Jacques IGNADOSSIAN – 1877-1954

Mes Prisons, 1915.
« Durant la guerre mondiale, plusieurs Pères se sacrifièrent pour rester à
leur poste en Turquie en vue de sauver quelques oeuvres françaises, sachant
bien qu’ils auraient à souffrir des Turcs. De fait, selon leurs prévisions,
ils endurèrent toutes sortes d’ennuis de la part des autorités. Dès le
début du conflit, les missionnaires s’écrivaient entre eux et envoyaient
des lettres à leur Supérieur provincial, le P. Félicien Vandenkoornhuyse
réfugié au collège de Philippopoli, la Bulgarie étant alors neutre. Les
Allemands avaient donné aux Turcs, leurs alliés, l’ordre d’ennuyer les
étrangers demeurés sur le sol ottoman et ceux-ci, maîtres dans l’art de
tracasser, s’en
donnèrent à cœur joie. Presque tous les Pères
Assomptionnistes et d’autres membres d’autres Congrégations furent arrêtés
et incarcérés à tour de rôle pour avoir écrit ou reçu des lettres. Le
Français est de nature jovial, un peu moqueur, aussi les religieux se
permettent quelques petites plaisanteries inoffensives à l’adresse de
leurs ennemis dans leurs correspondances. Les Turcs fort soupçonneux y
voyaient de l’espionnage et des complots. D’origine arménienne, j’étais du
nombre».

Religieux arménien de la Province de Lyon, de nationalité turque (1).

Une vocation orientale.

Jacques (2) Ignadossian (3) est né le 6 janvier 1877 à Kutahiah, en Arménie (Turquie). Il est élevé à l’alumnat de Phanaraki (Turquie) de 1888 à 1891, puis à celui de Karagatch, près d’Andrinople (1891- 1895) et enfin à celui de Kadi-Keuï (1895-1896) où il termine ses humanités. Il entre le 21 novembre 1896 au noviciat de Phanaraki et garde son prénom de baptême. Le P. Félicien Vandenkoornhuyse décrit le parcours de ce novice un peu inhabituel: «Le Frère Jacques est du rite arménien, mais il a, de son patriarche, Mgr Azarian, la permission écrite de passer au rite latin. Il est ajourné d’une année pour ses premiers vœux, en vue de se corriger de ses défauts. Sa santé est délicate, son intelligence encore médiocre, sa vertu n’a rien qui sorte de l’ordinaire. Il est très régulier, il ne perd pas son temps, il est surnaturel dans ses sentiments. On peut lui reprocher d’avoir un souci excessif de sa santé et la petite manie d’amasser toutes sortes d’objets ». Admis à la première profession, le 6 septembre 1898, et à la profession perpétuelle, le 10 septembre 1899, le Frère Jacques accomplit toutes ses études ecclésiastiques à Notre-Dame de France à Jérusalem (1900-1904). Il est ordonné prêtre à Constantinople le 17 juin 1905. Par la suite il obtient de Mgr Doumani, archevêque grec melchite de Tripoli en Syrie le titre d’administrateur honoraire du diocèse de Tripoli (Syrie) et les insignes accordés au titre de Monseigneur: le droit de porter la croix pectorale et l’anneau.

Le service de la mission d’Orient.

Pendant 8 ans, il enseigne à l’alumnat de Koum- Kapou (1904-1912), puis à la section arménienne de l’alumnat de Phanaraki (1912-1914).

En février 1915, il lui est demandé de se rendre à Eski-Chéir, puis en avril à Konia où il est emprisonné (avril-décembre 1915) et surveillé jusqu’à la fin de la guerre (1919). Il écrit un récit autobiographique de cette période noire, intitulé ‘Mes prisons’, à la façon du célèbre écrivain patriote italien, Silvio Pellico (1832). Jusqu’à la fin de la guerre, le P. Jacques demeure à Konia, sauvant ce qui peut l’être de la mission souvent pillée. En 1919, il retourne à Koum-Kapou, puis enseigne au collège Saint-Michel à Varna (Bulgarie) de 1924 à 1932 et termine sa carrière d’enseignant au collège de Philippopoli (1932-1937). C’est alors qu’il est nommé à la communauté de Lorgues (Var) où son transfert est décidé en raison de son état de santé. Le Père Jacques est le frère d’une religieuse Oblate (4). Il se montre dans toutes ses tâches plein de piété et de charité, un peu lent dans l’action, mais d’une fidélité religieuse exemplaire et très attaché à la vie communautaire. Il meurt à Lorgues le 2 janvier 1954. Il y est inhumé.

(1) Dans la Turquie du XIXème siècle, une chose est la citoyenneté, une autre la nationalité ou le groupe ethnique d’où l’on provient. (2) Ce prénom est très en honneur chez les Arméniens. Fêté au calendrier latin le 3 mai, saint Jacques le Mineur ou le juste, cousin du Christ, appartient au groupe des Douze. Premier évêque de Jérusalem, il est l’auteur d’une des lettres du Nouveau Testament. Suivant la tradition, il subit le martyre à Jérusalem, étant précipité du pinacle du Temple, puis lapidé à mort. Il est représenté avec une masse de foulon ou avec un livre. L’Eglise arménienne grégorienne au XIXème siècle, du nom de St Grégoire l’Illuminateur, est dirigée par un Catholicos qui réside au monastère d’Etchmiatzine (Arménie russe) et 4 patriarcats: Constantinople, en grande Arménie à Agah Aghatamar, à Sis en Cilicie et à Jérusalem. Il existent deux autres communautés arméniennes, l’une protestante et l’autre catholique, cette dernière depuis 1740 ayant à sa tête un Patriarche ou Catholicos de Cilicie, résidant à Beyrouth (Liban). (3) On ne s’étonnera pas de trouver des transcriptions variées de ce nom arménien: lknadocian, Iknadosian, lknadiocian, Ignadocian, lgnadossian… (4) Sœur Marie-Sophie Ignadossian, née Ermone (1874-1942). Sa biographie est écrite dans Pages d’oblation, Mémorial et Souvenirs, t. III, 1940-1945, Paris, 1964, p. 75-80.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1955, p. 105. La revue des Missions des Augustins de l’Assomption, 19-14, n° 218, a publié un récit de conversion dû au P. Jacques Ignadossian, pages 89-90. Mes prisons, cahier manuscrit de 49 pages écrit en 1928. Dans les ACR, du P. Jacques Ignadossian, trois correspondances (1904-1920).