Jovite (J.-Pierre-Henry) MORERE – 1869-1954

Rengo, 1931.
« Le P. Zénobe [Goffart] m’écrit que vous avez eu la bonté de m’accorder un
voyage en France. Je m’empresse de vous remercier de cette faveur en
attendant de le faire de vive voix en
France. Le départ est fixé au
15 avril, via Buenos Aires- Marseille. A Rengo, peu de nouvelles
saillantes. Après la messe dans une communauté religieuse, on tombe à
l’officine pour délivrer des certificats de naissance, de mariage, des
permis d’inhumer. Puis, pour prendre l’air, s’offre une confession de
malade à deux ou trois heures à cheval, parfois plus parfois moins. C’est
une petite distraction. Et le lendemain, pour varier, ça recommence.
Mendoza paraît ressusciter, au point de vue de l’alumnat. Le P. Alfred [?]
est rentré de France, plus guilleret que jamais. L’air d’Alsace et de
Tunisie lui a insufflé une nouvelle ardeur. Il a pris en mains les rênes du
char de l’alumnat, et de quelle main vigoureuse! P. Patrice [Pradel] l’a
rejoint en grande vitesse.
L’air et la solitude de Mendoza conviennent à sa santé. Il sera d’ailleurs
le bras droit du P. Alfred. Sa longue expérience de l’enseignement dans les
alumnats le désignait à ce
poste de confiance. Sans négliger les classes, P. Patrice s’adonne à la
culture des choux».

Religieux de la Province de Bordeaux.

D’Orient en Amérique du Sud.

Jovite-Pierre-Henry Morère est né à Tuzaguet, le 15 février 1869, au diocèse de Tarbes. Il fait ses études de grammaire à l’alumnat d’Arras (Pas-de-Calais), de 1883 à 1886; il passe ensuite à Clairmarais (Pas- de-Calais) pour ses humanités de 1886 à 1888. Le 8 septembre 1888, il prend l’habit religieux à Livry (Seine-Saint-Denis) sous le nom de Frère Jovite, et, l’année suivante, à la même date, il prononce ses premiers vœux annuels. Il fait sa profession perpétuelle à Jérusalem, le 28 décembre 1890. Après deux ans dans la Ville Sainte où il étudie la philosophie, il reçoit les Ordres mineurs jusqu’au sous-diaconat le 8 septembre 1892. Il est envoyé à Phanaraki (Turquie) pour suivre les cours de théologie. Le 28 octobre 1894, il est ordonné diacre et le 18 août 1895 il reçoit la consécration sacerdotale à Kadi-Keui. De 1895 à 1897, il exerce les fonctions d’économe au collège de Plovdiv (Bulgarie) et, de 1897 à 1907, dans la maison de Kadi-Keui. Le P. Emmanuel Bailly lui envoie alors son obédience pour le Chili. Des rives du Bosphore, il passe aux rives du Pacifique.

Organisateur des exercices.

Il arrive à Santiago et le P. Joseph Maubon lui donne son obédience pour Mendoza, berceau de la mission assomptionniste au Chili. Le lieu est une vaste maison coloniale avec une chapelle qui date de 1780, entourée de 30 hectares de terres fécondes, bien arrosées et en pleine production. Tout en s’initiant à l’espagnol, en desservant les chapelleries voisines, le P. Jovite devient agriculteur. Bon cavalier, il a un cheval fringant, bien harnaché pour parcourir son domaine et veiller au travail des ouvriers. Depuis 1904, existe l’œuvre des retraites fermées à Mendoza. Le P. Jovite se consacre à cet apostolat,

en cherchant à réaliser les meilleures conditions matérielles pour leur expansion et leur bon fonctionnement. Il bâtit réfectoire, dortoir, salle d’exercice de 400 places. Ces exercices ou corridas ont lieu l’hiver, trois fois par an, et sont réservés aux travailleurs du campo qui viennent de toute la région s’enfermer pendant huit jours afin de se renouveler dans leur pratique de vie chrétienne. Le P. Gabriel Roques seconde le P. Jovite. On enseigne le catéchisme, on rappelle les grandes vérités de la foi, on se stimule à la ferveur. Chaque année une grande mission réunit dans le patio de la grande maison coloniale entre 2000 et 3000 personnes. Le P. Jovite maintient son activité pendant près de vingt ans (1907-1917). Bon organisateur, le P. Jovite a le souci du détail, il veille au nettoyage, à l’entretien et à la sécurité. Il défend aussi le domaine, à main armée, contre les voleurs qui viennent de nuit dépouiller les arbres de leurs fruits. En 1917, le P. Joseph Maubon confie au soin du P. Patrice Pradel la restauration d’un alumnat à Mendoza, mais l’alliage des deux caractères n’est pas très heureux. Le P. Jovite quitte Mendoza pour Rengo. Il revient à Mendoza de 1923 à 1927, après la malheureuse fermeture du second alumnat. En 1929, le troisième alumnat se transporte à Santiago, le P. Jovite passe définitivement à la paroisse de Rengo où il reste jusqu’à sa mort. Il dessert la chapelle du collège des Sœurs du Cœur de Marie et assure l’administration du cimetière paroissial. Son caractère organisateur trouve de quoi s’exercer dans le champ des morts. Il agrandit, achète des terrains, dresse des plans de ‘nichos’, construit, trace des allées, plante des arbres. C’est lui qui donne le permis d’inhumer, indique les nichos, fait payer les droits et respecter les contrats. De santé robuste, il atteint l’âge de 84 ans. En décembre 1953, il contracte une congestion pulmonaire, mais surtout il souffre de crises d’urémie. Il meurt le 14 janvier 1954. De tempérament dur, le Père Jovite manifestait peu ses sentiments. Econome de nature, il remet avant de mourir à son supérieur une somme de 4.000 pesos qui lui avait été donnée par un parent pour se faire soigner les dents. Il n’a jamais consenti à cette dépense. Son âpreté personnelle a pu faire souffrir les membres de sa communauté.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1955, p. 105-106. Lettre à la Famille 1954, n° 163, p. 10 et n° 164, p. 17-19. Lettre du P. Jovite Morère au P. Ger-vais Quenard, Rengo, 28 février 1931.