Eleuthère (Charles-Joseph) TOURBEZ – 1878-1924

Paris, 1907.
« Je vous suis bien reconnaissant du souvenir que vous avez bien voulu
avoir pour moi. Il y a un grand nombre de saints Eleuthère au Martyrologe
et comme je n’entends plus chaque matin la lecture du Martyrologe, moi-
même je laisse passer parfois la fête de quelqu’un de mes saints patrons.
D’ailleurs celui que j’ai choisi spécialement est le compagnon de saint
Denis à qui les critiques veulent dénier le titre de contemporain de saint
Paul (1 ). Mais il n’en est pas moins saint ni moins puissant. Je vous
envoie la Décentralisation de Laur (2), avec un autre article assez curieux
du même sur la Révolution économique. Je tâcherai de m’inspirer du Sens
chrétien et je conserve l’article pour le relire à l’occasion ».

Ch. Tourbez.

(1 ) Selon la tradition, Denis
[Denys] l’Aéropagite, est un disciple de saint Paul, qui avec Rustique et
Eleuthère, est martyrisé à Athènes. Cet Eleuthère était fêté au calendrier
romain le 9 octobre.

(2) S’agit-il du fameux Francis Laur, homme politique et ingénieur des
mines, député de la Loire, auteur de nombreux ouvrages à caractère
scientifique et social?

Religieux de la Province de Paris. Des aptitudes scientifiques. Charles-Joseph Tourbez est né le 4 mars 1878 à Harnes (Pas-de-Calais). Il fait ses études classiques dans les alumnats d’Arras, de 1889 à 1892, et de Clairmarais (Pas-de-Calais), de 1892 à 1894. Il prend l’habit, sous le nom de Frère Eleuthère, au noviciat de Livry (Seine-Saint-Denis), le 9 août 1894, y devient profès annuel en 1895 et profès perpétuel, le 15 août 1896. Il est envoyé à Notre- Dame de France à Jérusalem pour les études de philosophie et de théologie (1896-1902). Il est ordonné prêtre le 21 décembre 1901. De Jérusalem en 1902, le P. Eleuthère rejoint Kadi-Keuï, à Istanbul, où il enseigne les sciences et les mathématiques aux religieux étudiants en philosophie. On le trouve dans les mêmes fonctions l’année suivante à Phanaraki (1903-1904). A la Bonne Presse, à Paris. En 1904, le P. Eleuthère est nommé à la maison de la Bonne Presse à Paris comme rédacteur à la revue scientifique du Cosmos (1) où l’on apprécie à la fois sa compétence et ses qualités de style. Le P. Eleuthère est doué pour les matières scientifiques: physique, chimie, mathématiques. Sans avoir suivi de cours spéciaux, il a acquis en autodidacte des connaissances vastes dans ces domaines. Il retient facilement ce qu’il lit et assimile avec une facilité prodigieuse les théories les plus abstraites. Linguiste, en plus du grec, du latin et de l’hébreu, il a appris par lui-même de nombreuses langues vivantes: l’allemand, l’anglais, l’italien, l’espagnol. Aucune branche du savoir humain ne lui est indifférente et sa culture est universelle, pour ne pas dire encyclopédique. De 1907 à 1908, il prend soin de suivre un cours de mathématiques générales à l’institut catholique de Paris. Page : 91/91 Son activité de rédacteur ne l’empêche pas de se livrer également à quelques services d’aumônerie auprès des Petites Sœurs de l’Assomption. A partir de 1915, le P. Eleuthère est mobilisé. Il est versé dans un service d’infirmier. Ses connaissances scientifiques le font ensuite affecter comme manipulateur radiographe dans les ambulances du front. Il finit la guerre à l’hôpital de Châlons en Champagne (Marne). Après la démobilisation en février 1919, il peut reprendre sa place à la Bonne Presse. Mais la publication de la revue du Cosmos ayant été suspendue, puis arrêtée, il est chargé de la rédaction de la page scientifique qui paraît, hebdomadaire, dans La Croix. Il signe ses articles sous le pseudonyme: B. Latour. En 1923, au moment de la création des Provinces, le P. Eleuthère, affecté à la presse à Paris, est intégré dans la Province de Paris comme son frère, également assomptionniste, le P. Simon Tourbez (1882-1975). Une mort brutale. Le 10 septembre 1924, le P. Eleuthère est envoyé à Saint-Nectaire, dans le Puy-de-Dôme, pour assister à ses derniers moments le P. Théophane Boureau. Il tombe malade lui-même et doit être obligé, sur le chemin du retour, de starrêter à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Les Petites-Soeurs de l’Assomption chez qui le Père est arrivé à bout de forces et grelottant de fièvre, le font hospitaliser à l’Hôtel-Dieu de la ville et s’installent à son chevet jour et nuit. Mais malgré tous les soins dont il est entouré, le P. Eleuthère meurt le 10 octobre 1924, à l’âge de 46 ans. Son corps repose au cimetière de Notre-Dame de Clermont, près de Notre-Dame du Port. (1) Cette revue scientifique avait été fondée en fait en 1852 par le savant abbé Moigno qui eut même quelques velléités à devenir assomptionniste (cf Lettres d’Alzon, 1852, p. 144-145). Il l’abandonne en 1864 pour fonder Les Mondes et la reprit ensuite. Après sa mort en 1884, Le Cosmos passe dès 1885 aux mains de la Bonne Presse. Le Directeur en est un frère des Pères Bailly, Bernard Bailly, homme très versé dans les sciences, qui améliora la revue. Celle-ci parut jusqu’en 1914, rendant de grands services, permettant en particulier au public catholique de suivre attentivement le mouvement scientifique en pleine expansion. La maison de la Bonne Presse, devenue en 1969 Bayard-Presse, donna en quelque sorte une postérité à la revue Cosmos en créant en 1995 le mensuel Eurêka. Page : 92/92

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion, 1924, na 109, p. 261-265; no 110, p. 269-276; no 111, p. 277-279; no 114, p. 301-302; no 116, p. 318; 1925, no 129, p.428; no 144, p. 562 (tombe à Clermond- Ferrand). L’Assomption, 1924, no 280, p. 174; no 281, p. 189-190. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Lettre du P. Eleuthère Tourbez au P. Vincent de Paul Bailly, Paris, 20 avril 1907. Dans les ARC, du P. Eleuthère Tourbez, correspondances (1895-1924). on trouve dans la revue Le Cosmos les articles écrits par le P. Eleuthère Tourbez jusqu’en 1914 et, dans La Croix, à partir de 1919, ceux signés B. Latour.