Innocent (Bernard) MOREEL – 1875-1896

Brian, 1896. « Au mois de septembre 1895, le Frère Innocent nous arriva
d’Orient, avec le regretté Fr. François de Sales. Presque aussi fatigué
que lui, il se fit son infirmier et assista en larmes à ses
derniers moments. Pourrions- nous prévoir qu’un an après, nous assisterions
ce bon Frère dans sa dernière agonie! Après un été passé à Taintegnies
auprès de ses excellents parents, le Frère Innocent nous revint à Brian,
mais dans quel état! Sa maladie avait fait de rapides progrès. Néanmoins le
malade se faisait illusion. Il parlait de l’avenir, de ses ordinations.
C’était avec bonheur qu’il voyait un de ses frères entrer à Livry, un autre
marcher sur ses traces à Taintegnies, enfin son aîné, le
P. Simplicien, allait recevoir la prêtrise. Le 18 octobre notre malade
recevait à Romans les Ordres mineurs, mais tous remarquèrent sa fatigue
extrême. Depuis lors, il alla chaque jour en déclinant et depuis longtemps
il ne quittait plus la chambre. Le 8 novembre fut un beau jour pour lui. le
P. Simplicien était prêtre. Avec quelle joie il
reçut les premières bénédictions de ce frère aîné! Déjà les illusions
commençaient à s’effacer et
dans ses lettres, le Fr. Innocent demandait des prières pour la lutte
suprême ».

Religieux français.

D’une famille assomptionniste.

La famille Moreel du Nord donne quatre de ses enfants à l’Assomption: l’aîné, André, deviendra le P. Simplicien (1872-1939), Bernard prend le nom de Frère Innocent (1875-1896): son parcours à l’Assomption est arrêté par la tuberculose. Bertin, sous le nom de P. Libert, connaît lui aussi une trajectoire de courte durée (18781906), toujours à cause de la même maladie, et le plus jeune, Pierre, ne fit que s’y acheminer. Bernard est donc né à Bavinchove, près de Dunkerque (Nord), le 11 novembre 1875. Il voit partir son frère aîné, André, en 1884 pour l’alumnat de Mauville (Pas-de-Calais) et lorsque celui-ci prend l’habit d’alumniste à Clairmarais le soir du 30 novembre 1887, le jeune Bernard est présent à la cérémonie. Bernard, lui, prend le chemin de Mauville à son tour le 1er septembre 1890, entraînant dans son sillage son jeune frère Bertin, un peu à la manière de son saint patron Bernard de Clairvaux. L’alumnat de Mauville est transféré à Taintegnies en Belgique, proche de la frontière française. Bernard, lui, fait ses humanités à l’alumnat de Clairmarais (Pas-de-Calais). Il donne pleine satisfaction à son supérieur pour son naturel plein de sérieux à l’extérieur et plein de vie à l’intérieur. Enthousiaste par tempérament, Bernard apprend à découvrir les entreprises apostoliques de l’Assomption particulièrement fécondes en ces années de fondation. En 1892, Bernard décide d’entrer au noviciat à Livry-Gargan où il prend l’habit le 12 août sous le nom de Frère Innocent: « Me voici dans la terre promise. Que les fruits en sont beaux et délicieux, prières, sacrifices, mortifications, exemples des aînés. Il n’y a qu’à cueillir et goûter. Vous en voudrez peut-être d’autres comme la joie et les consolations. Ils ne sont que les compléments des premiers et tous pendent à cet arbre merveilleux qu’on appelle discipline.

Vous vous unirez à moi, mon cher frère, pour remercier le bon Dieu qui, malgré mon indignité, m’a retiré du monde pour me conduire dans cette maison bénie du noviciat. Au mois de septembre 1893, après l’émission de ses premiers vœux, le Frère Innocent va achever son temps de noviciat à Phanaraki en Turquie d’Asie. C’est là que la maladie vient le surprendre sous la forme de la terrible tuberculose. Il sait accepter l’épreuve fort surnaturellement comme il fait toutes choses, mais il ne se doute peut-être pas de l’imminence du sacrifice.

Mort prématurée à Brian.

Aussitôt après l’émission de ses vœux perpétuels à Phanaraki, le 15 août 1895, le P. Picard rappelle le Frère Innocent en France et l’envoie prendre un temps de repos à l’alumnat Saint- Joseph de Brian (Drôme), alors dirigé par le P. Henri Couillaux. Le mal continue sa progression, inexorable. Le Frère Innocent a encore la joie de participer au pèlerinage national à Lourdes où il voit pour la dernière fois son frère Bertin qui se dirige sur Livry. En octobre 1895, il peut encore recevoir in extremis les Ordres mineurs à Romans (Drôme), des mains de Mgr Cotton, évêque de Valence. Son frère aîné, le P. Simplicien, est ordonné prêtre à Constantinople et lui envoie sa bénédiction. Innocent lui écrit sans illusion: « J’ai reçu aujourd’hui dimanche la lettre qui m’apporte votre première bénédiction. J’espère que je n’aurai pas été trouvé indigne de toutes les grâces que vous avez bien voulu reporter sur moi. Faites- moi participer abondamment aux mérites du très saint Sacrifice. Je le répète, cher frère, j’en ai plus besoin que jamais en ce moment où la maladie atteint son dernier degré. Enfin, si vous voulez me donner une bénédiction., j’allais dire suprême, hâtez-vous de vous mettre en route ». Le Frère Innocent meurt à Brian le 11 décembre 1896, à l’âge de 21 ans. Il y est inhumé. Son frère Libert qui a commencé son noviciat à Livry, en janvier 1897, peut venir s’agenouiller sur la tombe de son frère, le Frère Innocent, avant de prendre la relève à Phanaraki. Dix ans après, Libert tombe à son tour.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Souvenirs 1896, n° 284, p. 457; n° 285, p. 465-467. L’Assomption 1906, n° 114, p. 87-88; n° 114, p. 102-106. Bulletin de l’alumnat du Sacré Cceur de Jésus (Taintegnies), 1896, n° 22, p. 209-210. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy.