Grégoire PAPADOPOULOS – 1866-1887

Karagatch.
Pour assurer la continuité du mouvement de retour vers
Rome du peuple bulgare amorcé en 1860, il fallait organiser un clergé
autochtone. Le P. Galabert vit que l’œuvre essentielle de la mission était
le recrutement local d’un clergé catholique, soit par la
conversion et la réforme du clergé orthodoxe, soit par la formation de
nouvelles vocations. Son premier essai fut pour les moines de Pantéléimon
qu’il défendit contre les vexations des Turcs et qu’il protégea en leur
donnant asile dans les maisons d’Andrinople. Il s’occupa aussi de prêtres
séculiers néo-convertis. Il envoyait à Constantinople les moins solides
dans la foi. Andrinople et Philippopoli servirent vraiment d’asile à
plusieurs d’entre eux. Le P. Galabert est à l’origine de deux petites
écoles, l’une à Saint- André de Philippopoli et l’autre à Kaik, près
d’Andrinople. On peut dire que cette dernière fondation remonte au mois de
septembre 1872, sous la forme d’une école préparatoire qui deviendra après
un petit séminaire bulgare catholique. Au départ les circonstances firent
que tous les rites y vécurent mêlés. On peut dater de 1895 l’établissement
de ce séminaire autonome à Karagatch, comblé de faveur par Léon XIII.

