Marie-Augustin (Louis-Emile) DUCHENE – 1882-1968

Membre du ‘petit reste’.
« De puis que les Echos d’Orient ont quitté Kadi-Keuï, la maison reste sans
voix et même sans plume. Son émigration laisse un vide resté béant… A
part cela, Kadi-Keuï sans bruit continue sa besogne apostolique avec le
souvenir
du passé consolant qui aide à aimer le présent plus
modeste… Le Fr. Augustin, 66 ans, est seul à s’occuper du temporel. Tout
le long du jour, depuis avant 5 h. jusqu’après
le coucher de la communauté, avec une allure toujours vive, il ne laisse
rien de ce qu’il peut f aire. Quand le pain était rationné ou que l’eau
n’est distribuée que la nui t, il fait le nécessaire pour ravitailler la
communauté. Depuis déjà quelques années, il n’a plus de travail à la cave,
car nous n’avons plus de vin, sauf celui de la messe, qui nous est fourni
par les Frères. Sa médaille militaire gagnée en
1914-1918 ne lui fait négliger ni la vaisselle ni le poulailler qui donne
bien en ce moment, et quel plaisir il a à ramasser de beaux œufs dont
certains pèsent jusqu’à 80 ou 100 grammes! ».
P. Andéol Besset, Lettre à la
Famille, 1948, n° 47, p. 33-34,

Marie-Augustin (Louis-Emile) DUCHENE

1882-1968

Religieux de la Province de Lyon.

Dans la valse de la dispersion et de la guerre.

Louis Duchêne est né à Calais (Pas-de-Calais) le 12 avril 1882. Orphelin de père et de mère, il est accueilli à l’orphelinat du P. Halluin à Arras (Pas-de-Calais) jusqu’en 1900 où il est pris en charge à L’abbaye de Livry-Gargan (Seine-Saint-Denis) par le P. Michaël Lebigot, formateur des frères convers. Louis passe à Livry 10 mois de juillet 1900 à mai 1901. En raison de l’expulsion, il se rend en Turquie, à Koum-Kapou (1901-1904) où il fait son noviciat sous le nom de Frère Marie-Augustin et la direction du P. Marie- Joseph Novier, mais c’est à Phanaraki qu’il a pris l’habit le 8 septembre 1901, d’après sa fiche de renseignements personnels. « Très généreux et dévoué pour tout ce qu’il lui est demandé, il se montre religieux fervent, excellent confrère de bonne composition, avec une pointe d’impatience ». Le détail de ses affectations ultérieures est un peu flou: le Frère Marie-Augustin passe de poste en poste, selon les besoins de l’époque: avant 1914, on le signale à Phanaraki, à Koum-Kapou à Zongouldak (1911) et Kadi-Keuï. En 1914, c’est l’intermède de la guerre qui le fait revenir en France. On sait qu’il s’y conduit en héros d’après les médailles récoltées et les rapports élogieux conservés, dont celui du lieutenant Aimé pour la bataille de Verdun: « Du 21 au 24 février 1916 j’ai occupé avec ma compagnie les ouvrages de la côte 317 au sud du village de Beaumont au nord du Bois des Fosses. La position a été soumise pendant cette période à un bombardement méthodique qui a mis hors de combat une grosse partie de l’effectif. Durant ces pénibles journées, le soldat-brancardier Duchêne Louis a fait preuve d’un courage surhumain et d’un mépris absolu de la mort. Entraînant ses camarades par son bel exemple, encourageant les blessés, il a, jour et nuit,

transporté ces derniers au poste de secours situé à 800 m. environ de la position, malgré un bombardement inouï, bien qu’il dût traverser un ravin où s’étaient accumulés des gaz toxiques dégagés par les projectiles de l’ennemi. Bien qu’il en fut incommodé et malgré une grande fatigue, Duchêne n’a pas consenti à se reposer un seul instant. Les blessés de sa compagnie évacués, Duchêne recherchait dans le voisinage ceux qui n’auraient pas été relevés. Il a été pris par l’ennemi au moment où il donnait ses soins à un blessé. C’est un brave entre tous. La Croix de la Légion d’honneur serait pour lui une juste récompense ». Cette période de vie militaire marque beaucoup le Frère Marie-Augustin. Aux anniversaires des grandes batailles, il sort ses décorations et les arbore sur son camail pour les cérémonies commémoratives.

Au service de l’Orient.

Au retour de l’armée, à la fin de la guerre le Frère Marie-Augustin passe trois années à la Procure de Marseille (1919-1922), puis il repart pour l’Orient: Phanaraki (1922-1932) et Kadi- Keuï (1932-1957). Sans qualification particulière, il sait rendre de grands services à la mission comme jardinier cuisinier, commissionnaire ou sacristain. Tous les matins, il apporte les légumes de son jardin à la cuisine des religieux et des Oblates. Pendant 23 ans à Kadi-Keuï, il est le factotum précieux qui veille au bien de tous et à l’entretien de cette immense maison qui a abrité, avant 1914, l’ancien séminaire oriental, mais aussi l’Institut byzantin, né sous la forme des Echos d’Orient, déménagé pour Bucarest en 1937. Le Frère arrive à Lorgues (Var) à 75 ans, en 1957; il s’ingénie à rendre service. Méticuleux et ordonné, il prend grand soin de la propriété. Mais surtout le Frère Marie-Augustin est heureux de retrouver une communauté étoffée, régulière, après tant d’années passées dans l’isolement où, laissé à lui-même et sans soutien, il dit avoir négligé les temps de prière. Ayant peu de sommeil, la nuit, il aime se rendre à la chapelle pour de longues veillées, dans l’intimité d’une prière silencieuse. Il meurt le 1er février 1968 comme il a vécu, sans bruit, sans déranger personne.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: B.O.A. juin 1969, p. 290-291. Lyon-Assomption 15 février 1968, n° 12. Correspondances du Frère Marie-Augustin Duchêne dans les ACR (1914-1933) dont la plus grande partie date de la guerre 1914-1918 et a été publiée à cette époque dans la Lettre à la Dispersion. Notices Biographiques