Liguori (Henri-Charles) RUYTENS – 1889-1918

25 mai 1918.

Je viens de recevoir la médaille de Notre-Dame de Lumières que vous avez
bénite à notre intention et dont vous nous parliez dans votre lettre
si paternelle aux mobilisés, que j’ai reçue il y a quelques jours. Je vous
remercie de l’intérêt que vous nous portez et de la sollicitude que vous
nous témoignez. Ma pensée se reporte continuellement sur la famille restée
au foyer et mon désir est de pouvoir y retourner dès que le pays n’aura
plus besoin de nos
services. Si les Nouvelles de la Famille pouvaient moins exclusivement être
la tribune des mobilisés, je crois que l’Assomption s’en réjouirait. Nous
pourrions alors comme par le passé suivre les oeuvres de la Congrégation.
Ma situation au point de vue religieux a été en somme privilégiée depuis
quatre ans bientôt que nous sommes hors de nos couvents. Le P. Emmanuel
[Bailly] a approuvé mon programme. Mon frère
est arrivé depuis 5 mois à
Louvain, il y a pris l’habit le
11 février. Il était à Luxembourg depuis le début de la guerre. Ma sœur est
Oblate depuis plus de 15 ans. Elle n’a pas quitté Froyennes. Je reçois une
carte de loin en loin de mon frère, de ma sœur rien depuis septembre 14 ».

Notices Biographiques A.A

Religieux belge, mort au front. Deux Frères à l’Assomption, homonymes. Henri-Charles Ruytens est né le 9 mai 1889 à Bruxelles. Orphelin à l’âge de 12 ans et désireux de se donner à Dieu, il entre à l’alumnat de Taintegnies en 1901. Ses études de grammaire se poursuivent à Saint-Trond en Belgique (1901-1904) où les classes de grammaire ont été transférées. Il revient à Taintegnies pour ses études d’humanités (1904- 1906). Travailleur, affable, gai, charitable, d’une piété fervente et profonde, il se présente au terme de ses études secondaire au noviciat de l’Assomption à Louvain où il prend l’habit le 11 septembre 1906, à 17 ans, sous le nom de Frère Liguori. Les scrupules de perfection qui se manifestent durant sa deuxième année de noviciat retardent sa profession perpétuelle. Après une année d’activité à l’orphelinat d’Arras (Pas-de-Calais), il rejoint le noviciat à Gempe où le P. Vincent de Paul Bailly reçoit sa profession perpétuelle le 12 septembre 1909. Il passe encore une année comme professeur à l’alumnat de Zepperen. A l’automne de, l’année 1910, il rejoint le scolasticat de Louvain pour les études de philosophie (1910-1913). Ses riches qualités peuvent s’y déployer largement et déjà les supérieurs peuvent lui confier des responsabilités importantes. En août 1913, le Frère Liguori arrive à Notre-Dame de France à Jérusalem pour y commencer ses études de théologie. Il reçoit les premiers ordres mineurs. La guerre survient et, au mois d’aoùt 1914, il rejoint l’armée belge à Anvers. Affecté d’abord au service des trains sanitaires, il participe à la retraite et aux batailles sanglantes sur l’Yser, puis il est versé à la 6ème division d’Infanterie. Pendant trente mois, il connaît la dure vie des tranchées dans les Flandres, sans jamais se plaindre de son sort, suivant un programme de vie spirituelle dont il rend compte régulièrement à ses supérieurs. A.A Toujours doux, patient, il est très apprécié de ses camarades envers lesquels il témoigne une vivante sollicitude apostolique. En octobre 1918, le front allemand est obligé de céder et l’armée belge entame des offensives de poursuite. Le Frère Liguori reprend sa charge de brancardier. En sortant d’Emelghem, le 16 août 1918, un obus de gros calibre tombe sur les derniers de la colonne dont il fait partie. On retrouve son corps projeté à plus de trente mètres, dans un champ de betteraves. il est très gravement blessé. Transporté le plus rapidement possible au poste chirurgical de Beveron, il ne tarde pas à rendre le dernier soupir, à 29 ans, le lendemain 17 octobre dans l’après-midi, après avoir fait courageusement le sacrifice de sa vie et après avoir été mis à l’abri dans un couvent de religieuses. Cinq ans plus tard, son corps est retrouvé et inhumé au cimetière de Parc à Louvain, près de ses frères. Souvenirs sur le Frère Liguori par le P. Gonzalve Wélès. « Le bombardement redouble de violence et plusieurs obus tombent dans les environs immédiats du couvent. Les blessés capables de se traîner se mettent à l’abri dans les caves. Le Frère Liguori demande si je veux rester auprès de lui, car il n’ose pas se faire transporter ailleurs. je le lui promets. Nous récitons quelques Ave Maria dans le fracas de la canonnade. L’éclatement plus rapproché d’un obus brise les vitres de la salle où nous sommes. Nous nous confions à la sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et le Frère me rappelle qu’en 1915 il a écrit au Carmel de Lisieux pour nous recommander tous deux à la chère sœur. La nuit est venue et, sachant ma compagnie sans brancardiers et en avant-garde, je dis au Frère Liguori que je crois de mon devoir de le quitter et d’aller rejoindre nos carabiniers. Il m’approuve et me recommande la prudence. Nous unissons encore une fois notre vieille et fidèle amitié dans une fervente prière. je l’embrasse bien ému, et après l’avoir confié aux Sœurs, je le quitte. Il est 21 heures. Il rend sa belle âme à Dieu le lendemain. Que Dieu soit béni et remercié de m’avoir donné durant ces cinq années un compagnon d’armes qui fui un religieux si fervent, un frère si complaisant, un ami si dévoué ».

Bibliographies

Bibliographie et documentation : Lettre à la Dispersion, 1918, n° 540, p. 322-323; 1919, n° 569, p. 272; 1923, n° 68, p. 520-521. L’Assomption, 1924, n° 270, p. 13-14. Notes et souvenirs sur le Frère Liguori Ruytens par le P. Gonzalve Wélès (1920) dans Les Saints Anges (Annales du Prieuré Saint- Michel, Sart-les-Moines), 1920, n° 39, p. 53-56. Polyeucte Guissard, Portraits Assomptionistes, p. 357-370. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Lettre du Frère Liguori Ruytens au P. Joseph Maubon, s.l., 25 mai 1918. Du Frère Liguori, dans les ACR, correspondances (1912-1918), plusieurs poésies-cantates, sur des thèmes augustiniens, -composées à Louvain (1911-1912). La communauté d’Awenne possède les carnets de guerre du Frère Liguori qui étaient aux mains de son frère, le P. Liguori, mort à Bure en 1978. Notices Biographiques