Religieux de la Province d’Amérique du Nord.
Un homme de douceur et de charité.
Joseph que l’on appelle familièrement Antonio ou Toni en famille est né le 31 juillet 1907 à Gardner (Massachusetts) aux USA. Son père, entrepreneur, mobilise volontiers pendant les vacances ses 3 fils élèves à l’Assomption, Toni, Roméo et Réginald. Joseph n’attire guère les regards: il souffre d’une calvitie précoce et a des difficultés d’élocution dont ses confrères étudiants sauront se moquer. Après l’école paroissiale, les études au collège de Worcester (1923- 1929), il entre au noviciat de Bergerville (Québec) le 29 septembre 1929 sous le nom de Fr. Clair. Il y prononce ses premiers vœux le 30 septembre 1930 et part en Europe pour les études supérieures: philosophie à Saint-Gérard (1931-1932) et théologie à Louvain (1933- 1935), achevée à Paris et Lormoy (1935-1936). Il fait sa profession perpétuelle à Louvain le 30 septembre 1933 et il est ordonné prêtre à Lormoy le 8 mars 1936. Ses défauts physiques l’empêchent de devenir professeur distingué ou prédicateur éloquent, aussi, à son retour en Amérique, il est choisi comme bibliothécaire et surveillant à Worcester jusqu’en 1954 . Le P. Clair n’a pas le don de la parole, il passe sans faire de bruit et pourtant il a le don d’attirer les cœurs en sachant faire plaisir. Le P. Rodolphe Martel raconte volontiers qu’un jour il demande au P. Clair le service d’un remplacement temporaire d’un curé malade dans les environs. Le P. Clair y reste plusieurs semaines et réussit à attirer au collège de Worcester un de ses plus insignes bienfaiteurs qui, après la tornade de 1953, sacrifie un voyage en Europe pour donner 2.000 dollars, à cause du souvenir gardé du ‘bon P. Clair’. Qu’a-t-il préché? Aucun religieux ne l’a entendu, mais à son chevet en 1962, des anciens paroissiens viennent lui rendre visite.
Panégyrique intemporel.
« Le P. Clair est de ces âmes qui laissent après elles un sillage de lumière. Il est rarement fait de sensationnel, de spectaculaire, mais tracé dans l’humilité, purifié dans l’épreuve, vivifié par la charité, il est toujours fécond. Il me semble que la vie du P. Clair peut se résumer si bien dans ces trois vertus qu’il s’est acquises au prix d’un perpétuel renoncement, vertus qu’aujourd’hui nous ne pouvons laisser sous le boisseau. Des liens d’affection se sont noués entre nous, dans une petite maison au noviciat de Québec, où au fil des années nous nous sommes aimés, où nous avons œuvré côte à côte jusqu’au jour où nous avons quitté ensemble cette œuvre qui nous tenait à cœur. Le P. Clair fut le meilleur compagnon de ma vie religieuse; l’an passé [1961], j’ai fêté ses 25 années de sacerdoce. Nul plus que le P. Clair peut appliquer loyalement et à la lettre le vieux dicton ‘Mon verre est petit, mais je bois dans mon verre’. Il compensa la quantité des talents (non reçus?] par la qualité de ses services. L’obéissance du P. Cla i r n’est pas moins légendaire, non pas maussade et factice, mais souriante et empressée… ». Eloge du défunt par Xavier Vandermeerschen.
Notices Biographiques A.A Page : 335/335 Un cœur évangélique.
Le P. Clair conquiert les cœurs par son sourire et par sa patience, car on a dit de lui, très justement, que son âme, forgée au creux de l’épreuve, sait dépasser dans la relation la contrariété, l’incompréhension, le dédain aussi. L’épreuve le visite, aussi bien physique que morale, mais elle ne le terrasse pas. Il sort de sa bouche toujours un sourire, un pardon, un dialogue dans une atmosphère de paix évangélique. Nul n’a remarqué chez lui ce qu’auraient pu susciter des sentiments de rancune ou d’aigreur provoqués par des attitudes et des moqueries parfois peu amènes à son égard. Mais le P. Clair sait aussi décharger son âme avec simplicité, auprès d’un confrère aimé, des sentiments qui encombrent ou empoisonnent une existence. Son service d’enseignement, très réduit et très vite interrompu avant 1954, reprend après 1939 à l’école préparatoire de Worcester où, après avoir reçu une maîtrise en français, il donne quelques cours. Entre temps, de 1954 à 1939, il accepte d’être économe au noviciat des frères convers à Bergerville-Sillery au Québec. Il marque ainsi sa disponibilité foncière à des tâches subalternes qui n’attirent guère l’attention et ne suscitent guère la concurrence. Sa discrétion et sa bonté font de lui un confesseur recherché, en paroisse, au noviciat comme au collège, car sa bonté, son jugement doux, lui interdisent une attitude de juge. Cette ‘homme sans importance’, ce religieux doué d’une grande énergie intérieure garde un enthousiasme diaphane, sans doute parce qu’il a construit sa personnalité spirituelle dans le choix affirmé de la simplicité évangélique. En 1962, il se sait atteint d’un cancer, ce qui nécessite des temps de soins à l’hôpital. Il dit de son voisin de lit, cancéreux lui-aussi, sans espoir de rémission, qu’il est dans les derniers stades de la maladie qu’il porte comme lui avec des échéances semblables. De façon habituelle, il ne parle pas de son état de santé, mais il aime échanger sur les nouvelles reçues des uns et des autres. Il meurt précocement, le 14 juin 1962, à 55 ans, le crucifix à la main, presque inaperçu, à l’image de sa vie, mais laissant cette impression profonde qu’un être de choix, peu considéré de son vivant, une fois parti, manque à tous.
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Bibliographies
Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1963, p. 203-204. Lettre à la Famille 1963, n° 349, p. 375. Alumnus (Worcester), 1962, n° 3, p. 4 et 6-7. (texte de l’éloge funèbre). Assumptionists Deceased in North America, p. 4.