Joseph Ract – 1911-2007

Le Père Joseph Ract est entré dans la paix de Dieu le jeudi 31 mai 2007.

Arrivé dans notre communauté, Maison de Retraite, en Juin 2000, venant de Turquie, la communauté de Kadikoy, sur la rive asiatique du Bosphore, où il était resté 36 ans, le P. Joseph Ract a vécu quelques années paisibles, sans problème particulier. Courant été 2004, des symptômes de la maladie d’Alzheimer apparurent, que confirma une rencontre chez le neurologue à Chambery, en septembre 2004. Assez rapidement, son caractère changea. Il devint plus silencieux, dormant beaucoup dans la journée. Il ne savait plus se servir correctement de son appareil auditif. La surdité dont il était atteint ne facilitait pas non plus la communication. Cela représenta sans aucun doute une vraie épreuve, lui qui avait une grande culture générale, qui lisait beaucoup et qui aimait parler. Ses jambes ne pouvant plus le porter régulièrement, on dut recourir parfois au fauteuil roulant.

En octobre 2005, il fut hospitalisé à la clinique Cleret, à Chambery et fut opéré d’une embolectomie. De retour en communauté, il reprit des forces durant quelques mois, mais la maladie continua de faire son travail. Il vécut ainsi, devenant de plus en plus dépendant, mais acceptant sans grand problème le rythme de vie d’un malade désorienté.

Le lundi 28 mai on dut l’hospitaliser à Albertville pour une embolie pulmonaire. Et c’est à l’hôpital qu’il s’est éteint par un arrêt cardiaque brutal, le 31 mai. Il était dans sa 96ème année.

En communauté le Père Joseph a été très entouré par le personnel de la maison qui ne lui ménageait pas des marques d’affection. Que tous soient profondément remerciés, au nom de la communauté.

Il avait eu la joie, le 8 mai dernier, de participer, au jubilé des 70 ans de prêtrise, entouré de plusieurs neveux et nièces.

Joseph Ract est né, le 10 septembre 1911, à Mercury (Savoie) d’une famille de huit enfants, 3 garçons et 5 filles. Il entre à l’Alumnat de St Sigismond, situé à 7 kilomètres de son village. Après ses études de grammaire, il fait ses études d’humanités à l’Alumnat de Miribel-les-Echelles (Isère), de 1921 à 1927. Il fait son noviciat à Scy-Chazelles (Moselle) et sa première profession, le l er novembre 1928.

Il fait ses études de philosophie à Saint Gérard (Belgique) puis sa théologie à Louvain d’abord et à Lormoy ensuite, de 1934 à 1937. Il est ordonné prêtre à Lormoy, le 21 février 1937, en même temps que son frère François, son aîné de 2 ans, qui faisait sa théologie à Rome.

Le P. Joseph Ract est affecté d’abord à l’Alumnat de Scherwiller (37-38), comme professeur, puis à Miribel-les-Echelles (38-39). Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier. Il restera en Allemagne durant toute la durée de la guerre, et il est libéré en mai 1945.

A son retour de captivité, il est envoyé à nouveau à Scherwiller comme professeur (45-46), puis à Miribel les Echelles (47-48). Il réside ensuite à la communauté de Lyon-Debrousse pour terminer sa licence en lettres classiques aux Facultés Catholiques de Lyon. (48-49)

En 1949, il est envoyé comme professeur au nouveau Collège qui vient d’être fondé, à Bugeaud, en Algérie. Le Collège s’établira ensuite à BONE et deviendra le Collège d’Alzon. Le P. Joseph Ract en deviendra le Supérieur de 51 à 57.

En juillet 1957, il est nommé Provincial de la Province de Lyon, jusqu’en Juillet 1963.

C’est sous son provincialat que la Province de Lyon fonda, en 1957, la mission de Côte d’Ivoire, en particulier le collège Notre Dame d’Afrique que l’on dut passer aux Frères Marianistes, dix ans après, faute de personnel, la baisse de recrutement commençant à se faire sentir.

L’internat saint Augustin, de Mayen, date aussi de cette époque, mais c’est le Père Bruno Linder, son prédécesseur, qui avait engagé la Province dans ces directions qui n’ont pas donné les fruits que l’on attendait.

Le Bulletin « Rhin-Guinée » a relaté en son temps les grands événements qui reflétaient la vitalité de la Province de Lyon.

