Franscique CUSIN – 1875-1939

Compilateur du Bolletino.

« Un des premiers travaux documentaires qui revient au Frère Francisque est
la constitution régulière du Bolletino. Qu’est-ce que le Bolletino? Une
sorte d’Argus de la presse qui recueille dans les journaux et les revues
tout ce qui se rapporte aux questions religieuses pour le mettre à jour, le
rassembler et l’expédier 2 ou 3 fois par semaine discrètement à la
secrétairerie d’Etat du Vatican. On l’appelle Bollletino du nom que porte à
Rome un recueil semblable, extrait des
journaux italiens. C’est le P. Salvien Migiletti qui au départ se charge du
Bolletino français. Il en a l’idée en 1906, lors du remplacement ponctuel
de M. Acciaresi conseiller municipal de Rome et ami de
la communauté de l’AraCoeli auquel on doit la confection du Bolletino
italien. Le P. Marie-Bernard Horgues, remplaçant occasionnel, fait germer
l’idée d’un Bolletino français. Le P. Ernest Baudouyen fait part au
cardinal Merry del Val lequel accepte avec empressement. Par mesure de
prudence, on évite de passer par la Poste. L’envoi est fait par discrétion
par l’intermédiaire de la maison de Rome, système en fonction de 1906 à
1914 ».

Religieux de la Province de Lyon.

Un sous-diacre à vie.

Jean Francisque Cusin est né le le 24 janvier 1873 à La Pallud (Savoie), village au-dessus d’Albertville que les gorges de l’Arly séparent de Césarches, patrie des frères Uginet. Il fait sa scolarité à Notre-Dame des Châteaux (1889- 1892) où il fait connaissance avec les PP. Frédéric Raynaud, Théodore Defrance et Elphège Tissot, ses principaux formateurs. En 1892 il passe à Brian (Drôme) où il ne reste qu’un an sous la responsabilité du P. Henry Couillaux. Pour bénéficier de l’article 50 de la loi militaire, il entre en septembre 1893 au noviciat de Phanaraki (Turquie) où il prend l’habit le 1er novembre 1893 sous le nom de Frère Francisque et prononce ses premiers vœux le 1er novembre 1894. Le Père Ernest Baudouy passe la main au P. Félicien Vandenkoornhuyse comme maître des novices. Le 1er novembre 1895, le Frère Francisque prononce ses vœux perpétuels à Koum-Kapou. De 1893 à 1896, il navigue entre Phanaraki et Philippopoli avant de gagner la maison d’études de Notre-Dame de France à Jérusalem (septembre 1896) pour quatre années de théologie (1896-1900). Il est l’un des étudiants les plus enthousiastes et les plus acharnés à profiter des excursions archéologiques avec le P. Germer-Durand. Auxiliaire du P. René Paris, photographe de la caravane, il se montre intrépide et même imprudent un jour où il traverse un champ de blé et fait connaissance avec le redoutable ‘dabbour’, la matraque à tête ferrée des Bédouins! Il est nommé professeur au collège de Brousse en Turquie (1901), à Koum-Kapou (1901-1902) et doit prendre du repos à Kadi-Keuï (1902). il refuse obstinément de progresser dans les ordres sacrés après son ordination au sous-diaconat à Louvain le 25 juillet 1904, alors qu’il est resté au rite latin.

Ses raisons sont obscures, mais ce conflit l’oppose sévèrement au P. Emmanuel Bailly qui lui suggère de quitter la Congrégation: « Il est inutile de me faire comprendre combien ma situation est fausse et pénible depuis le jour où j’ai appris par le P. Eugène [Monsterle]i que vous aviez l’intention de me mettre à la porte. Il y a déjà deux mois que je vous demande de vouloir bien me désigner un lieu où je puisse causer avec vous et savoir au juste ce que vous avez décidé à mon sujet et les motifs de cette décision » lui écrit-il sans ménagement de La Pallud, le 8 juin 1903. De Louvain, ce religieux récalcitrant mais tenace est expédié professeur à Mongreno en Italie (1904-1906) et Le Bizet (Belgique) de 1906 à 1907. C’est alors qu’il vient à Paris faire vie commune avec le P. Salvien Miglietti au n° 6 de la rue Franklin et prendre en charge la confection du fameux Bolletino.

Un travailleur de l’ombre, efficace et prudent.

Le Frère Francisque est l’homme de la situation: il prend goût à ce travail minutieux, ordonné et régulier qui est utilisé à double fin, comme documentation à la Donne Presse et comme canai d’information au Saint-Siège. Il utilise ces matériaux pour la rédaction des Ephémérides de la Documentation Catholique à partir de 1919. Le Frère Francisque, pourtant réformé à cause de sa laryngite chronique, est mobilisé comme brancardier et infirmier de mars 1915 à janvier 1919. On a de lui un témoignage saisissant sur la condition des soldats dans les tranchées: « Il fait froid, la boue gluante s’est durcie un peu, l’eau des boyaux de communication est recouverte d’une couche de glace où circulent les rats. Je soigne oedèmes aux pieds, engelures, fièvres, rhumatismes. Il faut voir et entendre ces jeunes gens appeler leur mère! On nous a gratifiés de peaux de biques contre la pluie et le froid et d’une invention stupide de bottes glaciales. Ajoutez à cela des lunettes avec mica, masque à trois tampons, casque d’acier, avec sur le tout une couche de boue ». Le Frère Francisque participe à Verdun, à la défense du fort de Vaux en 1916 où il est décoré de la Croix de guerre. En 1919, il reprend ses fonctions. Les quatre publications, Les Questions Actuelles, La Chronique de la Presse, L’Action Catholique et L’Organisation de Défense religieuse, sont fondues en une seule, La Documentation Catholique dont les services déménagent en novembre 1923 à la maison Saint-Vincent de Paul. Faute de place à la B.P., avant la construction de l’immeuble sur le cours Albert 1er, il loge au n° 157 de la rue de l’Université. Quand il vient dans le nouvel immeuble, pour être sûr que ses confrères journalistes ne lui confisquent pas les journaux à dépouiller, il se les fait encore adresser à son ancienne adresse où il va les prendre lui-même, agrémentant sa journée d’une promenade quotidienne, partant du pont des Invalides et revenant par l’Alma, ce qu’il appelle sa ‘promenades des ponts-ponts’. Le Frère Francisque est opéré le vendredi 20 octobre 1939 d’une banale hernie, à la clinique de la rue de Turin. Il meurt le lundi 23 d’une hémorragie interne et est inhumé le mercredi 25 à Montparnasse, après la cérémonie des obsèques à l’église Saint- Pierre de Chaillot.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1939, n° 810, p. 517-523; n° 813, p. 549-552. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine (Christian Sorrel), Beauchesne, 1996, p. 140. La Documentation Catholique, 1990, n° 2000. Le Fr. Francisque Cusin a laissé dans les ACR une correspondance nourrie (1900- 1938), surtout pendant sa période militaire de 1915 à 1918.