Emmanuel Kérandel – 1924-2017

Emmanuel, de son nom de religieux, est né à Plouguerneau, en Finistère, en bord de mer, le 5 mars 1924, de Jean Marie et Anne Marie Abalain, qui le prénomment Joseph Auguste. Il est baptisé le 7 mars. Les parents exploitent une modeste ferme. La vie ne sera pas facile dans une famille nombreuse de 8 enfants, d’autant qu’en 1940, le papa pris en otage par les Allemands est fusillé. Les enfants sont orphelins ; Emmanuel a 16 ans. Joseph Auguste entre à l’alumnat de Saint-Maur et poursuit à Blou le parcours proposé par les assomptionnistes qu’il connaît par son oncle, le P. Michel Le Nobletz. Après son baccalauréat il choisit d’entrer au noviciat de Pont-l’abbé-d’Arnoult (Charente-Maritime) le 29 septembre 1943, où il fait profession le 22 octobre 1944. Il arrive à Cavalerie pour ses études de philosophie puis, dispensé du service militaire, « enfin, dit-il à Layrac », où il sera ordonné prêtre le 17 février 1951. Ils étaient 17, cette année-là à être ordonnés. Parmi eux, comme certains aimaient le reconnaître, le plus illustre, le Père Hervé Stéphan, qui fut Supérieur Général. De cette génération, le P. Paul Riou est ici parmi nous. Quand Emmanuel se déplaçait pour le baiser de paix, il aimait le lui rappeler.
Arrive le temps de la mission : une année de professorat à Tarbes où l’Assomption avait la charge d’un collège. Puis Emmanuel est nommé à Melle (Deux-Sèvres), alumnat de grammaire qui vient d’être fondé en 1951. Il y reste 9 ans, avant d’être nommé comme supérieur à Saint-Maur en 1965. Le temps des alumnats est passé, Emmanuel sera un fondateur : le centre d’accueil de Saint-Maur. Religieux soucieux de créer des liens entre les personnes, il accueille, multiplie les échanges avec l’Allemagne, reçoit de jeunes allemands sur les bords de la Loire. Il a aussi laissé trace de ses talents sur les murs de la salle de détente sous l’église. Et c’est à lui que nous devons d’avoir entre les mains la « croix de Saint-Maur », d’abord travaillée dans du bois.
Après une année de recyclage à Paris, en 1973, il fonde l’année suivante une petite communauté à Dunkerque avec deux jeunes frères ingénieurs, Pierre Fernier et Jean-Paul Olivier. Il a accueilli Jean-Claude, ici présent parmi nous, qui se souvient de son sourire et de sa simplicité. Pendant ce temps, Emmanuel découvre les grandes plages du Nord et s’attache à l’animation des campings, notamment le camping du Perroquet, à Bray-Dunes, le plus important de France. Ceci pendant 8 ans, de 1975 à 1982. Il est aussi aumônier de jeunes handicapés à Dunkerque.
Il est nommé à Lille, après le décès de Pierre Fernier, en 1982, avec la responsabilité des pèlerinages pour la région du Nord. Il fréquente de nombreux lieux : la Terre Sainte, Rome, Fatima, etc., mais revenu en communauté, Emmanuel, homme de l’écoute, tient une place précieuse, par sa présence, auprès des novices. Ici même, à Layrac, Emmanuel portait encore sur sa veste du dimanche ce petit insigne des voyages-pèlerinages NDS. Je le taquinais ainsi : « Manu, on n’est plus en pèlerinage, ici. C’est du passé, tout ça !… » Il me répondait : « Tu sais pourquoi je porte ça ? Ça me permet de penser à tous ceux que j’ai amenés en pèlerinage ou en voyage. Et j’en ai fait beaucoup. Je pense en particulier aux enfants et je prie pour chacun. »
Il quitte Lille pour Montmirail (diocèse de Chalons-en-Champagne) où il assure le service pastoral comme curé d’une vaste paroisse aux 22 clochers, de 1994 à l’an 2000. Puis écrit-il « Et enfin, le « Mesnil-Saint-Denis », 11 ans au service de 70 retraitants et d’une communauté de sœurs Oblates ».
Retour à Layrac le 15 septembre 2011. Ces derniers temps, il avait comme repères l’office, la messe et l’heure des repas. Pas l’office du matin, « car c’était beaucoup » ! d’autant qu’il trouvait que tous ces livres étaient bien compliqués. Il passait chez l’un ou chez l’autre et essayait de se fixer sur la prière à dire. « Mais que c’est compliqué tout ça » !
Il est revenu ici, dans notre maison, comme les goémoniers de Plouguerneau, le bateau chargé à ras bord de goémon après une journée de travail et de fatigue. Pour Emmanuel après une d’une vie de travail au service du Royaume.
Il est décédé dans la nuit du 16 au 17 octobre, sans déranger qui que ce soit, lui l’homme du silence et de la discrétion, qui a vécu simplement en nous laissant un témoignage.

P. Noël Le Bousse

Bibliographies