Jean-Marie (Charles) LA FONTA – 1878-1927

Indult exceptiionnel.
« Les pieuses aspirations du F. Jean-Marie La Fonta viennent d’être
satisfaites. Malgré son infirmité qui mettait un
obstacle canoniquement insurmontable à ses ardents désirs d’être prêtre, il
est admis à prendre rang dans la cléricature et à monter à l’autel. Par un
rescrit qui est une nouveauté sans exemple,
le Saint-Siège lui permet d’être ordonné et de dire la messe basse dans un
oratoire privé, restriction qui s’explique aisément et qui du reste
n’exclut pas la possibilité d’obtenir davantage. L’examen de l’affaire a
duré environ
deux ans et a été soumis à plusieurs dicastères. C’est dire si elle a été
mûrement étudiée. La réponse revêt la forme d’une faveur particulière, mais
elle est en même temps une réponse de principes, car c’est le premier cas
de ce genre qui se présentait et la solution renverse la jurisprudence
ecc1ésiastique en usage jusqu’ici pour les situations de ce genre.
Toutefois, les cas analogues n’auraient pas nécessairement une solution
semblable, car, outre la question de droit qui ne sera plus un obstacle, il
y a les questions de fait qui sont sévèrement examinées. Les vicissitudes
et diverses phases de cette cause sont sous le secret et ne peuvent être
dévoilées… ».

Religieux de la Province de Bordeaux.

Un combat de vie.

Charles La Fonta naît à Bordeaux, le 1er mars 1878, dans un milieu aristocratique de la ville, le cinquième enfant d’une famille qui en comptera six. Les parents s’aperçoivent bien vite que Charles, comme son aîné, est totalement sourd. Sous la direction de précepteurs expérimentés, notamment de l’abbé Chalier, il peut suivre les cours de l’Institut des sourds-muets de Bordeaux, apprend à lire sur les lèvres et parvient à se faire comprendre. Il fait un apprentissage professionnel à l’Institut agricole de Beauvais (1899-1901). Pendant trois ans, il travaille comme stagiaire à l’Ile Nouvelle près de Blaye (Gironde), puis à l’Ile Saint-Louis, comme exploitant agricole. Il parvient à obtenir le baccalauréat ès-lettres. Sa s?ur Jeanne entre chez les Oblates de l’Assomption en 1899. L’année suivante, le père de famille, Lucien, meurt et Charles, à son tour, désire entrer dans la famille religieuse de l’Assomption. Il est accepté au noviciat de Louvain où il prend l’habit, le 11 septembre 1906, malgré son handicap. Sous le nom de Frère Jean-Marie, il prononce ses premiers v?ux le 11 septembre 1907 et, l’année suivante à la même date, ses v?ux perpétuels. Cependant un second désir le poursuit, devenir grâce au sacerdoce l’apôtre des sourds-muets. Il sait, comme ses supérieurs, que, humainement, d’insurmontables difficultés l’attendent. Cependant, confiant et persévérant, il est autorisé à se rendre à Rome pour y entreprendre des études de théologie (septembre 1908). Il se glisse au premier rang des auditeurs pour lire sur les lèvres des professeurs le contenu de leurs cours. Obligé pour des raisons de santé d’interrompre cette formation, il est envoyé à la maison de San Remo, en Ligurie, puis à Menton où, tout en rendant des services à la sacristie, il poursuit sa formation théologique.

De 1913 à 1914, il s’adonne à Paris à la correction des épreuves de l’Annuaire Pontifical que dirige, après Mgr Battandier, le P. Eutrope Chardavoine. Après la déclaration de la guerre, il est envoyé à la maison de Bordeaux où il continue à rendre le service de sacristain. D’avril 1915 à mars 1919, il revient à Paris, à la Bonne Presse, où lui est confiée la correction du Bolletino. Pendant toute cette période, il n’a jamais perdu espoir de pouvoir un jour être ordonné prêtre et il poursuit avec assiduité sa formation théologique. En mai 1916, il entre en contact avec le chanoine Rousselot, professeur de linguistique pour qui a été créée à La Sorbonne une chaire de phonétique. Ce prêtre le recommande à son ami, le cardinal Gasparri. Le Frère Jean-Marie se rend lui-même à Rome en avril 1919 pour entreprendre les démarches nécessaires à l’obtention d’une dispense canonique. Sa persévérance est récompensée lorsqu’il reçoit, datée du 12 novembre 1919, la faveur tant désirée, grâce à l’intervention du cardinal Andrieu, à la bienveillance de Mgr Minghini, Consuiteur de la Congrégation des Religieux et à une véritable chaîne d’amis dévoués et fervents. C’est dans la propriété familiale de Lagrange, près d’Izon (Gironde) qu’il se prépare à la grâce du sacerdoce. Entre juin 1920 et juin 1921, il gravit tous les échelons des ordres mineurs et majeurs. Enfin le 29 juin 1921, il est ordonné, à 43 ans, dans la cathédrale de Bordeaux par Mgr Andrieu. Le 14 mai 1922, il a la joie de célébrer l’Eucharistie en l’église parisienne de Saint-jacques-du-Haut-Pas pour commémorer le centenaire de l’abbé Sicard, le bienfaiteur des sourds-muets. Le P. Jean-Marie reçoit comme mission à Bordeaux d’être l’aumônier de l’Institut des sourds-muets, rue de Marseille. Il s’y dévoue avec délicatesse, patience et compréhension. Il obtient de Rome les différents pouvoirs de confession et de célébration dans une chapelle publique. Mais en octobre 1926, il doit prendre du repos. Ses supérieurs l’envoient à la maison de Lorgues (Var). C’est là qu’il meurt le 20 février 1927. Les obsèques sont célébrées dans la chapelle, le mardi 22 février. Il est le premier à inaugurer le caveau de l’Assomption, au cimetière de Lorgues.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1927, n° 217, p. 49; n° 219, p. 67-68; n° 220, p. 73; n° 253, p. 337-342. L’Assomption, 1927, n° 312, p. 99-101. La Croix de Poussan, janvier 1932, n° 47, p.11-12. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. La Vicomtesse de Chaunac-Lanzac, soeur du P. Jean-Marie La Fonta, a publié en 1930 une biographie spirituelle sur son frère, 106 p., sous le titre Un miracle de la foi:Un sourd- .muet devenu prêtre. Du P. Jean-Marie La Fonta, dans les ACR, correspondances (1906-1922). Indult exceptionnel: Nouvelles de la Famille, n° 338, 15 janvier 1920.