Justin (Emmanuel-Justin) GRELET – 1851-1927

Un supérieur en cause.
« J’ai repassé ce matin toutes mes notes de noviciat. J’en ai éprouvé un
peu de paix. J’ai prié et je prie. Je sens que je suis incapable et
l’orgueil me persuade du contraire. Je n’ai qu’un défaut d’où découlent
tous les autres, mais bien grand, l’insouciance. C’est le fond de mon
caractère. Je vis au jour le jour, sans but précis et en dépit de réelles
et sincères résolutions souvent renouvelées. Dieu veut la prospérité de
l’alumnat puisqu’il m’arrête dans la voie où peut-être j’allais glisser
d’insouciance à tous égards et pour moi et pour mes frères. Vous dire que
tout allait mal, ce serait exagération, tout très bien, un mensonge. Je
manque d’esprit de suite et d’organisation. Il ne sera sans doute pas
difficile à qui
viendra me remplacer de faire mieux. Les ennuis qui accompagnent
nécessairement une véritable fondation voulaient un caractère mieux trempé
que le mien. Au matériel comme au spirituel, tout est un peu en désordre, à
l’abandon. Les éléments sont cependant fort bons, mais à quoi bon un
instrument excellent si l’ouvrier est mauvais… ».
P. Justin au P. Picard, Roussas, 5 novembre 1887.

Justin (Emmanuel-Justin) GRELET

1851-1927

Religieux de la Province de Paris.

Dans les mouvements des fondations.

Né le 12 avril 1851 à Arlay (Jura), Emmanuel-Justin est scolarisé à Chatou, localité de Seine-et-Oise, aujourd’hui dans les Hauts-de-Seine, où ses parents ont migré. Il est élève-séminariste chez les Clercs de Saint-Sulpice à Auteuil, puis à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), de 1863 à 1872. Il étudie la philosophie au séminaire de Saint-Sulpice, à Issy (1872-1873). C’est alors qu’il fait la connaissance du P. Picard et qu’il demande à entrer à l’Assomption. Il prend l’habit à la rue François 1er, le 11 novembre 1875, sous le nom de Frère Justin. Il prononce ses premiers vœux à Paris, le 21 octobre 1876, en la fête de Saint-Thomas, et ses vœux perpétuels le 13 mars 1878 à Nîmes où il enseigne au collège de l’Assomption de 1877 à 1882. Il est ordonné prêtre le 15 juin 1878 par Mgr Besson à Nîmes. Ses résidences sont multiples et variées: en décembre 1880, il est l’un des quatre religieux gardiens du collège de l’Assomption que Mgr Besson accepte d’intégrer sous sa protection diocésaine. Puis le P. Justin devient supérieur d’alumnats: Alès (Gard) et Roussas (1883- 1885). Il revient à Paris, rue François 1er, de décembre 1883 à octobre 1866, passe deux ans à Clairmarais (Pas-de-Calais), de 1886 à 1888, est encore envoyé à l’alumnat d’Arras (Pas-de-Calais), de 1888 à 1889, avant de connaître Villecomtesse dans l’Yonne (1889-1893). Il connaît aussi la Mission d’Orient: Philippopoli (Bulgarie), de 1893 à 1895. Il revient alors à Nîmes, son plus long poste, de 1895 à 1927, totalisant ainsi 37 ans de sa vie dans le berceau de l’Assomption sur les 76 ans de son existence. En 1923, il est affecté à la Province de Paris. Décédé le 28 juillet 1927 à Conquières, près de Gignac dans l’Hérault où il assurait l’aumônerie de Petites Sœurs Dominicaines,

il est inhumé dans la tombe de l’Assomption, à Nîmes, aux côtés d’un autre vétéran de l’Assomption nîmoise, le P. Timothée Falgueyrette (1857-1919).

Portrait d’un vétéran de l’Assomption.

Après ses pérégrinations en Occident et en Orient, le P. Justin Grelet s’est fixé à Nîmes, là où il a connu le fondateur, le P. d’Alzon. Tour à tour professeur de diverses classes et préfet de discipline redouté et estimé, il a la réputation d’être partout et de tout voir. Sa rondeur physique lui vaut le surnom de ‘Boule’, auprès d’un âge dit sans pitié. On raconte qu’un jour, tandis qu’il se trouve chez un professeur, un élève passant sous la fenêtre du dit professeur, lui demande à mi-voix: « Boule, est-il là? ». Sans se découvrir, le P. Justin répond: « Oui, il est là », ce qui met le malheureux élève tout décontenancé en fuite pour longtemps. Jusqu’au bout, le P. Justin conserve son enseignement; mais à partir de 1925, il en est un peu déchargé, ne gardant que quelques heures d’histoire et de géographie. Il a l’esprit toujours prompt et le regard en éveil. Un élève un jour réussit à esquiver ce regard. Dans une composition surveillée, il détache une page de son atlas et la copie. Quand il découvre cet escamotage, le P. Justin en est si fort ébahi qu’il en devient morfondu et qu’il se sent vieillir au point de demander son congé de l’enseignement. Les Sœurs Dominicaines de Conquières (Hérault) l’entourent de soin comme un vieux grand-père. Toujours chargé de son sac préhistorique porté en bandoulière comme un facteur d’autrefois, il le remplit à sa manière, de façon fort hétéroclite, mais utile: livres et revues voisinent avec oignons, ails, boutures de plantes et même, horresco referens, de crottin de cheval, pour les pots de fleurs dont il veut améliorer la germination! Il meurt brusquement et sans bruit durant l’été 1927. Il semble même profiter du temps des vacances scolaires, époque où les professeurs s’éloignent pour d’autres activités, pour s’éteindre au milieu des religieuses qu’il dessert.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1927, n° 234, p. 185-186. L’Assomption et es Oeuvres 1927, n° 317, p. 179-180. Lettres d’Alzon t. XIII (1996), p. 450. Natice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Maison de l’Assomption, Nîmes, janvier 1934, n° 1, p. 28-29. Dans les ACR, du P. Justin Grelet, correspondances (1877-1926) Notices Biographiques