Ernest (Ignace-X.-E.) EURISSE – 1883-1960

Paris, 1926.
« Je profite de la lettre du P. Alype [Pétrement] pour vous dire un mot.
Nous avons fait un agréable voyage avec le P. Alype, surtout en wagon-lit.
On a eu toutes sortes d’égards envers notre cher infirme, grâce à Dieu.
Gélase [Uginet]
sait si bien arranger les choses. Aussitôt arrivé dans son compartiment, on
lui a apporté un oreiller pour qu’il puisse mieux se reposer et la nuit il
est resté seul couché dans son compartiment à deux lits et n’a pas été
dérangé par les douaniers. On m’a fait coucher dans un compartiment à un
lit et j’ai eu la visite des
douaniers qui m’ont fait lever pour visiter mes bagages. Vous voyez comment
le P. Alype a été favorisé. Nous avons passé la frontière pendant un orage,
au son du tam-tam. En arrivant à Paris, nous avons trouvé le Fr. Louis à la
gare de Lyon qui nous attendait. Nous sommes arrivés à la rue Camou en taxi
sans accroc et le P. Alype pas
trop fatigué. Comment va le P. Vitalien? J’espère qu’il s’est remis de ses
fatigues. J’ai oublié mon crucifix de profession. Dites au Frère Herman de
le mettre en un endroit sûr. Veuillez dire à Mario qu’il n’oublie pas
d’arroser les haricots afin de
pouvoir en manger quand nous reviendrons à Rome».

Religieux de la Province de Paris.

Vocation de religieux convers.

Ignace-Xavier-Ernest Meurisse est né à Bellenglise (Aisne), le 1er février 1883 (1). Il prend l’habit, sous le nom de Frère Ernest, à Louvain (Belgique), le 2 juillet 1905, y fait sa première profession le 15 août 1909. C’est à San Remo en Italie qu’il prononce ses vœux perpétuels le 28 août 1919. En 1913, le Frère Ernest quitte Louvain pour aller à la maison de malades de San Remo que dirige alors le P. Ferréol Poux-Berthe. Lorsque la maison est transférée à Locarno (Suisse) en 1923, le Frère Ernest y est déplacé pour continuer son service auprès des malades. En 1925, il fit un séjour à Rome jusqu’en 1927, puis à Florence de 1927 à 1928. C’est alors qu’il est envoyé à Lorgues (Var), au moment où la maison des religieux malades prend la place de celle des vocations tardives qui sont transférées à Saint- Denis, près de Paris.

Au service des malades.

Le Frère Ernest continue son office de bon samaritain. Il ne manque pas de faire chaque soir à ses clients un petit discours surnaturel sur la brièveté de la vie et sur la durée de la vie éternelle. Il n’a aucun diplôme ni de capacités spéciales d’infirmier. Sa fonction consiste surtout à porter à manger aux malades et à entretenir propres leurs chambres. Par la suite, il est chargé de la cave et laisse le soin des malades à un religieux diplômé de Lyon pour ne s’occuper que de l’entretien des chambres. Du reste la cave lui donne assez de travail pour conserver le vin et le soutirer. Il aime demander conseil aux vignerons de la commune, les producteurs de la Lorguaise, et il en est connu de tout le pays. Le Frère Ernest profite de ces rencontres pour dire un mot spirituel, proposer une pensée élevée. Le gros succès de l’année, c’est le repas des anciens combattants, le 11 novembre.

Il revêt une ‘queue de pie’ qu’il a dénichée on ne sait où et qui lui va comme un faux-col à un mouton, selon le bon mot du P. Gonzalès Dulout, mort à San Remo en 1911. En 1923, il fait part de son option pour la Province de Paris. Le Frère Ernest assure à peu près ce service jusqu’en 1956 date où il faut le décharger, car il devient lui-même impotent, souffre de rhumatismes et de goutte, n’arrivant bientôt plus à pouvoir marcher. Peu à peu le cerveau est atteint et il tombe dans ce que le médecin appelle le gâtisme. On découvre que sa maladie provient du diabète dans le sang, mais c’est trop tard pour être curable. Pendant 18 mois, le Frère Ernest est un grand malade difficile à remuer à cause de sa corpulence, incapable de faire le moindre mouvement, ne sachant pas faire comprendre ce dont il a besoin, se salissant dès qu’il est changé. Le 13 mai 1960, on lui donne le sacrement de l’Extrême-Onction qui semble le revigorer et lui permet de tenir jusqu’au 5 juin, jour de la Pentecôte. Il meurt ce jour-là, sans secousse, vers les 5 heures du matin. Depuis le mois de février, il est entré dans sa 78ème année. Ses obsèques ont lieu le mardi 7 juin 1960 et son corps est déposé dans un loculus de la chapelle mortuaire auprès de celui du P. Evrard qui l’a précédé dans la mort de deux mois. Le Frère Ernest laisse le souvenir d’un religieux fervent, régulier, fidèle à ses exercices. On ne peut que souhaiter que son exemple puisse entraîner à l’Assomption de nombreuses vocations de religieux coadjuteurs de sa trempe.

(1) On possède du jeune Ignace Meurisse ce petit billet adressé au supérieur de Louvain, le 10 août 1904: « Mon cœur me dit de vous dire que j’ai toujours les mêmes sentiments et idées. J’espère me rendre au jour que vous avez indiqué. J’attends ce jour avec impatience pour quitter ce monde méprisable. Je vous demande, mon Père, le secours de vos prières afin que le bon Dieu me donne sa grâce de le servir fidèlement dans la suite de ma vie et de travailler s’il est possible pour sa plus grande gloire. Votre tout dévoué: Ignace Meurisse ». Bellenglise, 10 août 1904.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. octobre ‘-961, p. 144-145. Lettre à la Famille, 1960, p. 464-465. Paris-Assomption, novembre 1960, n° 72, p. 30-32. Lettre du Frère Ernest Meurisse au P. Martin Jugie, Paris, le 26 août 1926. Dans les ACR, du Frère Ernest Meurisse, correspondances (1904-1927).