Léon MARTIN – 1876-1953

Hauteluce, 1907.
« Je ne suis à Hauteluce que depuis cinq jours. Je me suis arrêté à Lyon
chez mon frère aîné qui y tient un café- restaurant. J’ai renoué avec lui
des relations vraiment fraternelles qui me donneront quelque influence sur
son
âme. Il est venu avec moi au pays pour le mariage de notre plus jeune frère
qui a eu lieu hier le 4 juillet]. Le curé m’avait délégué ses pouvoirs pour
la circonstance. C’était donc une fête de famille bien complète que le bon
Dieu
nous avait ménagée. Ma belle- sœur est une personne pieuse et intelligente
qui ne peut qu’encourager mon frère dans la bonne voie qu’il n’a
d’ailleurs jamais quittée, et. Je suis là pour prier avec eux. Je ne suis
encore allé qu’à l’église. Il me semble que j’y prie mieux que jamais. Je
puis y aller aussi souvent que je veux. il n’y a que trois minutes de
chemin. Toujours je pense à vous, cher Père, et à ma chère famille
religieuse qui est tout mon honneur. Le curé est un grand ami de la
Congrégation. Il connaît un grand nombre de Pères et s’intéresse à toutes
ses
oeuvres. Il a été charmé de vos salutations. Je compte sur le grand air de
nos montagnes pour me remettre. Je vais en pèlerinage aux Châteaux ».

Religieux de la Province de Bordeaux.

Des horizons de la Savoie aux monts de l’Anatolie. Léon, fils de Antoine Martin et de Flavie Braizaz, est le frère de Gérard Martin (1872-1902). Il est né le 17 février 1876 à Hauteluce en Savoie, petit village dont la principale route d’accès passe au- dessus de Notre-Dame des Châteaux en direction du col du joly. Il fait ses études secondaires à l’alumnat voisin des Châteaux (18891892) et à celui de Brian (Drôme), de 1892 à 1894. Il prend l’habit au noviciat de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis), le 9 août 1894 et peut garder son prénom de Léon. En mai 1895, il s’embarque pour le noviciat de Phanaraki en Turquie. Il y prononce ses premiers vœux le 9 août 1896. Le P. Félicien Vandenkoornhuyse écrit à son sujet: « Le Frère Léon Martin a d’excellentes qualités: il est docile, dévoué, joyeux. Il est parfois aussi dissipé et léger, il manque un peu aux formes de la vie religieuse. Il a des aptitudes pour les travaux de menuiserie et on l’a mis souvent à contribution, ce qui a un peu nul à la régularité de ses études ». Le 15 août 1896 il prononce ses vœux perpétuels à Phanaraki. Il est ensuite envoyé en poste de mission à Konia, de 1896 à 1900, pour enseigner dans de petites classes. Il retrouve la vie d’étudiant à Notre-Dame de France à Jérusalem (1900-1902). Ces deux années sont consacrées à l’étude de la philosophie. Il est à nouveau requis pour le professorat à Andrinople (1902-1904). IL commence enfin ses études de théologie à Phanaraki et Kadi-Keuï en 1904 pour les terminer à Jérusalem de 1906 à 1907. Il est ordonné prêtre le 9 mai 1907.

Un homme traumatisé par la guerre, pour la vie.

Les supérieurs du P. Léon le destinent principalement au professorat: Konia (1907-1908), Koum-Kapou (1908-1913), Philippopoli en Bulgarie (1913-1914).

Quand la guerre est déclarée, il se trouve en Savoie en visite dans sa famille. Il se présente aux autorités militaires et se trouve mobilisé comme brancardier, depuis le,3 août 1914 jusqu’au 28 janvier 1919. Il se comporte avec vaillance et donne souvent l’exemple d’un courage extraordinaire. Un jour par exemple, il se trouve à l’abri sous un tunnel. Près de là, de nombreux blessés attendent du secours, mais il est osé de sortir. Le Père veut se rendre auprès d’eux, le chef le lui interdit. Il désobéit. Quand il revient de sa mission, il n’y a plus de tunnel, tous ses camarades ont disparu sous les décombres provoqués par l’explosion d’un obus. Grâce à une forte musculature, le Père Léon peut résister à quatre années de guerre, mais non sa tête. Démobilisé, il passe quelques mois à l’alumnat de Saint-Sigismond (1919) et , en juillet 1919, il S’embarque à destination du Chili. De 1919 à 1933, il sert dans les différentes paroisses de l’Assomption comme vicaire: Los Andes (1919-1920), Talcahuano (1920-1924), Lota (1930- 1931), Conception (1931-1933). Il exerce un peu de ministère seulement parce que de terribles scrupules l’assaillent et rongent son équilibre intérieur. En 1933, une crise plus forte l’oblige à un repos complet dans une maison de santé à Santiago. Au mois de décembre de cette même année, on l’envoie à Mendoza où il va rester jusqu’à sa mort (1953). Au début, il donne quelques cours, mais à partir de 1947, il niexerce plus aucune activité. Et pourtant ce religieux a été dans ses différentes charges antérieures grandement apprécié. Il est pour ses condisciples un exemple vivant de sainteté, Toute la journée, on le voit en prière, mais depuis la guerre, il a perdu toute tranquillité intérieure. Il demande à son supérieur, à une heure avancée de la nuit, la permission de ‘dormir tranquille’ parce qu’il n’a pas achevé le dernier chapelet commencé. Presque aveugle et devenu dur d’oreille, il ne parle presque plus. Il marche à travers la maison en priant. Par privilège de Rome, il ne célèbre plus que la messe de la Vierge, toujours accompagné par un religieux. Le dimanche 25 janvier 1953, il est pris de fortes douleurs abdominales. Il est conduit à l’hôpital de Rengo. Il devine qu’il ne sortira pas vivant de l’hôpital. Il meurt le jeudi 29 janvier 1953. Son calvaire a duré 40 ans.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1954, p. 68. Lettre à la Famille, 1953, no 149, P. 14 (témoignage du P. Joachim Duret) . Lettre du P. Léon Martin au P. Emmanuel Bailly, Hauteluce,, 6 juillet 1907. Dans les ACR, du P. Léon Martin, correspondances (1902-19.19).