Jean de Matha (Camille-Jules) THOMAS – 1894-1976

Hommage.
« Je dirai seulement que si parfois le retour d’un prêtre dans la paroisse
où il a exercé son ministère peut devenir pour son successeur une gêne ou
un handicap, pour des raisons de faiblesse humaine bien compréhensible, la
présence du Père Jean de Matha dans sa bonne paroisse de Lorgues me fut une
joie et une grâce. Je suis sûr que le bon Père Pétex, qui lui a
immédiatement succédé comme curé de Lorgues, eût dit la même chose à ma
place. Oui, une grâce, car le P. Jean de Matha m’a donné son amitié, il m’a
maintes fois fait bénéficier
de son expérience pastorale, il m’a honoré de sa confiance, discrètement
mais indubitablement manifestée, et discrètement aussi, mais avec
indulgence et sympathie, il suivait les quelques pauvres efforts tentés
pour sauver et, si possible, valoriser l’héritage transmis par lui au Père
Pétex
d’abord, puis à moi-même et aux Pères qui m’entourent. Que pouvais-je
désirer de plus de la part de celui auquel j’avais le périlleux honneur de
succéder à la suite du Père Pétex? Je pouvais désirer l’appui de sa prière
pour vous tous et moi- même. Je puis vous assurer que nous avions cet
appui, jusque dans les toutes dernières heures de sa vie … ».

