Gavril MUNTEAN – 1916-1997

La Roumanie reste jusqu’en
1989 en dehors de la vague de réformes qui touchent tous les pays voisins
et que l’on
connaît sous le nom de perestroïka. Mais elle est le théâtre de la
révolution la plus controversée, sanglante, du Bloc socialiste. Les émeutes
de Timisoara déclenchent en
décembre 1989 un mouvement de contestations qui renversent le régime et
surtout le chef du pouvoir, Nicolae Ceaucescu. Lâché par l’armée et par le
Comité central, celui-ci
s’enfuit en hélicoptère de l’immeuble du Comité le 22 décembre avant d’être
arrêté et exécuté avec sa femme Elena, le 25 décembre 1989. Un
Front de salut national est formé pour prendre la relève du pouvoir Ion
lliescu est nommé Président par intérim et Petre Roman, Premier Ministre.
Accusé de néo- communisme, le nouveau pouvoir conforte son assise lors
d’élections présidentielles et législatives en mai 1990. Les mineurs de la
vallée de Jiu lui manifestent un soutien brutal en descendant sur Bucarest
afin de pourchasser les opposants (juin 1990). Petre Roman est écarté au
profit d’une nouvelle démonstration de force des mineurs. En octobre 1993,
la Roumanie entre au Conseil de
l’Europe et signe un traité avec l’OTAN en janvier 1994.

Religieux roumain de la Province de France.

Circonstances d’un parcours mouvementé.

Gavril (Gabriel) Muntean est né le 16 janvier 1916 à Gheja en Roumanie, au diocèse d’Alba Julia en Transylvanie. Il y connaît l’enfance paysanne et pieuse de son milieu. « Dès que je suis arrivé à l’âge de raison, je me suis mis sous la protection de la Mère du Seigneur et j’ai obtenu d’elle tout ce que je désirais ». Ses parents, son père Gavril et sa mère Judita née Pantea, S’opposent d’abord à son désir de vie religieuse. Gavril ne prend l’habit que le 20 avril 1941, à 25 ans, au noviciat de Belus que conduit le P. Austin Treamer. Mobilisé le 8 septembre, il est envoyé en Ukraine, aux côtés de l’armée allemande qui a décidé par l’opération Barberousse d’envahir l’Union Soviétique. Permissionnaire à Noël, il est victime d’un accident de train dans la gare du Nord à Bucarest. On le soigne à l’hôpital militaire d’une fracture au pied. Il peut retourner au noviciat, à Blaj cette fois, sous la conduite du P. Léandre Gayraud qui écrit: « Le Frère Gabriel a été pour tous un sujet d’édification. Il possède à un haut degré les vertus qui font les bons religieux. Il est très pieux, mortifié et d’un rare dévouement. Il a fait 20 mois de noviciat qu’il a dû recommencer après son service militaire ». Profès annuel le 8 novembre 1943, il reste à la Casa Domnului où il travaille à l’entretien, à la cuisine, au jardin et à la ferme. Il prononce ses vœux perpétuels le 8 novembre 1946, encouragé par les remarques bienveillantes de son supérieur, le P. Adhémar Merckx: « Le Frère Gavril est un excellent religieux, humble, très travailleur, ayant l’esprit d’initiative très développé ». Le 9 septembre 1947, le noviciat laisse la place à une trentaine de novices Oblates et émigre à Hârseni dans les Carpathes. Le Frère y accompagne le P. Léandre Gayraud et trois novices. Ils occupent un ancien presbytère,

comprenant trois chambres et une suite. Le Père Gayraud est curé des catholiques du village dont le nombre est légèrement inférieur à celui des Orthodoxes. Entre les uns et les autres règne une fraternité évangélique. En décembre 1947, le pays tout entier bascule avec 79, 80% des voix au Parti communiste. Dès l’année suivante, le nouveau régime persécute l’Eglise catholique de rite oriental qui est rattachée de force à l’Eglise orthodoxe. Le P. Gayraud est arrêté, condamné comme perturbateur de l’ordre public et va passer dix mois en prison. Ensuite expulsé, il débarque à Orly le 21 septembre 1949. Le Frère Gavril retourne dans son village natal, à Gheja, où il va passer plus de quarante ans. Il travaille d’abord sur la ferme familiale. A partir de 1961, il est employé comme jardinier dans un combinat pour le chanvre à Ludus, à trois km de son village. Il fréquente l’église catholique romaine de Ludus et les prêtres gréco- catholiques clandestins. Il va souvent chez le P. Bernard Stef afin de se maintenir dans la religion catholique (1). Cette fidélité lui vaut d’être arrêté en 1967 et de passer neuf mois au pénitencier de Turgu Mures. Un jour, alors qu’il travaille à la maçonnerie, un échafaudage tombe sur lui. Les dirigeants qui se sentent coupables, font des efforts extraordinaires pour le sauver (1). Le Frère Gavril souffre des séquelles de cet accident jusqu’à la fin de ses jours. Après les événements de décembre 1989 qui voient la chute du Président Ceaucescu, le Frère Gavril rejoint ses confrères à Blaj. Il édifie tout le monde par sa piété et son esprit de service. Après l’installation de la communauté dans sa résidence actuelle (1994), il est très affaibli, reste alité la plupart du temps, mais trouve encore la force d’aller à la cathédrale pour les offices. Le 2 février 1997, il participe aux fêtes de la vie consacrée, c’est sa dernière participation à une prière publique. Trois jours plus tard, ne pouvant plus bouger, il reçoit le sacrement des malades. Il meurt le mercredi 14 février 1997 vers trois heures du matin, après avoir longuement prié avec le P. Stef. A la mi-journée, revêtu d’une soutane, son corps est exposé à l’église de la Dormition où prêtres et fidèles viennent se recueillir jusqu’au samedi, jour des obsèques. Celles-ci se déroulent selon le rituel prévu pour les moines. Elles sont présidées par le doyen de la cathédrale, en présence du métropolite, d’une douzaine de prêtres, de quelques parents et d’une foule de fidèles. Le Frère était connu et aimé de tous pour sa modestie et son esprit de prière.

(1) D’après une note du P. Bernard Stef, février 1997.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (VII) 1996-1997, p. 62-63. Assomption-France, Nécrologie année 1997, p. 387-388. Livret-témoignage du P. Bernard Stef sur les années de persécution en Roumanie. Didier Rance, L’aide à l’Eglise en détresse. L’Assomption retroume le chemin de la Roumanie: L’Assomption et ses OEuvres, 1990, no 643, p. 18-19; 1991, no 647, p. 2-4 (témoignage du P. Augustin Agliceriu) et 11-13 (oblates en Roumanie): 1994, no 659, p. 11-14 (En Roumanie, hier et aujourd’hui) … Dans A Travers la Province (Paris): avril 1990, no 70, p. 3-5 @retour de Roumanie par P. J.-D. Gullung); juillet 1990, no 72, p.4 (pèlerinage à Carbunari); 1991, no 82, p. 16 (semailles roumaines par Dominique Greiner); 1992, no 88, p. 18-19 (nouvelles de Roumanie par Benoît Grière)