Au terme de son mandat, après avoir passé quelques mois dans la Communauté de Cannero (Italie), il rejoint la Turquie, la Communauté de Kadikoy. Il y restera 36 ans, de juillet 1964 à juin 2000, y remplissant de nombreuses fonctions, entre autres celle de Supérieur de la Communauté à laquelle est jointe le groupe d’Ankara, de 71 à 80 et puis d’économe, de 84 à 89.

Dès son arrivée, il est nommé Curé de l’Eglise de Notre Dam; de l’Assomption. Il le restera jusqu’en 1990.

Il se trouve dans un pays à 99% musulman, en face de l’Eglise du Phanar, et en lien avec de nombreuses autres Eglises chrétiennes orthodoxes ou catholiques, en particulier l’Eglise syriaque.

C’est là sans doute que le P. Joseph donne toute sa mesure de prêtre et d’Assomptionniste, profondément attaché à la Mission d’Orient, malgré les difficultés qu’il a eues pour apprendre la langue turque.

La Turquie a été et demeure un creuset pour le travail œcuménique et le dialogue interreligieux.

Sa charge pastorale lui donna des soucis très variés : accueil, visites, rencontres, représentations diverses, aumônerie de la Communauté des Frères des Ecoles chrétiennes qui ont un collège dans le quartier.

Il consacra toute son énergie à renouveler la vie de la communauté chrétienne locale et à faire naître une nouvelle espérance à une communauté qui diminue en nombre et qui vieillit.

Il engagea toutes ses forces dans la restauration de l’église elle-même et du couvent qui abritait les religieux assomptionnistes et les Sueurs Oblates de l’Assomption. Il fit tout son possible pour mener à bien nombre de procès en vue de garder le droit de propriété des biens appartenant à l’Eglise. Que de tracas il dût porter, sans pouvoir dire que ses efforts furent toujours récompensés.

Il collabora d’une façon régulière à la Revue «Présence» qu’il avait créée lui­-même.

Ses articles sur l’histoire de l’Eglise et des Institutions chrétiennes d’Istanbul, fruit de ses nombreuses recherches, étaient appréciés par bien des personnes compétentes. Depuis, ses articles ont été rassemblés et édités sous le titre de « Lieux chrétiens d’Istanbul » avec introduction de Monseigneur Louis Armel Pelâtre, vicaire apostolique d’Istanbul.

Il convient de noter également cette initiative sur le plan œcuménique. Il accorda l’hospitalité à l’Eglise Syriaque. Un important groupe de ces chrétiens non catholiques n’ayant ni église, ni chapelle pour leur culte, s’adressa un jour au P. J. Ract, curé de la paroisse, pour demander s’il ne serait pas possible de célébrer leurs offices dans l’Eglise latine. Après en avoir référé à qui de droit, le P. Ract donna une réponse favorable. Depuis lors, les chrétiens Syriaques célèbrent leurs messes dominicales, les baptêmes et les mariages, dans l’Eglise Notre Dame de l’Assomption de Kadikoy, ne cessant de dire leur gratitude et leur joie au Responsable de la paroisse.

On ne s’étonnera pas que le P. Joseph Ract, après toutes ces années de présence et d’activités en Turquie méritât la Croix de Chevalier de la Légion d’honneur. en 1982. Il en était fier et il aimait l’arborer sur sa veste, bien simplement.

Un dernier mot qui ne manque pas d’humour. Le jour de son départ de Turquie, qui fut fêté, comme il se doit, le Père Ract prit la parole au terme de la messe du dimanche. Il prononça tout son discours en langue turque et il fit cette réflexion, avec une pointe de regret : « maintenant que je connais le turc, on me demande de quitter la Turquie ». Il avait tout de même 89 ans, un âge respectable et suffisant pour rejoindre une maison de retraite, qui se trouve non loin de son village natal, ce qui lui permit de revoir, de temps en temps, l’un ou l’autre parent. Il n’en a pas abusé.

Aujourd’hui, il laisse le souvenir d’un homme actif, énergique, travailleur acharné, entreprenant et dévoué, mais aussi autoritaire et parfois dur comme Supérieur Provincial. Son long séjour en Turquie lui avait permis de s’adoucir. Il était estimé et apprécié de tous ceux à qui il s’était donné jusqu’à la fin, après une vie bien remplie.

Que le Seigneur lui accorde son pardon et qu’il l’accueille dans la joie de son Royaume après tant d’années de fidélité au service de la Congrégation et de l’Eglise.

P. Joseph Mermoz, a.a.


Bibliographies