Daniel (Marcel-Corentin) TOULERASTEL – 1914-1988

Tarbes, 1950.
« Vous savez sans doute ce qui vient de m’arriver. Depuis trois jours, j’ai
sur mon bureau une lettre d’obédience, me nommant supérieur de
Jeanne-d’Arc. Vous dire mon ahurissement à la réception de cette lettre, je
ne le puis. Le P. Provincial [Izans] ne m’avait rien dit auparavant. Le
P. Vergez lui-même n’en revenait pas. Lui aussi est de mon avis. Je ne puis
le
remplacer à la tête de la maison. Vous soupçonnez mes difficultés, car pour
les
connaître, il faut y être vraiment et vivre continuellement dans cette
atmosphère d’hostilité et de mauvais esprit qui a poussé le P. Savin
[Vergez] à démissionner. Embarrassée par cette démission, la curie
provinciale m’a nommé. Est-ce sérieux? Connaître quelques-unes des
difficultés, ce n’est pas les résoudre toutes. Tout le mal de la communauté
vient de son découragement. Pour être supérieur d’un collège, il ne
suffit pas d’être un bon religieux
(le suis-je?), il faut une personnalité complète. Depuis mon départ de
Lormoy, je suis préfet de discipline. Je n’ai jamais fait la classe.
Comment veut-on que je remplace au pied levé tel ou tel professeur malade
ou absent? Ces imprévus nous arrivent chaque année … ».

