Gunfrid (Emile) GABEL – 1908-1968

Solidaire de son siècle.
« Il était journaliste, il était prêtre intermédiaire entre les hommes et
les hommes, intermédiaire entre les hommes et Dieu, au service des uns pour
mieux être fidèle à l’Autre. Le P. Gabel est mort, le 6 mars dernier, avec
63 autres personnes. Le Boeing 707 dans lequel il voyageait a percuté une
colline près de Pointe-à-Pitre, à la Gaudeloupe… Appelé en
1949 à la rédaction de La Croix, c’est dans l’exercice de cette fonction
qu’il devait donner toute sa mesure et se réaliser pleinement. Il ouvrit
toutes grandes les fenêtres, s’attacha au développement des rubriques
profanes et à faire du journal, qui était alors sur le déclin, un outil
efficace
et complet pour une meilleure connaissance et une plus grande compréhension
du monde, dans toute sa complexité et sa réalité. Le P. Gabel croyait à la
finalité propre du journalisme, à la nécessité profonde de l’information.
Cela n’excluait pas la réflexion et des prises de position courageuses et
lucides toujours en faveur des plus pauvres, des déshérités, qu’il s’agisse
de pays, de catégories sociales ou de personnes. Lorsqu’il fut amené à
quitter La Croix en 1957, le P. Gabel laissait un journal qui avait épousé
son siècle.. »

Gunfrid (Emile) GABEL

1908-1968

Religieux de la Province de Lyon, transféré aux O.G.F.

Biographie rapide.

Emile Gabel naît le 1er septembre 1908 à Drusenheim (Bas-Rhin) dans une famille d’ouvriers. Au cours de son enfance, après 1910, ses parents déménagent en Moselle. Emile entre à l’alumnat de Scy-Chazelles (Moselle) en septembre 1920 ‘il y fait ses études secondaires (1920-1923), complétées à l’alumnat de Miribel-les-Echelles (Isère), de 1923 à 1925, devançant son frère Auguste qui prend la même voie. Le 31 octobre 1925, à Taintegnies, il reçoit, sous le nom de Frère Gunfrid, l’habit religieux de l’Assomption. Il y prononce ses premiers vœux, le 1er novembre 1926. Suivent les années d’études philosophiques à Saint-Gérard (Belgique) et théologiques à Louvain. Il est admis à la profession perpétuelle, émise le 8 décembre 1931. Il est ordonné prêtre le 16 avril 1934. « Religieux distingué, d’une belle intelligence, d’une grande ouverture et franchise, le Frère Gunfrid souffre d’un bégaiement en public. Il est doué pour rendre de grands services en toute sorte d’œuvre. Nous le voyons bien dans un apostolat intellectuel par exemple dans une maison de haute éducation » relève le P. Fulbert Cayré. Aussitôt nommé professeur de théologie à la maison d’études de Lormoy, Institut Saint-Augustin, dans l’Essonne, de 1934 à 1943, le P. Gabel dès 1944 est directeur des Editions de la Bonne Presse à Paris. A partir de 1945, il collabore au quotidien La Croix en rédigeant la page religieuse et en écrivant des articles signés Franchepré. Le 29 octobre 1949, il est nommé rédacteur en chef de La Croix en remplacement du P. Léon-Pierre Fourier Merklen. Il imprime au journal un autre cours, un ton nouveau, le modernise. Il présente dans les colonnes du journal une nouvelle page ‘l’Église dans notre temps’,

reflet de la vie des mouvements et des laïcs qui prennent du poids ou de la consistance dans les faits ecclésiaux. En 1957, à la suite de circonstances pénibles, dues partiellement à des problèmes de santé (décollement de rétine), mais aussi à des difficultés internes, déjà sérieusement inquiété en 1955, il est obligé de quitter la rédaction de La Croix. Ce départ plus ou moins maquillé équivaut en fait à un limogeage ou à une destitution. Le P. Gabel doit laisser la place à un successeur, compatriote, alsacien comme lui, le P. Antoine Wenger. La même année il est nommé Secrétaire général de l’Union internationale de la Presse catholique, l’U.C.I.P., dont le siège est à Genève. Le P. Gabel a sa résidence à Paris, communauté de la rue François ler. Dans le cadre de ce service, il voyage beaucoup et donne de nombreuses conférences. Il meurt, le 5 mars 1968, dans un accident d’avion à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe).

Personnalité d’un homme, prêtre journaliste.

Ceux qui ont approché le P. Gabel de près l’ont dépeint comme un homme d’une personnalité puissante: physiquement bâti avec solidité, fort sans être gros, très myope au point que de gros verres de lunettes rendent son regard perçant et intimidant, il passe pour être autoritaire, ne sachant pas très bien déléguer ses fonctions. C’est un homme d’une grande franchise, ce qui lui vaut de la compréhension avec ses subordonnés, mais des ennuis avec ses supérieurs! Son bégaiement, plus accentué dans les moments de fatigue ou d’énervement, ne l’empêche pas d’être affectueux et attentif en peu de temps à l’égard de ses interlocuteurs, au moins ceux qui savent dépasser le temps du premier abord, plutôt rude. Il a une âme de ‘maître’ et maître, il l’est dans le journalisme et avec les journalistes qu’il doit former ou diriger, notamment au moment de la succession du P. Merklen. Jean Boissonnat le surnomme le ‘prêtre-patron’. Le P. Gabel réussit à stopper l’hémorragie du journal qui, dans les années difficiles de la reprise, après 1945, perd jusqu’à 3.000 abonnements par an. il embauche des journalistes de valeur, Jacques Duquesne, Jean Boissonnat. Dans une rédaction exclusivement masculine, il a l’audace d’imposer une femme, Geneviève Honoré-Lainé. Il supprime le crucifix en tête du journal, en rajeunit la présentation. Des signes de reconnaissance lui sont décernés: la Légion d’Honneur (1965), la confiance d’évêques allemands pour des missions de confiance dans l’œuvre Adveniat (presse catholique du Tiers-Monde). Le P. Gabel a eu une pratique pastorale, notamment dans le milieu rural chrétien, en participant à l’émergence d’un laïcat militant. Cette expérience lui a permis d’adopter un ton modéré dans l’affaire des prêtres-ouvriers qui déchire la France dans les années 50.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Catholicisme t. IV (1956), col. 1686 et D.H.G.E., t. XIX (1981), co B.O.A. juin 1969, p. 287-290. L’Assomption et ses œuvres, 1968, n° 554, p. 12-13. In Memoriam, Le P. Gabel solidaire de son siècle dans Le Cri du monde, avril 1968 (D.. Junqua). Articles nécrologiques dans la Presse de 1968. Notes personnelles du P. Charles Monsch sur le P. Emile Gabel. Dans les ACR, correspondances du P. Gabel (1934-1966). Le P. Gabel est l’auteur de nombreux articles dans La Croix (1949-1957), de nombreuses conférences et de quelques ouvrages: La Presse catholique, pour duo faire? (1957); Une presse du peuple de Dieu (1966); Journalistes catholiques (U.C.I.P.) de 1961 à 1968. L’U.C.I.P. a regroupé des écrits du P. Gabel dans le livre, Emile Gabel, l’enjeu des media, Mame 1971.Une Association des Amis du P. Gabel organise des ‘Colloques Gabel’. Textes publiés; Colloque. P. Emile Gabel, Paris, 14-15 octobre 1988, édit. Universitaires, Fribourg (Suisse), 1989, 180 p. Notices Biographiques