Gérard (Roch) LEROY – 1901-1985

Option.
« Les Lettres à la Famille ont fait savoir que le délai accordé pour
l’option [de Province] était presque écoulé. Aussi je me vois forcé de
rompre le silence quadragésimal pour vous soumettre mes idées sur ce point.
Je laisse à votre bonté paternelle le soin de décider ce qui sera le plus
conforme à la volonté de Dieu. Je n’ai pas réglé cette question plus tôt à
cause du service militaire. Après avoir réfléchi
et pris conseil, voici mes remarques: j’aurais une préférence pour les
missions proprement dites, chez les non-chrétiens et plus spécialement chez
les musulmans, mais nous n’en avons pas. Je me suis beaucoup intéressé aux
oeuvres d’Orient. J’incline vers l’Orient pour deux raisons: je ne me sens
pas de sympathie pour le genre anglo-saxon et américain tandis que j’aime
le caractère oriental et surtout l’arabe. De plus j’ai déjà passé deux ans
en Orient, deux années d’initiation qui seraient
à recommencer dans une autre province. De plus le soleil d’Orient a sur moi
l’heureuse influence de me donner la joie si utile à ceux qui servent le
Seigneur. J’attends votre décision pour continuer l’étude du bulgare et de
l’arabe ou encore une autre langue ».

Religieux de la Province de France.

Sur les chemins de la vie.

Roch Leroy naît à Blaringhem (Nord), le 13 avril 1901. Il est le frère d’un autre assomptionniste tôt disparu, le P. Odon Leroy (1886-1931) et d’une s?ur Oblate, Marie-Denise. De 1913 à 1916, il fait ses études de grammaire au Bizet (Belgique) et à Saint-Maur (Maine-et-Loire), en 1916, quelques mois seulement. Pour les études d’humanités, il se rend à Ascona en Suisse (1916-1917), puis à Locarno (1917-1918). Il commence son noviciat à Notre-Dame de Lumières (Vaucluse), le 7 septembre 1918, en prenant l’habit sous le nom de Frère Gérard. Il y prononce ses premiers v?ux le 24 septembre 1919. De 1920 à 1922, il va étudier la philosophie à Taintegnies, deux années d’études suivies de deux ans de service militaire. Il prononce ses v?ux perpétuels à Louvain, le 13 décembre 1925 et est ordonné prêtre le 29 juillet 1928. Le ministère du P. Gérard le conduit tout d’abord en Orient, au collège Saint-Augustin de Plovdiv (Bulgarie) où il enseigne pendant onze ans (1928- 1939). Nommé supérieur de l’alumnat à Saint- Sigismond (Savoie) en 1939, il ne peut entrer en fonction qu’après la guerre en 1945. Il paie un long tribut à la seconde guerre mondiale, mobilisé en 1939, fait prisonnier et retenu en captivité de 1940 à 1945, souffrant des conditions de détention et de pénurie aussi bien dans les camps allemands que dans ceux de ses libérateurs, les Russes. Au terme de son triennat de supérieur à Saint-Sigismond, il est nommé professeur à Vellexon (Haute-Saône) où il reste 6 ans (1948-1954). A l’automne 1954, il arrive à la communauté de Valpré (Rhône) dont il vit toutes les évolutions pendant 27 ans (1954- 1981): construction de la maison d’études, intégration dans la jeune équipe professorale comme directeur spirituel de nombreux religieux,

les mouvements de ‘mai 1968’, la fondation de petites communautés sur place et en ville, création du centre d’accueil. Ses dispositions profondes restent inchangées à travers le temps: sérénité, sagesse, confiance dans la bonté de Dieu, toujours avec le sourire et le chapelet, toujours disponible pour les menus et précieux services d’une grande maison, toujours prêt pour son ministère auprès de jeunes aveugles à Vaise. Le 28 décembre 1981, il rejoint la maison de Saint-Sigismond, acceptant ce déracinement dans un esprit de foi, se consolant à la pensée qu’il aurait enfin le temps de prier. Il y poursuit sa vie de prière et d’austérité jusqu’au jour de son décès, le mercredi 27 mars 1985. Il est inhumé le 30 mars suivant.

‘Tel qu’en lui-même’.

« Au jour de son départ de Valpré, les bagages du P. Gérard sont bien en-dessous des 30 kg réglementaires: une petite valise à moitié pleine ou vide, un sac à pain pour les chaussures et deux soutanes sur lui, l’une sur l’autre. Le P. Gérard a toujours fait de la pauvreté sa compagne de vie. Il suffit d’entrer dans sa cellule pour en être convaincu. Ce désir de détachement et de dépouillement est allé à l’extrême d’un modèle dont il ne s’est jamais départi, en Orient comme en Occident. A l’heure de la retraite, n’a-t-il pas refusé la maison de Lorgues où sa s?ur, S?ur Denise, l’attendait un peu, parce que, dit-il, il n’a pas quitté sa famille tout jeune pour la retrouver à 80 ans! Homme de détachement, le P. Gérard est aussi l’homme du devoir fidèle: qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige, il descend et remonte la pente des Roches pour célébrer l’eucharistie, rue Saint-Simon, à Vaise, à l’institution des jeunes aveugles, avec une exactitude si régulière que les voisins ont pris 1.habitude de le prendre pour référence horaire. Même à l’heure de la vieillesse, il grimpe la montée sans perdre de temps, sans arrêt pour souffler, le chapelet à la main. Il a fait de la chapelle de Valpré le coeur de la maison, sans manquer un office, participant de tout son coeur et de toute sa voix qu’il a forte et éraillée. Il aime le dimanche se rendre au sanctuaire de Fourvière où, l’été, il entraîne S?ur Denise, obligée d’emboîter le pas qu’il a rapide. Le jour de ses 80 ans, n’est-il pas arrivé le premier sur les ruines du château de Crussol, en face de Valence, rouge et ruisselant? Homme de prière, le P. Gérard a fait de sa chambre à Valpré le confessionnal de la maison où beaucoup de jeunes étudiants trouvent auprès de lui la paix et la réconciliation de l’âme, attendant leur tour à sa porte, avec le mémorable signal d’appel ‘Minute!’ On sent que ce religieux a unifié toute sa vie dans la prière continuelle, la discrétion et l’effacement. Il a gardé, seul du nombre après 1968, l’habit religieux, sans dénigrement pour les autres formes vestimentaires. Toute sa fierté et son filial attachement vont à l’Assomption et à ses Constitutions de 1923 qui restent son livre de chevet et sa référence, sans prendre ombrage de ses filles, les Règles Capitulaires de 1964 et les Constitutions de 1981. Comme un bon grand-père, il cherche à comprendre les temps nouveaux, sans renier ceux de ses origines, dans la fidélité à l’essentiel… ».

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (III) 1984-1986, p. 62-64. Assomption-France, nécrologie n° 4, année 1985, p. 68-70. Lettre du P. Gérard Leroy au P. Gervais Quenard, s. 1., 15 mars 1925. ‘Tel qu’en lui-même,, extrait de l’homélie du P. Jean-Paul Périer-Muzet. Dans les ACR, du P. Gérard Leroy, rapport sur Saint-Sigismond (1946-1947), correspondances (1924-1948) et compte-rendu de guerre (1940-1945).