Religieux de la Province de Lyon. Une vie bien remplie. Belgrade, Lorgues, Moscou. Camille Thomas est né le 3 mai 1894 à Equevilley en Haute- Saône, dernier enfant d’une nombreuse famille de cultivateurs. Il est déjà oncle quand il voit le jour! Après un an de service militaire et 4 ans de guerre, il fait connaissance avec l’Assomption. il entre en 1919 à la maison des vocations tardives de Sart-les-Moines en Belgique et complète ses études secondaires aux Essarts (Seine-Maritime), de 1921 à 1922. Novice à Saint-Gérard où il prend l’habit le 31 octobre 1922 et où il fait profession le ler novembre 1923, sous le nom de Frère Jean de Matha, il commence ses études de philosophie à Taintegnies (1923-1924) pour les terminer à Saint-Gérard (1924-1925). Il fait ses études de théologie à Louvain (1925- 1929) où il est reçu à la profession perpétuelle le ler novembre 1926 et où il est ordonné prêtre le 9 juin 1929. Il est aussitôt envoyé à Belgrade (Yougoslavie) pour y seconder le P. Privat Bélard, curé de la paroisse de Notre-Dame de l’Assomption alors en pleine expansion. Le Père Jean de Matha se livre à un apostolat tous azimuts:on fait appel à lui pour de multiples besognes: sacristie, économat, infirmerie, fabrication d’un vin maison, cours de français à des enfants de familles serbes et de diplomates. La maison se dilate pour accueillir un petit groupe d’alumnistes à former. Il gère également un bureau paroissial qui sert en fait de service officiel pour l’état civil où il fait merveille grâce à ses aptitudes naturelles de secrétaire minutieux. On lui confie en plus la responsabilité de la paroisse de Bor, dans une région à l’écart, confinant au Danube, proche de la Bulgarie et de la Roumanie. On n’y accède qu’au prix d’une véritable expédition après une nuit de voyage, suivie d’un dernier trajet en tortillard, celui qui véhicule les lingots de cuivre de cette cité minière où vit une colonie de familles françaises et italiennes. Le Père Jean de Matha aime célébrer les cérémonies avec dignité et solennité, vêtu de riches ornements. A son retour dans la capitale, il est chargé de commissions auprès des services publics, des banques, des administrations et des commerces. En 1939, quand survient la guerre, il est mobilisé sur place et fait partie du 2ème bureau, ce qui lui vaut, lors de l’invasion allemande, d’être arrêté par la Gestapo et accusé d’espionnage. Emprisonné, il est transféré à Gratz, puis à Vienne en Autriche. Par l’intermédiaire d’un travailleur italien, il réussit à faire connaître sa situation au cardinal Pellegrinetti, ancien nonce à Belgrade. Il est libéré en juillet 1942 et assigné à résidence au couvent des Pères de Saint-François de Sales à Vienne. Il gagne ensuite la France et peut être nommé, une première fois, supérieur de la communauté de Lorgues (Var), en décembre 1942. Il assume avec courage ses nouvelles responsabilités. Page : 61/61 Son premier souci est d’assurer, en cette période de restrictions, le ravitaillement alimentaire et le chauffage. Pour éviter l’occupation des lieux par les Allemands, avec la connivence du docteur Basset, il fait apposer des pancartes ‘contagieux, tuberculeux’ qui ont un effet de dissuasion. Il réussit même à faire déclarer intransportable un religieux de nationalité anglaise que les Allemands veulent faire prisonnier. A la Libération, Lorgues est bombardée, mais la maison des religieux est épargnée. C’est lui qui a l’idée, en reconnaissance, de faire ériger dans la propriété une grotte de Lourdes. En avril 1947, après le voyage à Moscou du général de Gaulle, le P. Jean de Matha est nommé curé de l’église moscovite de Saint-Louis des Français avec le tire d’administrateur apostolique en Russie, en remplacement de Mgr Pie Neveu, revenu en France en 1936 pour raison de santé et empêché ensuite de reprendre son poste, les autorités soviétiques ne lui accordant un visa de retour qu’après sa mort, survenue le 17 octobre 1946! L’entrée en Russie du P. Jean a été négociée par les instances diplomatiques en échange de 3 popes désirant venir en France. Nul doute que son passé d’ancien prisonnier de la Gestapo a plaidé en sa faveur. A Moscou, le Père mène un apostolat actif, auprès des familles de diplomates, de la communauté catholique composée en majorité de polonais, de lituaniens, de lettons et d’ukrainiens. Tous ses faits et gestes sont surveillés, l’église se trouvant en face de la sinistre prison Lioubianska. A la messe, parmi les fidèles, se glisse toujours une dizaine de policiers, aussi prend-il soin de rédiger tous ses sermons. Madame Ott et sa fille, dévouées gardiennes des lieux, disparaissent en septembre 1947, comme 9 autres paroissiens. Le P. Jean a même l’occasion une fois de saluer le patriarche Alexis dans un malentendu cocasse. En juillet 1949, un prêtre letton, sans doute mandaté par les autorités soviétiques, cherche à l’évincer des lieux. En janvier 1950, son permis de séjour expirant, il attend 8 mois son renouvellement et Gromyko fait apposer un visa de sortie dans les 48 heures! Un délai de 8 jours est accordé grâce à l’intervention de M. Chataigneau, ambassadeur de France et protecteur du Père. Le 25 août 1950, le P. Jean célèbre une dernière messe à Saint-Louis, laissant sur place le P. Louis-Robert Brassard, religieux américain, seulement habilité pour les services d’aumônerie de la colonie américaine. L’expulsé de l’U.R.S.S. est accueilli au Bourget par une nuée de journalistes et de photographes. Après quelques mois consacrés à des voyages et à des rendements de compte de sa mission (Rome, Belgique, Espagne, Portugal), le P. Jean de Matha est nommé curé-doyen de Lorgues (Var) où il est intronisé par Mgr Gaudel, le 5 août 1951. Le presbytère est toujours occupé par l’ancien curé, l’abbé Salomon, curé âgé, malade et infirme qui ne libère les lieux qu’en 1953, après l’accident survenu à sa vieille servante Césarine. C’est en 1953 également que le P. Jean est en plus nommé supérieur de la communauté de Lorgues, en remplacement du P. Privat Bélard. Il continue de résider à la communauté, réservant le presbytère aux oeuvres paroissiales. Curé très aimé, affable et dévoué, le P. Jean cède ses fonctions en 1962 au P. Girard Pellegrin, nouveau supérieur, et au P. Jean-Marie Pétex, nouveau curé. il prend en charge la Procure de Marseille (Bouches-du-Rhône). Il regagne Lorgues en septembre 1968 où il meurt le 7 novembre 1976. Page : 62/62

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (I) 1975-1980, p. 36-37. L’Assomption et ses (Euvres, 1977, no 591, p. 10-13. Hommage au P. Jean de Matha Thomas par le P. Rémi Munsch dans Dimanche (Lorgues), 21 novembre 1976, p. 2. Lyon-Assomption, avril 1977, no 54, p. 19-26. Témoignage sur le P. Jean de Matha Thomas par le P. Cyrille Parratte. Du P. Jean de Matha Thomas, dans les ACR, rapports sur Lorgues (1942-1946; 1956-1961), sur Marseille (1962-1963), correspondances (1932-1962).