Frédéric (Jean-Pierre) MARCELLIN – 1894-1953

Croquis d’après nature.

« Voici le P. Marcellin
Frédéric. C’est notre économe,
38 ans, long, sec, maigre, chauve et légèrement dur d’oreille. C’est la
cheville ouvrière de la maison. C’est l’homme nécessaire. Dans l’ordre
matériel, rien ne se fait sans lui.

Il est moissonneur, faneur, laboureur, vigneron, charpentier, menuisier,
maçon, serrurier, vitrier, ferblantier, couvreur, ramoneur etc.

Si on faisait le total de ce que son travail a économisé de main d’œuvre,
on serait agréablement surpris. Des gens comme lui sont un trésor pour une
maison. Mais le P. Marcellin ne se contente pas
de tenir les comptes et de faire des réparations. Il s’occupe aussi des
âmes.

Lorsqu’une paroisse est sans prêtre, Mgr l’évêque ou M. le vicaire général
pensent au P. Marcellin et le P. Marcellin, qui ne sait rien refuser,
devient curé ad tempus.

Lettre à la Dispersion, 1933, n° 512, p. 429.

Religieux de la Province de Lyon.

Par monts et par vaux.

Jean-Pierre Marcellin est né le 12 décembre 1894 à Rabou (Hautes-Alpes). Très tôt il connaît la vie nomade à l’Assomption en fréquentant les alumnats de Vinovo en Italie (1908-1911) et d’Ascona en Suisse (1911-1913). Le 14 août 1913, il prend l’habit religieux, sous le nom de Frère Frédéric, au noviciat de Limpertsberg au Grand-Duché du Luxembourg. A la veille de faire sa première profession, la guerre le surprend et comme ses quarante confrères, il va travailler dans les fermes et occupe ses loisirs en étudiant la philosophie. En décembre 1917, il réussit à gagner Louvain en Belgique où il prononce ses premiers vœux, le 19 mai 1918. Profès perpétuel le 6 novembre 1921, il enchaîne à Louvain les études théologiques (1918- 1923) et le 4 août 1923 il reçoit la prêtrise avec 26 autres confrères. En septembre suivant, sa première obédience lui assigne l’alumnat Notre-Dame à Saint-Sigismond (Savoie) avec pour fonction, l’économat.

Un fils de saint Joseph.

On croit au début qu’il peut en plus assurer l’enseignement des mathématiques, mais une surdité déjà prononcée lui fait renoncer à ce cumul de charges. Il s’adonne de tout son cœur à sa fonction matérielle. Econome pauvre dans une maison pauvre, il compte sur ses bras, sur la Providence et sur son ‘chargé d’affaires’, saint Joseph. Il est un partisan convaincu de l,adage de La Fontaine: ‘Aide-toi et le ciel t’aidera’. Sanglé dans son légendaire tablier, il s’adonne à tous les métiers, à l’intérieur de la maison comme à la ferme. Il presse le raisin, charge le chariot de Ninie la mule ou de Marquis le mulet, moissonne, vendange ramasse les foins après avoir fauché les andains de grand matin.

Son handicap limite ses exercices de ministère et pourtant il entend toujours quand on lui demande un service, prêtant volontiers concours aux prêtres du voisinage. Peu doué pour le chant, il sait capter l’attention dans ses homélies, car on sent qu’il vit ce qu’il dit. Pèlerin de la route, il enfourche sa bicyclette pour rejoindre les localités où il est demandé. Silencieux et sourd aux bruits de la nature, il sait écouter le Créateur. Doué d’une bonne mémoire, il enregistre vite les leçons d’un sermonnaire, se réveillant le matin, la lecture enregistrée. En 1939, mobilisé, il est réformé et peut rester à son poste. Son dévouement n’a rien d’égoïste en ce temps de détresse et de privation. il sait distribuer aux quémandeurs, reconnaissant comme saint François de Sales que si la bonté est un défaut, Dieu l’a eu en premier. En 1948, le P. Marcellin a la joie de fêter son jubilé. On lui demande alors de prendre la place à Douvaine (Haute-Savoie) du P. Léonce Hannebique, octogénaire. Ce changement lui coûte, mais il se montre aux orphelins ce qu’il a été aux alumnistes, le roi des cœurs: bonté, charité, dévouement lui attirent le même capital de sympathie.

Mort accidentelle.

Le 11 octobre 1953, un dimanche, sur la route de Genève à Evian, entre les villages de Douvaine et de Massongry, des passants découvrent, le soir, son corps sans mouvement. Sa bicyclette est à quelques pas derrière lui, sa soutane largement déchirée. Il saigne du nez et porte une profonde blessure à la nuque. Le P. Marcellin revenait du presbytère de Sciez où sa délicatesse lui avait fait rapporter un livre prêté par le curé de la paroisse. Sans doute a-t-il été renversé par une voiture qu’il n’a pas entendue, mais dont le chauffeur ne siest pas arrêté, malgré le choc produit. Le P. Marcellin, dans le coma, va emporter le secret de sa mort avec lui. Il est transporté dans le coma à l’hôpital de Thonon où tous les soins se révèlent impuissants. Le jeudi 15, le P. Marcellin est ramené à l’orphelinat. A peine en a-t-il franchi la grille d’entrée qu’il rend le dernier soupir. Il n’a que 59 ans. Ses funérailles se déroulent le 17 décembre à Douvaine où il est inhumé.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1954, p. 71. Lettre à la Famille 1953, n° 159, p. 79-80; n° 160, 85-88. L’Echo de Notre-Dame (bulletin de Saint-Sigismond), 1953, n° 167, p. 6-3. L’Ange de l’orphelin (bulletin de Douvaine), 1953, n° 516, p. 11-13. Dans les ACR, du P. Frédéric Marcellin, correspondances (1919-1933).