Emmanuel (Renaat) THIELENS – 1924-1991

Woluwe, 1963.
« Voilà déjà longtemps que je ne vous ai plus écrit. Je m’excuse de cette
négligence. Pourtant mon cœur et mes pensées sont très souvent à Rome.
Grâce à la télévision, j’ai pu vivre cette atmosphère romaine et je me
représentai être parmi ces milliers de pèlerins Place Saint-Pierre ou dans
la basilique, auprès de la dépouille de notre cher pape Jean XXIII. Je
compte en septembre prochain reprendre le train en direction de Rome. Hier
j’ai appris la douloureuse décision du partage en deux Provinces de la
Belgique. Vous ne saurez comprendre la peine que cela m’a fait. Pour moi et
pour d’autres c’est une triste histoire, j’en souffre et j’en suis
scandalisé. La situation politique. dans ce pays et cette séparation sont
deux faits déplorables, non justifiables, surtout au point de vue
religieux. Il se joue ici et
dans le pays le point de vue de quelques fanatiques et non pas de la
majorité. Aux yeux des autres pays, je suis honteux d’être Belge. Cette
politique bilinguiste est une politique de fanatisme, destructrice du
pays. Les religieux prêchent la charité, l’union et la fraternité et entre
eux ils se séparent et se divisent. Je vous en ai dit assez pour
aujourd’hui ».

Religieux de la Province de Belgique-Nord. Premiers chemins. Renaat Thielens est né de parents modestes à Beverloo, le 5 mars 1924. Il fait ses classes primaires chez les Frères des Ecoles Chrétiennes à Boekrijk. A l’âge de 15 ans, pensant être appelé au sacerdoce, il quitte l’école technique où il se trouve pour se présenter à Kapelle-op-den-Bos comme vocation tardive où il essaie de compléter sa formation pendant deux ans. « Mes résultats scolaires sont insuffisants. Puisque mon supérieur et mes parents ont découvert en moi une vocation religieuse et que je ressens le même désir, je suis entré au noviciat de Taintegnies ». Le 20 mars 1944, il revêt l’habit assomptionniste, sous le nom de Frère Emmanuel. Le 21 mars 1945, il prononce ses premiers vœux pour un an et à la Toussaint 1948, il devient profès perpétuel. Le P. Stéphane Lowet ne le ménage pas dans le rapport de profession. « Le Frère Emmanuel est un grand bavard qui se mêle de beaucoup de choses. Il ne réfléchit pas suffisamment et laisse ainsi échapper des paroles très critiques. Dans le fond, il est bon, reconnaît volontiers ses erreurs de jugement et d’appréciation et se soumet pleinement à ce qui lui est demandé. Je reconnais qu’il s’acquitte avec cœur de ses tâches, sacristie et cuisine ». Vie de service. De 1948 à 1950, le Frère Emmanuel qui par la suite reprend son prénom de baptême, Renaat, est sacristain à l’église de la Madeleine à Bruxelles. De 1950 à 1956, il est boulanger à l’alumnat de Zepperen, mais avec une interruption de deux ans pour soigner une maladie pulmonaire au sanatorium de Mont-sur-Meuse. En 1956, il est nommé portier à la maison provinciale de Bruxelles, rue Duquesnoy. En 1959, il doit être opéré de la colonne vertébrale. Dans les années soixante, Page : 51/51 il est nommé à la communauté généralice de Rome, via San Pio V où il remplit l’office de portier et de factotum. En 1961, il doit pour un temps regagner la Belgique pour un nouveau séjour en sanatorium. En 1963, après la division de la Province de Belgique en deux entités linguistiques, Nord et Sud, il est nommé à Woluwe. De 1968 à 1973, il revient comme portier à Rome. Si l’on en croit une de ses missives, style mercuriale, le séjour romain ne compte pas que des heures ensoleillées: « je te préviens, cherche un portier et une femme de ménage pour ] »an prochain, et peut-être plus tôt encore, car moi je démissionne, je ne peux plus continuer comme cela. Je ne suis pas venu à Rome pour faire la femme de ménage et comme je n’ai pas de travail et ne supporte plus cet enchaînement comme portier, je vais chercher ailleurs. Aucune solution n’est possible ici. Je rentre en Belgique. Cette fois ni supérieur général ni supérieur tout court ne me retiendra, j’en ai mon compte ici et je n’en veux plus » (1). De 1973 à 1988, le Frère Emmanuel réside de nouveau à Woluwé, où il est chargé de l’accueil et de la cuisine. En 1988, il se présente comme volontaire pour faire partie de la maison d’accueil de jeunes à Leuven. Partout où il est passé, le Frère Renaat (Emmanuel) s’est caractérisé par un sens de l’accueil exceptionnel, par son attention aux personnes, sa joie et sa compétence, culinaire entre autres, son ouverture d’esprit, son amour de la Congrégation. Quatre jours après son arrivé à la nouvelle communauté de Leuven, il subit un examen de santé qui révèle un cancer aux intestins. il porte durant deux ans la croix de sa maladie avec patience et résignation. Le 14 mars 1991, il meurt. Après une célébration à laquelle il a tenu à donner une allure festive, il est inhumé au cimetière de Park à Leuven. D’après le P. Arnold Castro. (1) Lettre du Frère Emmanuel, Rome, juin 1973, adressée à ?. Le Père Paul Charpentier se montre plus nuancé dans la lettre d’accompagnement au P. Frans Houbey, 15 juin 1973 : « Le Frère Emmanuel Thielens a fait savoir au Père Supérieur de la communauté, le P. Solano, qu’il quittait Rome au mois de juillet définitivement. Je ne fais lien pour le retenir, mais je souhaite que le Frère s’applique aux travaux que vous lui confierez avec attention, conscience professionnelle et fidélité. Je vous remercie de l’avoir mis au service de la communauté ». Page : 52/52

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (V) 1991-1993, p. 10-11. Onder-ons, juni 1991, p. 3-8. Lettre du Frère Emmanuel au P. Wilfrid Dufault, Bruxelles-Woluwe, 4 juillet 1963. Dans les ACR, du Frère Emmanuel Thielens, quelques correspondances (1961-1973).