Cécilien (Yves-Corentin-Marie) LE BERRE – 1888-1977

Portrait.

yeux d’enfant ne peuvent oublier le grandiose spectacle que leur offrent
fréquemment les flots déchaînés dans la baie de Douarnenez ou, sur les
sables blancs, à la pointe de Laydé. Ses parents déménagent à Pouldergat,
mais Yves garde la nostalgie de ‘la terre de l’île’. Il commence
ses études secondaires au petit séminaire de Pont-Croix (1901-1904), à
l’estuaire du Goyen. Il les poursuit dans les alumnats de
l’Assomption, en Belgique, au Bizet (1904-1905) et à
Taintegnies (1905-1907). Il y connaît un maître de choix, le P. Edouard
Bachelier, professeur excellent dans la causerie, spontané, spirituel,
original, toujours vivant, plein d’intérêt, les traits même qui
constituent la personnalité d’Yves. Sous le nom de Frère Cécilien, Yves
prend l’habit à Louvain, le 28 août 1907, y prononce ses premiers v?ux le 8
septembre
1908 et ses v?ux perpétuels, l’année suivante, le 12
septembre 1909, à Gempe. Il connaît ensuite la vie animée du scolasticat
de Louvain (1909-1912), sous la férule passionnante du P.
Merklen et de son équipe de jeunes professeurs qui rédigent, avec le
concours des étudiants, la Revue Augustinienne. Une soutenance de thèse
couronne les trois années de philosophie et, à l’époque, ces travaux sont
imprimés et présentés dans les facultés. Le Frère Cécilien consacre son
étude aux rapports de la sensibilité et de la perception. Puis viennent les
classiques années d’?uvres: le Frère Cécilien traverse l’Atlantique
pour aller enseigner à Worcester, aux U.S.A. (1912-1913) et revient en
Europe pour deux années à Zepperen (1913-1915). Il Y connaît le P.
Gausbert Broha, petit, de taille, sec comme un sarment, marchant à
petits pas vifs, glissant sur ses pantoufles silencieuses, aux
colères fameuses qui terrorisent les natures trop impressionnables. En
1915, il ne répond pas aux ordres de la mobilisation et commence à
Louvain ses études de théologie (1915-1919). Il est ordonné prêtre le 12
mai 1918, à Louvain, au couvent des Dominicains. A la fin de la guerre,
traité en insoumis, il tâte de la prison à Nantes (1919).
L’intervention du Général de Castelnau met un terme à son incarcération et
hâte sa démobilisation.
Professeur brillant et original.
En 1919, le P. Cécilien entame une étape de 7 ans de
professorat: Sart-les-Moines en Belgique (1919-1921), Les Essarts en
Seine-Maritime (1921-1922) et Miribel-les- Echelles dans l’Isère
(1922-1925).
« Pour ma part, je garde du Père Cécilien cette double image, qui peut
aussi nous inviter les uns et les autres à aller de l’avant avec
enthousiasme pour le service du Royaume:

d’une part, une jeunesse à
toute épreuve, un esprit en état permanent d’ouverture et de curiosité, qui
garde ouverte la porte de l’émerveillement et de la découverte, comme un
enfant;

d’autre part, une âme de poète qui accueille et communie
avec intensité aux immenses richesses de la création: un arbre, une fleur,
un oiseau, rien n’est indifférent, tout est porteur d’une révélation, et je
crois qu’il a su faire sienne l’attitude du Seigneur, au soir de la
création, pour alimenter sa prière et son action de grâces.

Ce qui nous est donné est bon, c’est don du Seigneur à accueillir et à
faire fructifier ».

Extraits de l’homélie
prononcée, à Layrac, le 16 mai
1977, par le P. Ernmanuel Rospide, Provincial de Bordeaux.

