Libermann (Albert-Joseph) WEISSHAAR – 1897-1991

Scy-Chazelles, 1945.
«Permettez-moi de vous présenter les motifs pour lesquels je sollicite
l’autorisation d’entrer dans votre clergé séculier. J’ai encore une sœur
qui est complètement sinistrée par suite de la guerre. Elle a tout perdu,
maison et biens. De cette façon je pourrai lui être de quelque utilité.
Depuis
1932, d’autre part, j’ai perdu confiance dans mes supérieurs et la paix de
l’âme. En 1932, le P. Bernard [Finaert] m’a fait passer pour un
neurasthénique auprès du Provincial. En 1933, j’ai été nommé supérieur d’un
couvent en Bavière pour remplacer le P. Burgard, Supérieur indigne, qui
flirtait avec une femme. En 1935, le national-socialisme étant
arrivé au pouvoir, j’ai dû quitter la Bavière parce qu’on a cherché à me
compromettre auprès des autorités civiles. Pour se disculper, mes
accusateurs ont laissé courir sur mon compte des bruits calomnieux qui
m’ont desservi
jusqu’à Lormoy. J’ai été mis en pénitence à Scy. En 1944, on me demande de
remettre en état cette maison et, une fois le travail achevé, on me limoge.
On accrédite ainsi l’image d’un P. Libermann incapable. J’ai avalé bien des
humiliations. J’aime mieux rester bon prêtre dans une paroisse que mauvais
religieux ici…».

Religieux de la Province de France. Un destin marqué par les frontières. Albert-Joseph Weisshaar est né -le 14 mai 1897 à Altenstadt, un petit village du nord de l’Alsace qui se trouve alors sous la domination allemande depuis la guerre de 1870. Issu d’une famille de 7 enfants, il ne peut poursuivre, malgré son désir du sacerdoce, les études secondaires nécessaires à sa préparation. Grâce à sa ténacité, à son intelligence et à sa piété, il connaît le chemin de l’Assomption par son cousin homonyme, le Frère Libermann (1888-1913). C’est ainsi qu’il entre à l’alumnat de Zepperen en Belgique (1910-1911) avant de passer à Bethnal Green (Londres 1911-1914). C’est là que le surprend le déclenchement de la première guerre mondiale. En tant que sujet allemand, craignant des difficultés avec les autorités anglaises, il doit partir pour Ascona en Suisse achever ses humanités (1914- 1916). Le 15 octobre 1916, il prend l’habit au noviciat de Notre-Dame de Lumières (Vaucluse), en reprenant le prénom de religieux de son cousin, décédé depuis 1913, qui est celui du restaurateur de la Congrégation du Saint-Esprit, déclaré vénérable en 1910. Il y prononce ses premiers vœux, le 15 octobre 1917. Il passe ensuite à la maison d’études de Bourville (Seine-Maritime) pour la première année de philosophie (1918-1919) avant de rejoindre Taintegnies (1919-1920). C’est dans son Alsace natale, redevenue française, à Scherwiller (Bas-Rhin) où il participe à la fondation de l’alumnat, qu’il prononce ses vœux perpétuels le 21 novembre 1920. En 1921 il retourne en Belgique, fait sa théologie à Louvain (1921-1925) et y est ordonné prêtre le 26 juillet 1925. Au service des vocations. Le ministère du P. Libermann commence à l’alumnat de Scherwiller où il enseigne de 1925 à 1933 le français, Page :371/371 l’allemand, le chant et la liturgie. En janvier 1933, il est nommé supérieur de la communauté de Scheidegg en Bavière et maître des novices des Frères coadjuteurs. A l’automne de 1935, il est professeur à l’alumnat de Scy-Chazelles (Moselle). Proche de la ligne Maginot, la maison est fermée aux jeunes à l’été 1939. Alumnat et scolasticat sont occupés par la Direction régionale de la S.N.C.F., repliée de Metz. Trois religieux dont le P. Libermann, mobilisé sur place, restent pour surveiller meubles et immeubles. Le 20 juin 1940, l’armée allemande occupe le village et les religieux sont expulsés dans les semaines qui suivent. Prudent, le P. Libermann gagne l’Isère et devient aumônier d’une maison d’enfants, à Villette, près de Saint-Laurent du Pont. Bien des événements lui ont été pénibles qui le poussent à demander son intégration dans le clergé séculier de Grenoble. ‘Le P. Gervais Quenard le réconcilie avec son passé et lui assure la confiance de l’Institut. Le P. Libermann est le premier en janvier 1945 à Scy à se dépenser pour remettre les lieux en état. Il va y passer encore douze ans comme professeur et sous- prieur. De 1957 à 1963, il est supérieur de l’alumnat de Vellexon (Haute-Saône). Il retourne ensuite à Scherwiller ou il enseigne jusqu’en 1970. Au service des personnes âgées. À 73 ans, toujours énergique, le regard pétillant dans sa silhouette fine, il refuse de prendre sa retraite et s’engage comme aumônier dans un centre de personnes âgées, à Saint-Ursanne, petite bourgade d’une verte vallée du Jura suisse. Il y reste 13 ans. En 1983, le P. Libermann est rapatrié dans son Alsace originelle et rejoint la communauté de Souffelweyersheim. Le poids des ans est de plus en plus lourd. Sa santé exige des soins assidus. Il est conduit à Lorgues (Var) le 4 mars 1990. Il s’y dit heureux, bien entouré, mais ne quitte plus sa chambre. Il s’y éteint paisiblement dans la soirée du 17 octobre 1991, dans sa 95ème année. Ses obsèques sont célébrées le surlendemain. Le P. Albert Heckel prononce l’homélie en rappelant le parcours exceptionnellement long d’un religieux dont l’engagement remonte il y a plus de 74 ans. Page :372/372

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (V) 1991-1993, p. 43-44. Les 50 ans de sacerdoce du P. Libermann Weisshaar dans Lyon-Assomption, octobre 1975, n° 47, p. 16-18. On doit au P. Libermann une grammaire allemande: Deutsche Grammatik, édit. Alsa- tia, Colmar, 1930, 327 p. Assomption-France, Nécrologie année 1991, p. 232-234. Lettre du P. Libermann Weisshaar à Mgr Alexandre Caillot, évêque de Grenoble, Scy- Chazelles, 10 octobre 1945. Du P. Libermann Weisshaar, dans les ACR, rapports sur Scheidegg (1932-1934), Scy-Chazelles (1956-1957), sur Vellexon (1957-1963), correspondances (1932-1962).