Religieux de la Province de Belgique.
La mémoire des Registres.
Nous n’avons pour évoquer la figure du Fr. Edmund que la maigre ressource des Registres, c’est dire le caractère fragmentaire de cette notice biographique. Edmund est né le 8 février 1920 à Opitter, dans le diocèse de Liège, de jacobus et de Maria Reynardts. Sans doute fait-il ses études secondaires dans les alumnats belges de l’époque. On sait seulement qu’il prend l’habit le 29 septembre 1940 à Taintegnies en Belgique où il prononce ses premiers vœux l’année suivante le 29 septembre 1941. Il entame ses études de philosophie à Saint-Gérard en septembre 1942 que la durée de la guerre perturbe. Il est emmené par les Allemands en captivité en septembre 1944.
Belgique, septembre 1944.
Grâce à une correspondance du P. Dieudonné Dautrebande au P. Gervais Quenard du 18 septembre 1944, il est possible de se faire une idée des événements qui secouent le pays après le débarquement américain en Normandie (juin 1944):
« Les foulées des chevaux motorisés ont été si foudroyantes que dans la majeure partie du pays, à part l’extréme-est, l’extrême-nord et l’extrême- ouest, on a vu se succéder de très près et le départ des uns et l’arrivée des autres. ce fut le cas pour le noviciat, la Madeleine, Saint-Michel, Haine, la maison de théologie, Marie Médiatrice, Sainte- l’hérèse, le centre universitaire, Saint Louis et un des deux orphelinats, sans oublier Notre-Dame de Grâces. Je suis encore sans nouvelles de l’orphelinat d’extrêrne-nord. L’abbaye du P. Thonnard [Saint -Gérardl a été occupée du 28 août au 2 septembre, elle a dû être évacuée. Trois religieux dont le supérieur, l’économe et le Fr. Firmino Greci ont été incarcérés, étant incriminés dans l’affaire d’une désertion de soldat italien; le coupable dénoncé en a été pour ses frais. Le P. Bernard, en la maison du nerf à bœuf de Loos, a payé de 85 coups de cravache son intervention réelle dans l’affaire. La Gestapo a encore eu le temps de lui donner celle correction qui est une
Faire-part d’un décès, le 8 mai 1945.
« Je viens d’apprendre une triste nouvelle que je m’empresse de vous transmettre: un de nos deux Frères, emmenés par les Allemands en septembre 1944, est mort au camp de Blanc- kenhain en Saxe [près de Buchenwald] où il était interné avec d’autres prisonniers.
C’est un Père, de l’abbaye de Maredsous, récemment délivré, qui est venu nous donner la nouvelle: il était compagnon de captivité de nos deux Frères. On les obligeait à travailler durement sans beaucoup les nourrir. Nos Frères résistèrent assez bien au régime, mais, vers la fin, le Fr. Edmund, philosophe de 3ème année, eut l’imprudence de manger des épluchures, ne résistant plus à sa faim; il attrapa d’abord la dysenterie. Un soir, en rentrant du travail, il fut pris d’une grosse fièvre: une méningite se déclara et, la nuit même, il mourut.
L’autre Frère, Evariste Van Gaal, se porte toujours bien. A l’approche des Anglais, il dut évacuer à pied, avec tout le camp, vers Berlin, disait-on. Nous pouvons espérer un prompt retour »
De Saint-Gérard, P. François- Joseph Thonnord.
Notices Biographiques A.A des plus douces dans ses habitudes; le fustigé et les deux autres ont dû leur libération à l’intervention du consulat suisse de Lille et à l’arrivée précipitée des Anglais. La maison du P. Augustinus a été occupée par des fanatiques qui avant de quitter ont brûlé leurs munitions entassées sous le préau et dans un prolongement de l’aile du réfectoire: les dégâts sont tels que le préau est démoli et que la cuisine a beaucoup souffert. A Saint -Gérard, vers le 17 [septembre], la maison du P. l’honnard a reçu la visite inopinée de 300 soldats qui ont tout fouillé, cherchant en vain des traces d’organisation blanche. Ces soudards se sont rabattus sur deux victimes, deux frères, Edmund et Evariste, emmenés capricieusement pour une légère irrégularité de leur carte d’identité. lis ont volé la caisse locale et l’argent des messes, au total 123-000 francs. Malgré toutes les démarches, les deux frères ont été conduits outre-Rhin et l’argent n’a pas été restitué… ».
Souvenirs du Fr. Evariste sur le Fr. Edmund au camp de déportation (nov. 1944-mars 1945). Second témoignage sur ces événements tragiques, le carnet de souvenirs de camp du Fr. Evariste:
« La routine matérialisante de ce lager’ ne peut avoir raison de son sens chrétien et de son optimisme. La lutte sauvage autour de la pâtée lui répugne. Il trouve cela bestial. Il n’hésite d’ailleurs pas à soustraire la moitié de sa maigre ration pour soulager un compagnon de souffrance. Au travail, il se montre plein d’entrain et fraternel à tous. On l’entend chanter parfois toute la journée. A l’obsession de ce long exil, il oppose la tonique nostalgie de ses plaines natales et l’espoir de sa maison religieuse bientôt retrouvée. Souvent ce sont des chants du pays de Flandre: Kempeniand; parfois ce sont des chants allemands pour adoucir le ‘post’ peut-être, mais l’humour et l’ironie n’en éclatent pas moins dans leur choix: Es geht alles voruber, es geht alles vorbei. Aux fêtes il retrouve les chants liturgiques. Il reste religieux apôtre. A la prison de Namur déjà quelques heures à peine après l’arrestation, il apprend à prier au jeune juif qui depuis l’abbaye, partage sa captivité. En novembre, à Buchenwald, il commence avec un sous-officier la neuvaine des neuvaines et d’autres prisonniers se sont joints à eux. Il récite son rosaire en se rendant au travail. Il a trouvé dans ces plaines de désolation une médaille de la Reine de l’Espérance. Le 29 septembre, il a renouvelé ses vœux. Peut -être, J’an prochain, a -t-il dit le 2 novembre, sera-ce pour moi que l’on priera. D’un coup, le 8 mars, il est tombé, au lendemain de la fête de Saint Thomas dont il a, la veille encore, évoqué le souvenir en rappelant la soirée intime qui ne manquerait pas de réunir les Frères à Saint- Gérard. Le réconfort dont, en dépit d’un diabolisme draconien, tant d’autres ont pu jouir, ne lui fui même pas donné: pas une seule fois, au cours de toute sa captivité, il ne put recevoir la sainte eucharistie … ».
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille, 1945, n° 6, p. 25; 1946, n° 20, p. 87. Nouvelles de la Famille occupée, n° 38 (24 octobre 1944), p. 4-5. Lettre du P. Dieudonné D. au P. Gervais Q., le 18 septembre 1944. Carnets de souvenirs du Fr. Evariste sur son temps de détention en Allemagne.