Religieux de la Province de Bordeaux. Une intelligence interrogative et une intuition de poète. Né à Douarnenez (Finistère) le 27 février 1888, Yves- Corentin-Marie Le Berre garde toute sa vie les images observées de la mer où à la tempête succède le calme et où la lumière finit toujours par triompher des sombres nuages. Ses

Il dirige le groupe d’alumnistes provisoirement installés à Arras (Pas-de-Calais) de 1925 à 1926. Il a acquis partout la réputation d’un maître littéraire, d’un orfèvre de la répartie et d’un acteur doué pour le théâtre. En 1926, le P. Cécilien vient succéder au P. Marie-Félix Dufau à l’alumnat de Saint-Maur (Maine-et-Loire) où l’on vient de déplorer en juillet la double noyade du Frère Pierre-Rogation Sorel et du jeune Yves Rengoat. Le P. Cécilien est célèbre pour ses tics ou ses mimiques originales, ses remarques pleines d’humour et ses conseils spirituels toujours appropriés. Il sait gagner l’intérêt par la jeu et affectionne les leçons de chose. Excellent nageur, il traverse la Loire, toujours coiffé de son chapeau de paille. Il associe le Frère Jeanson au secrétariat de la revue de l’alumnat et assure ainsi la prospérité financière de l’?uvre. Après 1929, le P. Cécilien supporte de fréquents changements: de Laleu (Charente- Maritime) en 1930, il vient enseigner à Melle (Deux-Sèvres) en 1931, puis à la maison de vocations tardives de Saint-Denis (1934-1936), avec un séjour à Lorgues en 1935. Il fait une année à la cure de Notre-Dame de Salut à Bordeaux-Caudéran (Gironde) en 1937. En compagnie du P. Vignes, il prêche une mission à Ibos (Hautes-Pyrénées) d’où il va garder le surnom chantonnant d’Ibos. Layrac (Lot-et-Garonne) est son port d’attache entre 1938 et 1946. Son séjour commence par un an d’enseignement auprès des jeunes bacheliers. Il y célèbre ses 25 ans de sacerdoce en 1943, entouré de condisciples de 1918. En 1946, le P Régis Escoubas, Provincial, propose au P. Cécilien un nouveau changement pour une aumônerie à Rueil- Malmaison (Hauts-de-Seine), dans une maison dirigée par des religieux canadiens. Il émigre avec elle à Gargenville, près de Mantes (Val-d’Oise). Avec humour et poésie, il sait évoquer le jaillissement des fontaines et le murmure des ruisseaux, rappelle en historien le séjour de l’impératrice Joséphine, ses promenades sur l’étang de Saint-Cucufa, en compagnie du tsar de Russie, Alexandre ler. Soucieuse de son élégance, Joséphine, restée en robe de soirée, prit froid et mourut trois jours après, le 29 mai 1814, à 51 ans. En 1950, il est question pour le P. Cécilien d’un poste d’aumônerie chez des S?urs à Moncuq (Lot). Devancé par un autre, alors que ses malles y sont déjà arrivées, le Père accepte de résider au noviciat de Pont-l’Abbé- d’Arnoult (Charente-Maritime). Il trouve son épanouissement et une saine occupation à rédiger un bulletin de quête, Saint-Antoine de la Chaume, pour subvenir aux frais du noviciat. Orateur des grandes occasions, levant facilement le verre, il fait partie de l’encadrement de la maison, apportant une note joyeuse, insouciante et parfois insolite. Ses originalités détendent l’atmosphère, d’une note un peu plus forcée, de préférence quand les responsables sont absents. Le 21 novembre 1959 la communauté fête ses noces d’or de profession et il conclut son toast en prophétisant: « Puisque la longévité est surtout un climat du c?ur, si Dieu me laisse vivre aussi longtemps que je voudrais aimer nos jeunes frères, il m’est permis d’espérer atteindre l’âge des noces de diamant ». En 1969, le noviciat de Pont-l’Abbé ferme, faute de combattants. Le P. Cécilien prolonge son séjour jusqu’en 1973 avant de rejoindre Layrac, maison de repos mieux équipée et fonctionnelle. Y, En m’expédiant en la fête de Jean-Baptiste, on décapite la communauté! ». Il meurt à la clinique Saint-Hilaire d’Agen, le 12 mai 1977, à 90 ans.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (I) 1975-1980, p. 47. A Travers la Province (Bordeaux), 1977, n° 252, p. 11-18. Voulez-Vous? (bulletin de Layrac), 1977, n° 102, p. 11-12. Dans les ACR, du P. Cécilien Le Berre, correspondances (1912-1963), rapports sur Saint-Maur (1928), sur Laleu-La Rochelle (1929-1930.