Irénée (Albert) ROUSSEAU – 1883-1902

Evocation.
Ce bon Frère Irénée m’a beaucoup édifié pendant tout le temps de sa maladie
par quelques dispositions vraiment remarquables en lui. Je mettrai en
premier lieu son amour pour ses exercices de piété. Il poussa jusqu’à
l’excès le désir de les accomplir fidélement et de les reprendre lorsqu’une
aggravation du mal l’avait contraint de les interrompre.
Si l’infirmier lui paraissait trop avare de pieuses permissions, il
cherchait même à échapper à son autorité par le recours à une autorité
supérieure, sainte supercherie vite découverte et interrompue. Non moins
ami de l’étude que de la prière, il fallut plus d’une fois lui imposer la
cessation de ses travaux de classe qu’il était toujours tenté de reprendre
trop tôt. Au reste, tous ses
professeurs peuvent attester le soin avec lequel il s’acquittait toujours
de la tâche quotidienne, parfois si dure à la nature dans un noviciat.
Parlerai-je de son amour pour sa vocation ? Sa grande crainte, son unique
souci pour ainsi dire, était de ne pouvoir la suivre jusqu’au bout. Ah! il
comprenait, ce bon Frère, combien il est doux de se donner à Dieu! Aussi
est-ce pour se l’unir plus entièrement encore que le bon Dieu l’a rappelé à
lui … ».

Notices Biographiques A.A

Religieux français, profès in articulo mortis. D’une lettre-circulaire du P. Antoine Silbermann. « Voilà un mois et demi, le Frère Irénée Rousseau, novice-profès d’un an, quittait le noviciat avec la permission du Supérieur Général [P. Picard], pour aller se reposer dans sa famille à Montpellier [Hérault]. Aujourd’hui, nous recevons du prêtre qui demeurait auprès de lui les détails suivants en date du 22 janvier: « Je m’empresse de vous annoncer que votre cher petit Frère Irénée est parti hier soir à cinq heures et demie pour un monde meilleur. Déjà, hier matin, son état empirait sensiblement. Aussi je ne le quittai guère, lui suggérant de temps en temps une bonne pensée ou une oraison jaculatoire. Vers les cinq heures du soir, sa respiration devenait plus pénible. je lui donnai une dernière absolution, puis je commençai les prières de l’agonie. Vers la fin de ces prières, il cessa doucement de respirer… C’était fini! je lui’ fermai les yeux. Il a conservé connaissance à peu près jusqu’au dernier souffle. Sa douceur, sa patience, sa résignation ont été bien édifiantes et d’un parfait exemple pour tous ceux qui J’approchaient. Il avait parfaitement conscience de son état et le sacrifice de sa vie fui entier. Il repose en ce moment et jusqu’à demain matin sur son lit, revêtu de la robe. On dirait qu’il est endormi tant le visage est calme et reposé. Lundi matin, 20 courant, je reçus votre lettre: je lui en fis part immédiatement. je lui parlai de profession et de l’autorisation conditionnelle dont vous me parliez. Il en fut ravi. je rédigeai la formule des vœux et dans l’après-midi, sur les quatre heures, après une petite préparation de cœur et d’âme que je lui fis faire, il prononça bien distinctement cette formule, haussant très sensiblement le ton de sa voix, pour dire ces mois usque ad mortem. Puis il joignit les mains, se mit à sourire en disant: ‘Que je suis heureux! je suis au comble de mes désirs. Nunc dimittisl’ A.A Bref, ce cher enfant a fait la mort d’un prédestiné et, pour mon compte, j’ai plus envie de l’invoquer que de prier pour lui. Voilà, mon Révérend Père, les renseignements que je me fais un vrai plaisir de vous communiquer. Ils réjouiront grandement votre âme! ». Il n’est pas étonnant que cette mort renferme comme un parfum de sainteté, car le cher Frère Irénée a toujours été l’édification de ses Frères. Néanmoins, suivant nos pieuses coutumes, je viens vous prier, mon Révérend Père, de vouloir bien faire faire pour notre Frère les prières de règle. Daignez agréer l’assurance de mon religieux respect ». Reconstitution des éléments biographiques. Albert Rousseau (1) est né le 7 mars 1883 à Montpellier (Hérault), de Auguste et de Lina Jenny. On sait qu’il a été alumniste à Notre-Dame des Châteaux (Savoie) à partir de 1896. Il se rend ensuite au noviciat de Gemert aux Pays-Bas en septembre 1900. Il y prend l’habit le 18 septembre. Bientôt des crachements de sang réitérés laissent entendre qu’il est malade de la tuberculose, mais on estime alors que, puisqu’ils ne semblent pas porter atteinte à sa sérénité, à son caractère aimable et à son esprit de ferveur, le jeune novice peut se rendre avec ses compagnons au noviciat d’Orient à Phanaraki (Turquie) où il arrive au mois d’août 1901. Sur la demande instante de sa famille alertée de son état de santé, le Frère Irénée regagne Montpellier. Un religieux Carme exilé qui habite le même immeuble que la famille aide le Frère Irénée à se préparer à la mort et reçoit ses vœux perpétuels in articulo mortis, délégué à cet effet par le P. Picard. Le Frère Irénée expire, à dix-neuf ans, le 21 janvier 1902. Il est inhumé dans le caveau de sa famille à Montpellier. (1) L’identité complète du Frère Irénée Rousseau a été retrouvée grâce au Registre d’inscriptions de Notre-Dame des Châteaux qui mentionne en 1896: Albert Rousseau, né le 7 mars 1883 dont les parents habitent Montpellier (Hérault), 16 rue Fabre, diocèse de Montpellier.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: L’Assomption, 1902, n° 63, p. 36. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Circulaire du P. Antoine Silbermann, Phanaraki, 30 janvier 1902. Evacation par le prêtre-novice infirmier du Frère Irénée Rousseau à Gemert, d’après l’Assomption, o.c. p. 36. Notices Biographiques