David (Frédéric-Joseph) MAILLAND – 1865-1932

Makievka, février 1922.
« Merci d’abord pour le souvenir que vous me donnez dans votre carte,
preuve que vous me croyez encore de ce monde.
J’avais tout lieu de croire le contraire. L’année 1919 s’est en effet
passée sans
m’apporter de vous un mot qui me fixe sur vos intentions,
mon espérance reposant sur votre promesse répétée de me rappeler sitôt la
guerre finie, m’ayant gardé avec vous pour retourner à Philippopoli.
Pour une déception, c’en a été une, vu surtout les circonstances où je me
trouvais et qui se sont aggravées. Dans l’espérance de quelques mots de
votre bonté, je me recommande
surtout à vos prières et à celles de la communauté du collège
Saint-Augustin à qui vous voudrez bien transmettre mes salutations et mes
sentiments les plus affectueux ».

Frère David
10 janvier 1913.

Ces quelques lignes se trouvent au dos d’une lettre
adressée par le P. Pie Neveu
[alors curé à Makievka] au P. Gervais Quenard [supérieur à Plovdiv],
expédiée de Makievka, le 20 février 1922.

Religieux de la Province de Lyon.

Un destin fixé en Orient.

Frédéric-Joseph Mailland est né le 13 mars 1865 à Trévignin en Savoie, dans le canton d’Aix-les- Bains. Son père instituteur lui donne ses premières leçons à Saint-Alban. Frédéric entre à l’alumnat de Notre-Dame des Châteaux où il étudie de 1878 à 1882. Ayant fait le choix de la vie religieuse à l’Assomption, il gagne le noviciat d’Osma en Espagne. Le P. Emmanuel Bailly qui le reçoit le jauge ainsi en janvier 1883 « Très petit de taille, réfléchi, tenace dans ses résolution, d’une piété solide et d’un caractère sérieux et constant, Frédéric a été lent dans ses progrès et ses études ne sont pas avancées. A cause de son âge, il a été admis comme postulant, mais il aura besoin de compléter son instruction ». L’essai n’est pas probant et le jeune Frédéric est envoyé en Orient. Le P. Joseph Maubon, supérieur de la mission, lui donne l’habit dans la chapelle du noviciat de Phanaraki (Turquie), le 29 avril 1889. Il prend le nom de Frère David comme frère convers. Il prononce ses premiers vœux en 1895 et exerce de 1895 à 1915 la fonction de sous-économe au collège Saint-Augustin de Plovdiv (Bulgarie). C’est également à Plovdiv qu’il prononce ses vœux perpétuels le 19 novembre 1899. Il connaît aussi pendant cette période d’autres résidences de la Mission d’Orient, notamment Andrinople et Koum-Kapou (1889-1893). On se souvient encore d’une aventure qu’il y eut avec quelques soldats turcs au cours d’une promenade des enfants qu’il conduisait. Les soldats cherchent noise à la petite troupe, mais le Frère David sait leur résister vigoureusement, reçoit quelques coups et a la moitié de la barbe arrachée. Très doué pour les langues, il parle bien le turc, se fait comprendre en bulgare, apprend ensuite le russe. Dans ses fonctions de caviste,

il est réputé pour son habileté à fabriquer du vin avec les moyens du bord. En 1915, quand le roi Ferdinand déclare la guerre aux pays de l’Entente, les religieux d’origine étrangère sont expulsés de Bulgarie, le supérieur du collège en premier, le P. Gervais Quenard. Après un séjour de quelques mois à Odessa auprès du P. Maniglier, sur les côtes russes de la Mer Noire, le Frère David arrive le 6 octobre 1917 à Makievka, cette paroisse française du Donetz, en Ukraine, fondée en 1907 grâce à un la:ic, M. François Paris, ingénieur, très ami de I’oeuvre unioniste de l’Assomption et confiée au P. Pie Neveu.

Dans l’empire des Soviets.

Le Frère David Mailland partage le sort de son confrère durant ces années noires que sont la guerre, la révolution, les terreurs de la guerre civile et l’intervention des armées étrangères. Le P. Pie Neveu est sacre évêque par Mgr d’Herbigny et nommé administrateur apostolique de Moscou. Le Frère David reste seul à Makievka (avril 1926). Mgr Neveu, soucieux de la vie pastorale des chrétiens disséminés, cherche à faire venir de France d’autres confrères. Ne pouvant obtenir aucun concours, il se résout à ordonner prêtre le Frère David ad missam en l’église Saint-Louis des Français à Moscou (10 novembre 1926). Le Frère David remplissait jusque là les charges de sacristain, d’organiste et de grand cérémoniaire. On se rappelle en ces circonstances le temps des catacombes. Il devient prêtre à 60 ans. pendant trois ans, soumis à la pression constante du Guépéou, le P. David célèbre la messe devant les fidèles qui tendent à se raréfier en raison des persécutions et arrestations. En 1929, il tombe malade, ses domestiques sont arrêtés. Le 7 octobre, il quitte définitivement l’U.R.S.S. et se retire à Menton-Carnolès, sur la Côte d’Azur (Alpes-Maritimes) où il se fait l’humble sacristain de la chapelle Saint-Joseph. Nostalgique de la Russie, il se laisse soigner par sa soeur, religieuse Mariste des hôpitaux de Lyon. D’une maigreur cadavérique, atteint de jaunisse, il meurt paisiblement, le samedi 9 avril 1932, à l’âge de 67 ans. Il est inhumé au cimetière de Roquebrune, aux côtés d’un autre pionnier de la Mission d’Orient, Mgr Louis Petit.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1932, no 434, p. 97-100 et no 435, p. 105-106. L’Assomption et ses (Euvres, 1932, no 376, p. 190-191. Pages d’Archives, octobre 1959, no 11, P. 369-383. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Dictionnaire du Monde religieux dans la France contemporaine, la Savoie (dir. Christian Sorrel), Beauchesne, 1996, p. 275. A. Wenger, Rome et Moscou 1900-1950, Paris, 1987. Dans les ACR, du P. David Mailland, correspondances (1886-1931).