Laurent (Joseph Marius) METRAL – 1886-1971

Sagesse au soir de la vie.

« Merci de tout cœur pour vos vœux et, j’en suis sûr, pour vos prières bien
réconfortantes.

Tous les jours, je prie spécialement pour vous, en remerciant Dieu de nous
avoir donné un supérieur général qui nous rappelle fort à propos que le
principal, pour nous, est la vie religieuse enseignée et pratiquée par le
P. d’Alzon et les premiers religieux.

Le P. Merklen nous les a rappelés incessamment et les sept ans passés sous
sa direction m’ont été d’un grand secours dans mes difficiles années
d’après guerre.

Grâce à Dieu, j’ai trouvé maintenant un équilibre physique et moral dont je
sais tout le prix-. ne rien demander, ne rien refuser, vivre sans cesse en
Dieu et pour Dieu en Jésus et en
Notre-Dame de l’Assomption.

P. Laurent Métral, Lorgues, le
22 juillet 1962, au P. Wilfrid
Dufault.

Religieux de la Province de Lyon.

Né sous une mauvaise étoile.

Joseph Marius Métral est né le 16 septembre 1886 à Chanas (Isère), dans le diocèse de Grenoble. Il fait toutes ses études secondaires à l’alumnat de Miribel- les-Echelles (Isère), de 1899 à 1904. Il choisit la vie à l’Assomption en prenant l’habit à Louvain, le 18 septembre 1904, sous le nom de Frère Laurent. Il prononce ses premiers vœux, le 18 septembre 1905 et ses vœux perpétuels le 7 juin 1907. Puis viennent les études de philosophie, commencées à Louvain en 1906, mais interrompues pour raison de santé précaire, et continuées sous un climat plus doux à San Remo (Italie). Le Frère Laurent revient à Louvain les terminer et recevoir le sacrement de l’Ordre, le 7 juillet 1912. Les années 1912-1914 correspondent à une forte mobilité en raison de sa santé toujours fluctuante: Vinovo, Locarno, San Remo, Sart-les-Moines. Mobilisé en 1914 dès le début de la guerre, il en est une victime dont les blessures inguérissables laissent assez de disponibilité pour obliger à de grandes précautions. Le Père Laurent est gazé à la bataille des Flandres, au moment où les premières attaques par obus à gaz, produisant une terrible surprise, causent de lourdes pertes dans le camp des alliés. Ramassé sur le champ de bataille, ramené à l’arrière d’hôpital en hôpital, il est pensionné à 100% et rendu à la vie civile ordinaire, c’est-à-dire pour lui religieuse qu’il devra interrompre souvent par des séjours de repos dans des hôpitaux d’invalides ou d’anciens combattants. Le meilleur de son caractère paraît alors. Il donne volontiers. De sa pension, il fait un don généreux aux diverses communautés où il est affecté successivement, se réservant une minime partie pour son tabac quotidien, mince consolation, et dont il fait un usage constant pendant sa vie.

Exprimant à des moments de confidence le regret de ne pas posséder plusieurs pensions, l’une pour la communauté selon le vœu de pauvreté, l’autre pour les malheureux selon la charité. Il aurait tout donné aveuglément. En 1917, le Père Laurent est affecté à l’alumnat récemment ouvert de Saint-Sigismond (Savoie). Sa santé devient apparemment meilleure et il gravit lentement les degrés de la hiérarchie interne, peu élevée au demeurant. Ca monte, ça monte, dit-il en plaisantant. Il passe professeur, économe, sous-prieur, puis fait fonction de supérieur intérimaire. Mais cette guérison apparente n’est guère solide. Si ce n’est un article de la Règle, c’est une prétention des confrères en communauté pour le travail: dans toute maison on ne supporte longtemps un confrère que s’il possède un caractère et une santé également bien trempés. Alors le Père Laurent devient voyageur au rythme des obédiences qu’on lui envoie et au gré des confrères qui l’acceptent, puis se dessaisissent de lui Charlton (Angleterre), Locarno (Suisse), Douvaine (Haute-Savoie), Marseille (Bouches-du-Rhône), Saint-Hilaire du Touvet (Isère), Saint-Dalmas de Tende (Alpes-Maritimes), Nozeroy (Jura), Cevins (Savoie). Il y reste généralement peu de temps et, pour chacun de ces changements dont il inscrit le compte sur son carnet de notes, la durée est même parfois très courte. Aussi répète-t-il finement une parole de saint Paul« Nous n’avons pas de demeure permanente ici-bas ». Il fait douze résidences en six ans. C’est l’occasion de pratiquer le détachement: en oubliant à chaque départ un peu de livres, du linge, des objets personnels qu’il a apportés. Ceux qui n’ont pas souffert des nombreux changements d’obédience ignorent les fruits de cet exercice. Il bouge, il remue, il change, mais en fin de mois sa pension est quand même impatiemment attendue! Affecté pour la première fois en 1926 à la maison de Lorgues (Var), il la quitte pour d’autres et nombreux périples. Il y revient en 1931, il la quitte encore, puis il y revient définitivement en 1936. Il s’y plante comme un arbre qui enfonce ses racines. Deux performances sont accomplies par cet homme modeste: l’instabilité, une douzaine de maison en 6 ans et la stabilité, une seule en 35 ans! Il étonne et fait l’admiration. Dans la mesure de sa santé diminuée, c’est un travailleur, un peu au point de vue manuel comme à Saint-Sigismond, beaucoup au point de vue sacerdotal. Il assure des remplacements de prêtres à Aups, Draguignan, Taradeau. De ce dernier village il devient même effectivement curé pendant un certain temps. Dans chaque cas, il accomplit parfaitement le travail demandé, prédication, catéchisme, visite des paroissiens. On est obligé de modérer et de contrôler un peu sa charité. Cette pension qu’il aurait voulu double pour donner davantage, il la lui aurait fallu triple, tant il sait se montrer généreux. Lorsque son état physique dégénère, il reste le même, humble et modeste, peu exigeant pour les soins, ne se plaignant que rarement, assez souvent réclamant qu’on s’occupe des autres plutôt que de lui. Il puise dans une piété simple et fidèle aux rites de la liturgie et du bréviaire la soumission à la volonté de Dieu, l’acceptation d’infirmités qui n’en finissent pas. Il donne l’exemple, dans un long et ennuyeux abaissement de soi, de rester toujours utile à Dieu et au prochain. Objet de soins attentifs durant les derniers mois de sa vie, lentement affaibli, il meurt paisiblement comme en s’endormant, à 85 ans, le 21 septembre 1971.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. mars 1972, p. 178. Lyon-Assomption, octobre 1971, p. 27-28 (témoignage du P. Louis Durget). Dans les ACR, du P. Laurent Métral, correspondances (1905-1962).