Vers 17 heures on pouvait voir le Père Jean François rentrer de sa promenade journalière dans le parc. Il avait rendu visite à la Vierge à la grotte et salué la Croix des Bretons. Il s’en revenait, appuyé sur sa canne, encore vaillant, le chapelet à la main. Il l’égrène tout au long du chemin, salue quelques promeneurs comme lui. C’est l’homme du chapelet. Il a d’ailleurs participé au chapelet de Lourdes, en fin d’après-midi, essayant d’entraîner avec lui l’un ou l’autre religieux ou l’écoutant dans sa chambre, porte ouverte, à voix assez forte, comme pour le laisser diffuser dans le couloir. C’était sa dévotion à Marie, son souci de prier pour les vocations par fidélité aux traditions de l’Assomption. Jean François était homme de prière.
D’ailleurs une prière qu’il a laissée déroule les différentes étapes de sa vie que je rappelle tout simplement.
« Je rends grâce à Dieu d’être né dans une famille très chrétienne. Je suis né à Mazac, commune de Saint Privat des Vieux, dans la banlieue d’Alès, dans le Gard, le 7 août 1928. Mes parents étaient des gens simples qui nous ont appris à nous aimer. Je suis le 5ème des douze enfants dont trois sont devenus Religieux Assomptionnistes : David décédé ici même le 24 juin 2015, Maurice missionnaire à Madagascar décédé à Tananarive le 18 février 2018. Tous les trois nous devons toute notre formation à l’Assomption. »
Jean François est entré à l’alumnat de Chanac, petit séminaire assomptionniste, (Lozère) en 1939. Il poursuit ses études à l’alumnat de Vérargues (Hérault) ; prend l’habit assomptionniste aux Essarts (Eure), fait sa première profession le 8 décembre 1946, sa profession perpétuelle à Lormoy (Essonne) le 25 décembre 1950. Il est ordonné prêtre le 23 mars 1952 à Lormoy aussi.
En septembre de la même année il est nommé à Chanac où il exerce successivement les charges de professeur de lettres, – il a parmi nous un ancien élève, le P. Michel Carrière – de recruteur et d’économe et, en 1962, de supérieur de l’alumnat.
Il est appelé à Paris à la communauté de Denfert Rochereau où il sera supérieur de 1964 à 1973. En même temps, il est nommé procureur de la Province, charge qu’il exercera pendant 37 ans. Procureur, il développe cette œuvre, la modernise, réalise l’unification des diverses Procures de l’Assomption en France, soutient les œuvres et les missions de l’Assomption, notamment Madagascar. Un travail rude, confiait – il, mais « je rends grâce à Dieu qui m’ a permis de contacter des milliers de bienfaiteurs et de bienfaitrices : c’était un peu « ma paroisse ». Il aimait rappeler qu’il n’était pas un seul bienfaiteur qui lui ait écrit qui n’ait reçu de réponse de sa part. Des milliers ! Le Père Général, Benoît, qui nous dit être de cœur avec nous à cette occasion du décès rappelle tout son travail et ajoute : « aujourd’hui, je voudrais dire merci pour le travail qu’il a accompli auprès des bienfaiteurs et qui a permis à nos communautés de France, mais aussi de nombreux autres pays à bénéficier de la générosité de nos donateurs. » Il ajoute : «je remercie la famille Laurent de nous avoir donné David, Maurice et Jean-François. Des hommes aux caractères fort différents, mais des fervents religieux chacun à sa façon. »
Ce temps à la procure est une période riche et féconde de sa vie. Il rend encore grâce à Dieu qui lui a permis d’accompagner 18 fois des Pèlerins en Terre Sainte, d’animer 14 retraites de 8 jours auprès de nombreuses religieuses, en Europe et en Afrique. Fidèle à la Vierge de Lourdes, avec son frère Maurice, il édite un livret sur le Rosaire médité avec la Parole Révélée.
2001, Jean François est nommé à Vincennes, communauté d’aînés, puis à Lorgues, maison de repos en 2005. Il rejoint Layrac le 16 juillet 2007. Durant cette période, il se rend disponible pour le sacrement de la réconciliation pour lequel il avait un grand attachement. Il regrettait qu’il soit si délaissé dans l’Église d’aujourd’hui, car « Dieu, disait – il, n’est que « miséricorde », c’est cela qu’il faut prêcher aux chrétiens. Dieu n’est qu’Amour. Miséricorde.
Cet amour il le vivait aussi dans l’eucharistie. Il ne manquait jamais de célébrer la messe. S’il ne pouvait se joindre à la communauté, il trouvait un horaire, un lieu, fidèle à la Règle de Vie qui place l’eucharistie au centre de notre vie de prière. Samedi dernier, il venait me trouver et me demandait : « demain au moins (fête du Corps et du Sang du Christ) nous pourrions communier sous les deux espèces, au pain et au vin. « Il fut heureux de voir que j’y avais pensé.
Sa prière d’action de grâce s’achève par un vœu et un acte de foi : « Je demande pardon pour mes mauvais exemples. Merci pour votre prière. Je compte sur l’Amour Miséricordieux du Père, du Fils, du Saint Esprit. » (écrit de sa main, le 25 juin 2018.)
Père Noël Le Bousse, Layrac