Elzéar (Emile) DARSONVILLE – 1888-1915

Joie d’un profès.
« Enfin me voici tout à Dieu. Au soir de ce beau jour le plus grand de ma
vie jusqu’ici, j’aurais voulu recueillir quelques impressions, mais comment
exprimer en un langage humain les
impressions d’un bonheur tout du ciel ? Mais ce bonheur, vous le comprenez,
vous qui connaissez les difficultés que j’eus à vaincre et les ennuis de
toutes sortes qui semblaient s’être conjurés pour mettre obstacle à ce beau
jour. Après Dieu, à qui dis-je ce bonheur, sinon à l’Assomption ? J’ai
beaucoup pensé en ce moment solennel à toute l’Assomption,
à son chef, à ses religieux à ses œuvres et en particulier à nos missions
d’Orient. Puisse
Dieu agréer mon holocauste et répandre sur notre chère Assomption et ses
œuvres ses plus abondantes bénédictions. Pour moi, je vous serai, mon Père,
toujours un fils dévoué
et soumis. Daignez donc bénir mes débuts dans ravie religieuse et dans
l’apostolat. Votre bénédiction fécondera mes sacrifices et mes efforts. Le
benjamin de votre famille, Fr. Elzéar Darsonville ». Lettre au P. Emmanuel
Bailly. Ismidt, le 2 octobre 1910.

Elzéar (Emile) DARSONVILLE

1888-1915

Religieux français.

Parcours de formation entre la Belgique et la Turquie. Emile Darsonville est né à Oulchy-le-Château (Aisne) un Il novembre (1886), ironie cruelle du calendrier quand on connaît le déroulement du destin de ce religieux et la charge symbolique de ce 11 novembre dans l’histoire du XXème siècle. De 1899 à 1905, le jeune Emile est pensionnaire à l’Ecole Séraphique des Pères Capucins de Soissons. il passe la dernière année de sa scolarité secondaire à l’alumnat de Taintegnies (1905-1906) et le 11 septembre 1906 il opte pour l’Assomption en prenant l’habit au noviciat de Louvain et le nom de Frère Elzéar. L’année suivante, après sa profession annuelle, il doit partir accomplir son service militaire qui le garde deux ans dans un service auxiliaire à Toul comme infirmier, puis secrétaire (1907-1909). Après un nouveau séjour au noviciat de Gempe (Belgique) de 1909 à 1910, le Frère Elzéar est envoyé selon la coutume de l’époque comme professeur en Turquie, à l’école française d’Ismidt, où il fait sa profession perpétuelle le 2 octobre 1910. D’après son dossier personnel, le Frère Elzéar enseigne également à EskiChéir (1911) et Konia (1912). Il se trouve à la maison d’études de Louvain (1912-1914) quand survient la mobilisation militaire générale d’août 1914.

Sur le front, la dette du sang et la passion d’une mère.

Le 7 août 1914, le Frère Elzéar est mobilisé au 67ème Régiment d’infanterie à Soissons (Aisne). Il fait toutes les campagnes de son régiment entre août 1914 et février 1915: Longwy, Longuyon, Beauzée, Saint- Rémy, Rupt-en-Woevre et les Eparges en 1915. A la fin de l’hiver, après six mois de guerre, le Frère Elzéar se trouve dans un état d’exténuation préoccupant,

il est cependant requis par son régiment le 1er février 1915 pour monter dans un secteur particulièrement dangereux, les Eparges. Le 20 au matin, après une nuit à la belle étoile et dans la boue, sans aucune nourriture depuis 24 heures, l’ordre est donné de monter à l’assaut. Les pertes sont terribles lorsque est gagnée la tranchée allemande, plus de mille vies ont été fauchées. Le Frère, épuisé, en gravissant la côte abrupte sous le tour des obus, dit à l’un de ses camarades: « C’est mon calvaire que je gravis. Autant mourir ici, je n’en puis plus ». Il se sent prêt au sacrifice ultime. Dans la nuit du 20 au 21 février, au cours d’une contre-attaque tout aussi violente des allemands, le Frère tombe grièvement blessé et meurt sur-le-champ de bataille: il a 27 ans. On se bat pour chaque pouce de terrain, de 20 heures à 2 heures du matin. Le Frère Elzéar est porté disparu et son corps n’a jamais été retrouvé tant le paysage est bouleversé par l’artillerie. A titre posthume, la médaille militaire est attribuée au Frère Elzéar par décret du 16 février 1923, paru au journal Officiel du 6 mars 1923: « Brave soldat. Mort glorieusement pour la France à son poste de combat sous un violent bombardement, le 21 février 1915, aux Eparges. Croix de guerre avec étoile de bronze ». L’histoire tragique de cette période veut que deux autres frères Darsonville, Michel-Ange ex-alumniste à Zepperen, et Edouard, ex-élève chez les Capucins, trouvent la mort sur-le-champ de bataille. Mme Ernestine Darsonville, leur mère, restée en relation avec l’Assomption, fait parvenir le 15 décembre 1926 cette lettre:

« Je m’intéresse à vos bulletins, L’Assomption et les Missions, autant que quand mes chers disparus y étaient aspirants; c’était pour eux la porte du ciel. Le Bon Dieu les voulait puisqu’il me les a pris tous les trois. Je les lui avais offerts d’un bon cœur et pourtant comme je souffre encore quand je pense à eux. Ernile m’avait écrit peu avant sa disparition: ‘Tu sais, maman, je suis prêt, car je vois bien qu’il n’en revient pas beaucoup’. Je suis allée à Lourdes, j’ai vu le monument du souvenir, aussi je me suis promis d’y faire graver son nom, d’autant que son corps n’a pas été retrouvé. Où est-il? ».

Bibliographies

Bibliographie et documentation : Lettre à la Dispersion 1919, n° 569, p. 271; 1926, n° 209, p. 357-358. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Missions des Augustins de l’Assomption, 1919, n° 223, p. 165. Cahier Merklen (J 552 p. 16). Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Quelques correspondances du P. Elzéar sont conservées dans les ACR (1910-1915). Notices Biographiques