Marie-Dominique BORASCHI – 1869-1915

L’aumône du pauvre.

« Je vous envoie 50 francs
pour les âmes du Purgatoirere’. C’est une habitude à
Belgodere où chaque dimanche matin une personne recueil le de l’argent dans
les familles à cette intention. Elle fait le tour du village avec une
besace sur le dos et crie devant chaque maison ‘Per le anime sante del
Purgatorio’. Ordinairement on donne une
1ivre de pain ou quelques sous. Je continue ainsi cette tradition de
famille. Vous voudrez bien me permettre de donner quelques pièces, ma
mère ayant accru le nombre de mes chers défunts.
C’est un de mes cousins que j’ai chargé de cette action. Comme ma chère
mère donnait 0fr20 à la place du pain, il a continué de donner cette somme
par semaine et, depuis, il s’est écoulé trente- deux semaines.
J’ai présumé votre permission pour me dispenser du jeûne pendant le Carême.
Il m’est de toute impossibilité de l’observer.

Mon réchaud ou lampe à alcool s’est détraqué, il ne fonctionne plus.
M’autorisez- vous à m’en procurer un à essence, car l’essence est moins
chère que l’alcool à brûler? Merci ».

P. M-D. Boraschi.

Un Religieux français.

Un Assomptionniste corse.

Marie-Dominique Boraschi est né le 30 janvier 1869 à Beigodere en Corse. On ne sait rien de ses premières années, seulement qu’à l’âge mobilisable, il fait 5 ans de service militaire à Toulouse où il termine avec le grade de sergent. C’est alors qu’à 26 ans il demande à entrer dans la vie religieuse. Postulant à la maison d’aînés de Montfort-Villecomtesse (Yonne) le 15 février 1895, il est reçu comme novice à Livry le 8 septembre 1897 par le P. Vincent de Paul Bailly qui lui donne l’habit. Il y prononce ses vœux perpétuels le 8 septembre 1899 entre les mains du P. Emmanuel Bailly. Homme doux, humble, charitable mais déjà maladif et toujours en retard sur l’horaire, il exerce au moins ses frères à la patience. Ses études de philosophie et de théologie se déroulent dans le cadre des ‘scolasticats errants’ de la Congrégation: Toulouse (1899-1900), Bure (1900) Louvain (1900-1901) et Rome (1901-1905) où il est ordonné prêtre par Mgr. Cepetelli, vice-gérant du vicariat. Un statut de malade permanent, isolé et sans moyens.

Ses études finies, il est affecté à la maison de repos de San-Remo, sur la riviera italienne (1905-1912) où il peut rendre quelques services à diverses aumôneries locales de religieuses et où il aide aussi au soin des malades de la Congrégation quand il le peut. De là il ne fait que passer à Ascona, résidant le plus souvent dans son village natal auprès de sa mère âgée et elle-même très malade, pour régler selon lui les dettes et affaires de famille. Sa mère, Marie- Toussainte, née Vincentelli, meurt en 1914 et lui-même, en fort mauvais état, juge préférable de ne pas imposer un surcroît de travail ou de souci à ses supérieurs absorbés par les multiples tracas de la mobilisation générale,

au point même que l’on finit par ignorer exactement ce qu’il devient. C’est ainsi qu’il écrit, hésitant et embarrassé, à son supérieur d’Ascona une lettre commencée le 24 janvier 1915 et terminée le 11 mars: « Voilà longtemps que je veux vous écrire, mais que d’impossibilités! je ne puis écrire qu’à bâtons rompus, par moments et il se passe bien des jours sans qu’il me soit possible de reprendre la plume. C’est tout d’abord une douleur rhumatismale à l’épaule droite, depuis novembre 1914, comme une vrille insupportable. Autre empêchement, le froid, au point que je suis obligé de rester au lit, les mains glacées, entre deux couvertures. Ajoutez à cela la mauvaise digestion, mon pied malade exigeant l’immobilité. Il me faudrait des fortifiants que le Dr Colombani – il me soigne gratuitement – me prescrit ainsi qu’une nourriture substantielle. Je n’ai pu me procurer que deux flacons de sirop et un demi-flacon de Carnine Lefrancq, du vivant de ma pauvre mère. La carnine coûte cher, le médecin me recommande des œufs et du lait, mais je dois m’en passer depuis juillet. Comble de malchance, le médecin a été mobilisé depuis août 1914. Je souffre de mes adénites et de la carie de l’os au pied. Un autre Dr vient parfois me visiter, mais je ne peux me rendre chez lui à Villa-di-Paraso, village distant de 7 ou 8 km. de Belgodere. En septembre 1914, j’ai eu la visite du médecin major de Calvi qui voulait se rendre compte si j’étais mobilisable. Il s’est plutôt rendu compte que j’étais en état de partir pour les frontières de l’éternité. Le manque de ressources est le grand obstacle aux soins nécessaires. On me croit perdu. C’est Dieu qui est ma force dans ma faiblesse comme il est mon médecin dans ma maladie ». On comprend que dans un tel état de délabrement, le Seigneur le rappelle à lui sans trop tarder, après 14 mois de vie douloureuse au lit, le 24 avril 1913, pour le recevoir là où le temps ne compte plus, où les cloches qui en règlent sur terre la succession n’offrent plus de division entre les humains et où ceux-ci ne s’exposent plus au reproche du retard horaire. Le P. Marie-Dominique est inhumé dans son village à Belgodere.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Dispersion 1915, n° 161, p. 557 et n° 191, p. 762-763. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. On n’a conservé du P. Boraschi qu’une dizaine de correspondances, écrites entre 1902 et 1915.