Jean-Claude MUHUNGU MAMBAYI – 1965-1993

Au-revoir.
« Papa, je n’ai pas beaucoup à vous écrire. Ici je suis sur le lit de
l’hôpital, sérieusement malade. Je ne sais pas ce qui s’en suivra, mais
tout cela, nous le laissons entre les mains de Dieu. Ne vous inquiétez pas,
mais priez pour moi et pour mon âme. J’ai sérieusement mal à l’estomac et
au cœur. Aujourd’hui le docteur m’a consulté et m’a dit que le foie et
l’estomac sont attaqués. Il ne sait pas ce qu’il doit faire, mais il va
tout de même essayer de faire quelque chose. Le 12 février je dois passer
aux
examens radiographiques. Je ne peux ni dormir ni manger. Dans le ventre,
c’est comme si quelqu’un te coupe les intestins avec un couteau. Si la
guérison n’est pas là, je peux regagner la famille. Ici le docteur m’a
donné un régime: pas d’alcool, ni
sucre, ni poivre, ni aliments huileux, la liste est trop longue. Ici les
soldats ont beaucoup pillé la population. La nuit, si tu es arrêté, ils te
tuent. Les maisons sont brûlées, à tel point que les gens fuient le milieu.
La situation à Sutembo est
troublée. Je ne peux plus continuer parce que j’ai sérieusement mal.
Bonjour à toute la famille et si on doit se séparer sans se revoir,
n’oubliez pas le Seigneur Dieu. Vivez
dans la charité. Que personne ne soucie de moi».

Religieux de la Province du Zaïre, profès in articulo mortis.

Une trajectoire volée.

Jean-Claude Abel Muhungu Mambayi est né à Lutshima au Zaïre, le 20 août 1965. Il est baptisé le 29 mars 1969 à la paroisse de Gungu. De 1981 à 1987, il suit sa scolarité à l’Institut Umony An’Etu et obtient un diplôme d’état en pédagogie. Il exerce quelque temps la profession d’enseignant à l’Institut Kibabu dans la capitale du pays, Kinshasa. En contact avec la Congrégation de l’Assomption depuis 1990, il fait une année de postulat à la communauté de Kitatumba à Butembo (1991-1992) et commence son noviciat le 16 août 1992, à la maison Charles Lwanga, sous la direction du P. Lucas Chuffart. Il est atteint d’un cancer du foie, déjà fort avancé. Il est opéré à. Kyondo le 20 janvier 1993 par le docteur Dorine Moli. Ses forces déclinant rapidement, il demande de pouvoir anticiper sa profession religieuse, car il est conscient de la gravité de son état de santé. Il vit avec une grande foi cette terrible épreuve et les souffrances qu’entraîne un mal inexorable. La communauté du noviciat l’entoure et l’accompagne avec une grande délicatesse. Il se montre heureux d’être au noviciat, dans le lieu qu’il a choisi au milieu de ses frères religieux. Sa famille de Kinshasa, avertie de son état, ne peut se déplacer jusque dans l’extrémité Est du pays. Le Frère Jean-Claude Abel demande et obtient de pouvoir prononcer ses vœux de religieux le 12 février 1993. Il meurt le 18 février suivant, à 28 ans, à la maison Charles Lwanga, vers 15 heures 15, dans les bras de Sœur Valentine qui le veille jusqu’au bout. Elle dira: « C’est un vol. Dieu m’a volé mon enfant ». Mais un religieux -de lui répondre: « Abel a ravi et sa profession et le ciel». Il est inhumé le lendemain à Butembo, le 19 février.

Voici quelques notes qui ont été recueillies en forme de témoignage sur le Frère Jean Claude Abel: « Connu pendant deux ans de la communauté d’Alzon à LASUMA (Kinshasa), Jean- Claude Abel est envoyé avec un compagnon en août 1991, vers Butembo, autant dire l’inconnu. Il a travaillé déjà plusieurs années dans des écoles privées où son sérieux lui a mérité l’estime de tous. Responsable avec des Sœurs de la Foi d’un groupe vocationnel, il y exerce une bonne influence sur les plus je unes. Des lettres de ces religieuses l’attestent encore après sa mort. Mais Jean-Claude Abel souffre souvent, sinon habituellement, de l’estomac, selon lui. Postulant à Kitatumba, tout en enseignant à l’Institut Kambali,, il fait plusieurs dispensaires. Dans son journal fort bien tenu et même calligraphié, il note au 10 décembre 1991 qu’il a passé une nuit blanche, tant les douleurs abdominales du côté droit ont été vives. Au noviciat, pour la méditation, il a choisi un siège de pygmée au fond de la chapelle où, tout recroquevillé, il comprime son mal. Après son opération, il relèvera ainsi habituellement ses genoux dans son lit. En janvier 1993, Jean-Claude Abel passe à l’hôpital de Matanda, puis au dispensaire Manamahika chez Sœur Gaby, mais en vain. Seul Kyondo, par des radiographies, constate qu’il s’agit d’une maladie au foie. Il devra attendre huit jours avant d’y retourner. Cependant déjà les nuits sont très pénibles et il manque d’appétit. On lui propose de recevoir le sacrement des malades. Jean-Claude Abel comprend vite la gravité de son mal et s’en remet au Seigneur. Son courage édifie le personnel soignant et les visiteurs très nombreux, soit à l’hôpital, soit au noviciat. Le Provincial, le P. Giuliano Riccadonna, parle longuement avec le malade et lui propose, vu son état, de faire sa profession s’il le désire. Jean-Claude Abel s’en réjouit, mais il confie son problème à un religieux. Comment faire profession sans retraite? Quel est le jugement de la communauté ? Peut-il inviter quelques amis pour remplacer sa famille? Il est finalement bien entouré pour la cérémonie. Que retenir du caractère de Jean-Claude Abel? C’est un homme qui parle peu, mais un compagnon d’humeur toujours égale avec qui il fait bon vivre. Il est sensible à l’accueil fraternel, franc et donné en communauté. Pendant sa maladie il montre un courage extraordinaire et un sens surnaturel élevé, souffrant avec le Christ. Malade délicat et docile, il laisse un journal intime qui témoigne de son sens aigu de l’observation et de l’analyse des hommes comme des situations. Le Frère Jean Claude Abel a peut-être réalisé une courte expérience de la vie religieuse, mais à travers son chemin de croix, il a montré qu’il en avait l’étoffe et qu’il en a saisi l’essentiel.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (V) 1991-1993, p.88-89. ART Zaïre, mai 1993, n° 26. Marc Champion, Province du Zaïre: religieux défunts 1929-1994, Butembo, 1994, p. 86-88. Lettre du Frère J.C. Abel Muhungu M. à son père, hôpital de Kyondo, 8 janvier 1993. Dans les ACR, lettre du Frère J.C. Abel Muhungu au P. Claude maréchal, Butembo, 8 février 1993.