Religieux de la Province de France. Jeunesse et formation: 1914-1945. Marcel-Corentin Toulerastel (1) est né le 10 juillet 1914 à Plobannalec (Finistère) dans une famille qui comptera 17 enfants. Après ses études secondaires à Saint-Maur (Maine- et-Loire), de 1929 à 1932, et à Melle (Deux-Sèvres), de 1932 à 1934, il prend l’habit et le nom de Daniel, patronyme de sa mère Catherine, à Pont-l’Abbé-d’Arnoult (Charente- Maritime), le 30 septembre 1934. Profès le ler octobre 1935, il fait l’année complémentaire à Layrac (Lot-et-Garonne), suivie du service militaire (1936-1938). Il commence sa philosophie à Layrac et la termine à Scy-Chazelles (Moselle), après sa démobilisation. Il accomplit son parcours théologique à Lormoy (Essonne), de 1941 à 1945. Profès perpétuel à Layrac le 6 janvier 1941, il est ordonné prêtre le 18 juin 1944. A Jeanne-d’Arc (Tarbes): 1945-1964. L’essentiel de l’activité apostolique du P. Daniel se déroule dans l’enseignement, au collège de Tarbes (Hautes-Pyrénées) où il commence par être surveillant. Son sérieux, son dévouement, ses capacités de relations simples et directes, sa compétence et son autorité naturelle conduisent ses supérieurs à lui confier le poste délicat de Préfet des études jusqu’en 1954. Il ne se ménage pas. Il fait remonter lui-même à la surcharge de ces premières années l’origine du délabrement de santé dont il souffrira beaucoup par la suite. Il est pressenti comme supérieur dès 1950, mais les difficultés internes du collège le font reculer. Il est nominé supérie ur de 1954 à 1964. Bien qu’éprouvé par sa charge, le P. Daniel aime son champ d’apostolat et de service. Sa personnalité paraît à ses confrères marquée d’un point mystérieux, le mystère d’une mélancolie parfois pessimiste du Bigouden exilé, mystère aussi d’une santé de plus en plus délabrée, mystère de responsabilités assumées dans la foi mais trop peu partagées, mystère enfin d’une discrétion faite de réserve et d’inquiétude. Quand par la suite le trio des supérieurs des collèges assomptionnistes de Tarbes, Agen et Toulouse, les PP. Toulerastel, Hémon et Le Gleuher, se retrouve périodiquement, l’objet de l’échange fraternel entre eux ne manque jamais d’être l’adéquation entre l’idéal apostolique rêvé et les situations vécues concrètement dans chacun des établissements, toujours dans une conviction sincère de la valeur de l’enseignement chrétien (2). Traversée du désert: 1964-1965. Les problèmes de santé du P. Daniel se font de plus en plus aigus. Il se voit obligé de prendre en 1964 un repos complet à la maison provinciale de Bordeaux (Gironde). Page : 89/89 Il cesse toute activité, ne peut célébrer la messe et entre en clinique à Clermont-Ferrand (Puy- de-Dôme) où travaille sa sœur religieuse. Il connaît alors une sorte de traversée du désert, tiraillé entre son désir de réaliser quelque chose et l’incapacité d’entreprendre quoi que ce soit. Il lutte contre l’ennui et le sentiment lancinant d’inutilité. Avec une certaine angoisse, il se demande comment il va pouvoir, comme il le dit, reprendre sa place parmi ses frères. Il la reprendra, au bout de quelques mois de traitement intensif et est nommé à Pâris en 1965 pour remplir le double rôle de délégué à l’enseignement libre et de président de la commission inter- provinciale des enseignants (3). A Paris et dans la région parisienne: 1965-1986. Le P. Daniel croit aux vertus et valeurs de l’enseignement catholique dans les écoles et les collèges. Nommé à la commission de l’enseignement, il s’y donne avec soin, particulièrement pour suivre les évolutions et les mutations et permettre aux établissements de réaliser le passage délicat à la mixité et à la carte scolaire. Il est aussi nommé inspecteur de l’enseignement libre pour élargir son horizon à d’autres Instituts. Il se trouve à l’aise dans la communauté de Paris, Denfert-Rochereau, si bien qu’à l’échéance de sa fonction, il se propose lui-même pour assurer l’économat de la communauté et l’accueil des religieux de passage. Il est économe local de 1973 à 1982. Durant cette période, et tant qu’il peut marcher, il multiplie, à partir de rencontres au Bureau d’Aide sociale du XIVème arrondissement, ses visites aux personnes âgées du quartier et les assiste souvent dans leurs derniers moments. Le P. Daniel n’aime pas se mettre en avant. Confronté à, la souffrance, il porte sa croix avec résignation, délicatesse et dans la foi, illustrant à sa manière le mot de sainte Bernadette: ‘J’aurai toujours assez de santé, pas assez d’amour. Sa maladie a enrichi son intériorité des vertus de l’humilité et de la confiance en Dieu. Mais sa santé ne tient pas le coup. Il reste en attente d’une affectation plus définitive, passant quelques années à la communauté de Sceaux (Hauts-de-Seine), de 1983 à 1986. Le 3 avril 1988, le P. Daniel doit être conduit à Layrac où il cherche à reprendre goût à la vie, aux rencontres et à la marche. Mais peu à peu la maladie reprend le dessus. Il meurt le 6 novembre 1988 et repose, à partir du 9 novembre, au caveau de l’Assomption, au cimetière de Layrac. Le P. Raphaël Le Gleuher conclut: « Le P. Daniel est passé parmi nous, humble mais passionné, efficace mais réservé, entier dans son amitié mais aussi discret. Il aura porté, plus que d’autres peut-être, une part importante et lourde de souffrances physiques et, surtout, morales. Tu n’as peut-être pas eu ton compte de bonheur. Tu as pourtant été un serviteur fidèle. Tu es entré dans la joie de ton Maître ». (1) On trouve aussi la mention Toularastel. (2) D’après les propos du P. Henri Guillemin. (3) D’après le P. Raphaël Le Gleuher. Page : 90/90

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (IV) 1987-1990, p. 36-37. Assomption-France, Nécrologie année 1988, p. 148-149. Voulez-Vous? (Layrac), 1989, n° 147, p. 17-22. Lettre du P. Daniel Toulerastel au’P. Alphonse Picot, Tarbes, 15 août 1950. Dans les ACR, du P. Daniel Toulerastel [Toularastel], rapports sur Tarbes (1954-1961), correspondances (1950-1964). On doit au P. Daniel Toulerastel des compte-rendus de sa participation à deux commissions internationales de l’Assomption en France: Enseignement (1964-1968) et Prospective (1970).