Eudes (Louis) QUERRO – 1897-1922

San Remo, 1922.
« Vous devez trouver que je deviens de plus en plus paresseux. Hélas, c’est
un peu vrai. La moindre petite fatigue me fait remettre au lendemain, les
jours passent et le mais est prêt à disparaître. Du 5 au 15 j’étais en
retraite. Encouragé par mon confesseur, j’ai eu le bonheur de prononcer in
secreto mes vœux de religion. Je me suis donné tout entier, mais
temporairement et sous condition, car ma situation irrégulière ne me
permettait pas de faire autrement. J’ai fait
ensuite une neuvaine au Sacré- Cœur. Depuis je roule ma bosse; le médecin
constate faiblesse du cœur, fatigue générale, et veut me voir allongé dans
la cour au soleil. Je m’abandonne à la volonté de Dieu et j’apprends chaque
jour à connaître la Certosa dans sa vie de solitude, de calme et de paix
intérieure. Il
y a quelques jours, un Père me disait: ‘Vous avez offert l’offertoire de
votre messe, préparez la préface’. Oui, il
faut m’élever de plus en plus vers Dieu afin d’être digne de faire partie
du chœur angélique. Je renouvelle à chaque communion l’acte de ma donation
afin d’avoir devant les yeux le programme que je me suis tracé. Demain on
commence une nouvelle série de piqûres ‘Roblozan° pour ravigoter le cœur ».

Notices Biographiques A.A

Religieux français, mort des suites de la guerre 1914-1918, profès in articulo mortes. I)ans les épreuves d’une vie sacrifiée. Louis Querro est né le 5 juillet 1897. Il fait ses études de grammaire à l’alumnat du Bizet (Belgique) quand surviennent les hostilités en 1914. L’alumnat doit être vidé de ses habitants et Louis rentre dans sa famille. Depuis son enfance, il a perdu son père, Louis, et sa mère, Euphrasine Le Guyadec, meurt à son tour entre ses bras. Le voici seul, sans parents, accueilli par des voisins charitables. En 1916, il est mobilisé, mais le 6 août 1918, il est gravement intoxiqué par les gaz en se dévouant pour ravitailler sa compagnie. Dès son arrivée au poste de secours, il est considéré comme perdu et il est conduit dans la ‘salle des condamnés’. Son endurance intrigue le Major qui procède quand même à la douloureuse opération qui consiste à lui prélever la peau de la tête aux genoux et à lui entourer ensuite la chair vive de bandelettes enduites de savon de Marseille. Le traitement réussit, mais pendant un mois il doit rester aveugle dans l’obscurité la plus totale et il est rendu aphone plusieurs mois. Après l’armistice et la conclusion des traités, en 1919, Louis va terminer ses études en Belgique à Sart-les-Moines, puis en France aux Essarts (Seine-Maritime). Il peut se présenter au noviciat à Saint-Gérard, le 4 novembre 1921, où il prend l’habit sous le nom de Frère Eudes. Son état de santé demande de fréquentes consultations médicales. Les médecins ne lui cachent pas qu’à terme il est condamné, les deux poumons étant presque complètement détruits par l’absorption des gaz asphyxiants. Le P. Joseph Maubon, alors vicaire général, consulté pour l’admission du Frère Louis à la vie religieuse, répond simplement que lassoinption lui ouvre de grand cœur ses portes comme le vestibule du paradis . Peu de temps après la cérémonie de la prise d’habit, A.A le Frère Eudes est dirigé vers la maison de repos et de soins de San Remo (Italie). Il continue d’y supporter avec un joyeux courage ses pénibles souffrances. Le Frère Eudes se montre particulièrement heureux de pouvoir prononcer des vœux in articulo mortis, au matin du 8 septembre 1922. Il meurt le lendemain, 9 septembre, à l’âge de 25 ans. Son corps est déposé dans le caveau de l’Assomption, à San Remo. Un vivant jusqu’au bout. Le Frère Eudes écrit le 19 janvier à ses anciens camarades de noviciat: «Vous rappelez-vous la fameuse visite médicale à Nainur le 22 septembre 1921 ? Or vous vous souvenez aussi que ces braves chirurgiens me donnèrent quatre mois de répit avant d’aller ad patres. Il me reste donc trois jours à vivre! C’est peu, il faut bien les employer avant d’arriver devant saint Pierre. Trois jours, vraiment, rien que d’y songer, j’attrape la fièvre, 38°5, mais cependant je conserve tout mon sang-froid. Le brave docteur qui me soigne ici viendra me voir le 23 janvier. Qui faut-il croire? Lequel des trois a raison? En attendant, laissons faire le bon Dieu, comme il voudra et quand il voudra! ». Le 8 mars, le Frère Eudes écrit à son maître des novices, le P. Léonide Guyo: « Depuis quelques jours, je me croyais vaillant et j’attends le moment propice pour vous écrire. Hélas! mars n’est pas meilleur que février. C’est pour le moment une crise de fatigue générale. Les nuits sont pénibles, les journées fatigantes et je ne fais rien, sinon puiser quelques bonnes pensées dans l’Imitation. Je ne vaux pas cher, mais fidèle à la consigne de jadis, je ne m’en fais pas. Je tâche de m’abandonner simplement, entièrement à la volonté de Dieu. Si le corps souffre, l’âme par contre est en paix et le bon Maître a soin de son indigne serviteurs je suis affligé d’une forte laryngite qui m’oblige à un silence de Trappiste, ce qui n’est pas un mal, et à me contenter de bouillon et de purées. M’étant impossible de m’alimenter normalement, je suis réduit à l’état de squelette. J’offre toutes mes misères au bon Dieu ». Ces quelques lignes rendent parfaitement compte de la force morale et de l’ascension spirituelle d’un malade qui accepta de façon admirable son sacrifice jusqu’à la fin.

Bibliographies

Bibliographie et documentation, Lettre à la Dispersion, 1922, n° 28, p. 201; nO 29, p. 209-213. L’Assomption, 1922, n° 256, p. 164-167. L’Apôtre des Essarts, 1922, n° 1, p. 16 et 1923, n° 2, p. 18-21. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Lettre du Frère Eudes Querro au P. Antonin Coggia, San Remo, 27 juin 1922. Dans les ACR, du Frère Eudes Querro, quelques correspondances années de guerre (1916- 1922). Notices Biographiques