Notices Biographiques A.A

le 1er janvier 1866 Religieux grec, profès in articulo mortes. Un alumniste, religieux sur son lit de mort. Nous ne connaissons quelque chose de cet alumniste, inscrit au nécrologe des religieux de l’Assomption, qu’à travers la lettre du P. Antoine Silbermann, supérieur de la communauté de Karagatch, datée du 13 février 1887. «Vous avez entendu parler déjà de ce pauvre petit alumniste qui, atteint de la maladie des os, s’est vu obligé de quitter Koum-Kapou, pour venir se faire soigner dans notre hôpital de Saint-Louis à Andrinople. Grégoire Papadopoulos était d’une famille catholique de Constantinople. Son frère aîné, Pierre, est entré comme postulant au noviciat d’Osma en 1882, sous le nom de Frère Méthode, mais Dieu ne l’a pas appelé à la prêtrise. Grégoire, entré tout jeune à l’orphelinat de Karagatch vers 1875, s’est toujours distingué par une grande piété et une grande obéissance. Il demanda à être alumniste et avait déjà fait du latin avant d’aller à Koum-Kapou. A l’âge de 19 ans, il laissa voir les premiers symptômes de sa terrible maladie et revint à Andrinople en 1885. Qu’il était pénible de le voir, lui autrefois si vif, si gai, si agile, si plein d’entrain, retenu dans une petite cellule d’hôpital! Son mal impitoyable le rongeait lentement comme la rouille ronge le fer et le pauvre enfant voyait sa vie s’échapper de partout. D’abord l’épine dorsale se dévia. Trois ou quatre vertèbres se déplacèrent et il dut rester sans cesse courbé en avant. Il résultait de cette position pénible une fatigue aisée à comprendre. Les médecins essayèrent quelques remèdes. Pendant quelque temps, on le suspendit plusieurs fois par jour à l’aide de courroies et d’une ceinture passée sous les bras. Le malade prit ce petit supplice en patience, mais loin de lui apporter quelque soulagement, cela ne fit qu’augmenter la fatigue. Dans cette première période de la maladie, la douleur n’était pas aiguë et l’enfant pouvait prendre quelques distractions dans le jardin, jouir du bon air, de la vue du ciel et des fleurs. La marche ne tarda pas à lui devenir pénible. Il lui fallut alors s’appuyer contre les murs, puis l’automne dernier, il lui devint impossible de descendre l’escalier qui conduit à la chapelle. Dès lors il n’assistait plus que rarement à la messe, sauf les jours de grande fête, il devait rester dans sa cellule et s’unir d’intention aux prières de l’Église. Cette privation lui fut très sensible. je me soumets, disait-il, parce que c’est la volonté de Dieu et que c’est le devoir du chrétien de se soumettre à la volonté de Dieu. Il avait toujours une bien grande joie à recevoir Notre-Seigneur dans la sainte Communion, puis hélas il ne pouvait pas la recevoir aussi souvent qu’il l’eût désiré, à cause de la fatigue qu’il éprouvait à rester à jeun depuis minuit. S’il souffrait le jour, il souffrait bien davantage la nuit. Aucune position ne pouvait lui convenir dans son lit et le sommeil effleurait à peine un instant ses paupières. La maladie gagnait toujours. Une plaie profonde s’ouvrit à la cuisse gauche et il est impossible à dire combien il sortit de sanie de cette bouche toujours béante. Epuisé de fatigue par la position qu’il devait garder nuit et jour, il se vit obligé pour avoir un peu de repos de se mettre à genoux et de s’accouder sur une chaise. fi passa dans cette nouvelle position des semaines entières, sans pouvoir ni se lever ni se coucher. Quel martyre! Bientôt les genoux se changèrent eux-mêmes en deux larges plaies et le pauvre enfant reposait sur ces plaies! C’était pour lui des souffrances atroces, et cependant il les préférait encore à celles qu’il aurait dû endurer pour s’étendre sur son lit. Plus tard, à cause de toutes ces misères, vint se joindre l’enflure des jambes. La douleur était parfois si vive, si aiguë, queue lui faisait pousser des cris à fendre l’âme. Dans. ces extrémités-là, il se tournait vers Dieu en s’écriant. ‘Mon Dieu, ayez pitié de moi. Panaghia mou!’Le 6 [février 1887], je le trouvai si faible que je craignis un instant de lui voir perdre l’usage de la parole. Les affaires de ]omission avaient appelé le P. Alexandre Chilier à Constantinople, mais avant son départ il m’avait recommandé de recevoir les vœux du malade si je voyais augmenter le danger. Le moment me sembla venu. Je profitai d’un instant où notre cher alumniste-postulant possédait parfaitement ses esprits pour lui demander de se consacrer à Dieu dans la pauvreté, la chasteté et l’obéissance. Puis il ajouta: ‘Maintenant, je puis partir, je suis prêt! Le 7, je quittai un instant Saint-Louis pour aller à Karagatch chanter la messe anniversaire de notre regretté Père Galabert. En rentrant à l’hôpital, je trouvai notre petit Frère bien abattu. Il me reconnut, mais il me dit des choses incohérentes qui me firent comprendre qu’il n’avait pas l’esprit entièrement présent. Mère Véronique était là avec la sœur qui le soignait. Nous échangeâmes quelques mots. Il y avait à peine dix minutes que j’étais arrivé quand, tout à coup, le malade qui nous semblait en délire, ouvrit de grands yeux qu’il fixa sur moi. Il me dit d’une voix forte: ‘Mon Père, je vous remercie de tout ce que vous avez fait pour moi. Je vous demande pardon. En même temps, il me prit la main, la baisa et la porta à son front, puis il ajouta: ‘Je demande aussi à vous embrasser pour tous les Pères et tous les Religieux’. Il me donna donc le baiser d’adieu. ‘Priez bien pour la mission’, lui dit Sœur Véronique. ‘Oui, je prierai pour que l’œuvre s’étende’ J’avais emmené avec moi depuis plusieurs jours un de nos enfants de Karagatch pour rendre au malade quelques petits services et lui faire un peu oublier ses souffrances dans la causerie. Il l’appelle et lui dit. ‘Dites aux enfants de Karagatch que je meurs, qu’ils pilent pour moi et je prierai pour eux. Dites-leur que je les aime et que je suis leur frère. Ecrivez au Père Alexandre et dites-lui que je prierai pour lui et que je le remercie. Ecrivez aussi aux alumnistes que je les ai aimés, que je les aime et les aimerai toujours. Je ne les oublie pas, je suis leur frère’». Le jeune Grégoire est mort le 8 février 1887, vers 19h30. Il est inhumé le lendemain au petit cimetière de Karagatch, aux côtés du Frère Léon Cusse. Page : 126/126

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre du P. Antoine Silbermann au P. François Picard, Karagatch,, 13 février 1887. Souvenirs, 1887, n° 54, p. 354-355. Notice biographique du P. Marie-Alexis Gaudefroy. Notices Biographiques