu à charge. Mon père dans sa dernière lettre m’a mis en demeure
d’aider la famille. Je suis tenu injustement responsable de toutes les
difficultés ».
Notices Biographiques A.A

Religieux de la Province d’Angleterre, Provincial d’Angleterre de 1971 à 1974. Une vie donnée à l’enseignement. Ewart-Bernard Rickett est né à Watford en Angleterre, au diocèse de Westminster, le 26 février 1908. Son nom de baptême ne figure pas parmi les dix noms les plus populaires du pays en 1996: ses parents, Frédérick-James et Margaret- Theresa Turner, étaient probablement admirateurs du grand chef d’Etat libéral du XIXÈme siècle, William Ewart Gladstone. S’il en est ainsi, le jeune Ewart ressemble à son homonyme sur un point spécifique, sa débordante énergie et sa ténacité toute britannique. Pendant sa jeunesse, sa famille déménage à Brockley. C’est là qu’il entre en contact avec les Assomptionnistes. Le Père Louis Deydier l’encourage à devenir religieux, bien que la famille se montre opposée à ce choix. Avant d’entrer au noviciat en 1929, Ewart pense faire carrière dans la banque. Il est pourtant difficile d’imaginer le futur P. Bernard-Mary comme un bon banquier; ses confrères, au vu de son existence, le verraient plutôt comme un administrateur de l’empire colonial britannique que ce soit en Afrique ou aux Indes ou comme un capitaine de contre- torpilleur dans la Marine royale! Dans la voie qu’il a choisie, il va prendre à cœur de rentabiliser la vie religieuse et l’enseignement. Quoi qu’il en soit voici les éléments de son premier parcours : il accomplit ses études d’abord à l’école de Brockley (1921-1924), puis à la maison des vocations tardives en France, à Saint-Denis au nord de Paris (1929- 1930). Il prend l’habit au noviciat des Essarts (Seine- Maritime), le 7 octobre 1930, sous le nom de frère Bernard- Mary et y fait profession le 8 octobre 1931, après une année passée sous la direction du P. Léonide Guyo. C’est à Saint- Gérard en Belgique qu’il parcourt la philosophie (1931-1933) et à Rome qu’il accomplit ses études de théologie (1933- 1937). Devenu profès perpétuel le 28 avril 1935, il est ordonné prêtre le 21 février 1937. Il va dès lors passer 44 ans de sa vie ministérielle dans l’enseignement, à Nottingham (1937-1946), à Hitchin (1946-1948), de nouveau à Nottingham (1948-1959) et Hitchin (1959-1962). En 1966, il est autorisé à prendre la direction du collège St Edwards à Malte, à titre personnel, sans engagement de la part de la Congrégation. Traits de personnalité. Le P. Bernard-Mary est un professeur estimé et enthousiaste, aimant l’histoire. Une mémoire prodigieuse et une grande vivacité d’esprit le rendent apte à pratiquer toutes les disciplines. Ses élèves gardent de lui le souvenir d’un homme inébranlable, inaccessible au moindre doute, ni sur la foi, A.A ni sur les convictions intellectuelles, ni sur lui-même. Il a réponse à tout, bien qu’il faille reconnaître que, comme d’autres chefs, il attache plus d’importance au fait d’une décision à prendre qu’aux détails permettant sa réalisation. Une de ses infirmières demandera un jour à ses confrères s’il avait été minutieux et précis comme directeur d’établissement. Il n’admet pas ce qui lui semble un non-sens, mais il n’a pas pour autant les qualités d’un préfet de discipline. Il dirige tout d’une manière ordonnée, grâce à sa seule présence et à son autorité morale, mais aussi à sa grande capacité d’énergie. Comme jeune religieux étudiant à Rome, il emmagasinait avec enthousiasme les idées qu’on lui soumettait: la théologie scolastique, une visée très hiérarchique de l’Église et de la vie religieuse, ce que l’on peut appeler un style à la fois combatif et triomphaliste du catholicisme d’une époque. S’il avait vécu cent ans plus tôt, le P. Bernard-Mary se serait volontiers engagé dans les zouaves pontificaux pour défendre Pie IX contre Garibaldi. Il conserve donc les idéaux de sa jeunesse pendant trente ans. C’est un directeur renommé tant à Hitchin qu’à Nottingham. Pour lui, l’Eglise et la Congrégation doivent sortir indemnes de toute discussion théologique. De 1960 à 1970, il est surpris de constater que le courant des idées semble prendre le contre-pied des idéaux qu’il a toujours défendus. Il est tellement imprégné de la doctrine que ses professeurs lui ont enseignée et des convictions qu’il s’est forgées, que les courants de la nouvelle théologie et de la réforme ne l’impressionnent nullement. S’il attaque les théories du jour, c’est cependant sans aigreur, car il est impensable pour lui d’adopter d’autres idées. En 1971, le P. Bernard-Mary est rappelé du collège St Edwards pour devenir Provincial d’Angleterre. la Province vient de traverser une période difficile et turbulente avec, notamment, le départ-surprise d’un ancien Provincial, le P. Paul McNicholas, plus tard imité par le P. Kieran Dunlop. la plupart des religieux pensent que le P. Bernard-Mary les conduirait dans des eaux plus calmes et plus douces. Les attentes sont différentes. Quelques-uns espèrent qu’il emploiera son autorité pour rétablir l’ordre, pour restaurer les formes traditionnelles de la vie religieuse. D’autres craignent que cette autorité ne les écrase d’une façon répressive. Ces derniers reconnaissent que leur nouveau Provincial sait se montrer compréhensif et ouvert pour les personnes. Bien que gagnant la confiance des religieux par sa chaleur humaine, le P. Bernard-Mary s’éloigne de la direction que la Congrégation prend et de la direction que son Conseil propose. Son point de vue ne change pas. S’il emploie l’ambiguïté diplomatique, sa pratique ne varie pas. Son mandat ne lui est pas renouvelé en 1974. Il gagne alors Hitchin. Il accepte sans rechigner à 77 ans d’être supérieur local. Il accepte d’employer le nouveau rituel de la liturgie, de prier dans la langue anglaise, de modérer ses jugements sur la nouvelle Règle de Vie. Fondamentalement très honnête, ses résistances au changement sont l’expression non d’un esprit orgueilleux mais d’une conviction. Avec le temps, il accepte de revenir sur certains jugements antérieurs, reconnaissant même qu’il a pu se tromper, devenant plus doux ou moins rigide. Avec le grand âge, les difficultés et les infirmités de la vieillesse surviennent. Il meurt le mercredi 14 décembre 1995 dans la maison de santé ‘Nazareth’ à Mammersmith.

Bibliographies

Bibliographie et documentation. Documents Assomption, Nécrologe (VI) 1994-1995, p. 140-145. Notes biographiques fournies par la Province d’Angleterre (1996). Lettre du Frère Bernard Mary Rickett au P. Félicien Vandenkoornhuyse, 24 septembre 1934. Dans les ACR, du P. Bernard-Mary Rickett, rapports sur Nottingham (1949-1959), sur Nitchin (1959-1963), correspondances (1939-1974) Notices Biographiques