Marie-Félix (Félix) DROMRE – 1881-1899

Un jour à Livry, 1898.
« Jeudi dernier fête de Saint Edouard, j’ai prié pour papa de toute la
force de mon cœur… Mais ce n’est pas ici que j’ai
fait ces prières, pour la bonne raison que, dès 5h.30, nous disparaissions
dans le brouillard du matin et nous nous lancions dans la direction de
notre Préfecture [Versailles à 24 k m. du noviciat. Nous avons fait halte
au milieu du trajet, sur les bords de l’eau, pour y réparer nos forces:
chacun avait du emporter quelques provisions. Puis nous repartîmes
allégrement, et les six lieues furent vite franchies.
Nous allâmes sonner à la porte des Petites Sœurs de l’Assomption [(Paris,
rue Viollet) qui nous attendaient et nous reçurent de la manière la plus
gracieuse et la plus délicate. Ces Sœurs, fondées par un Assomptioniste [P.
Pernet], s’occupent d’aller soigner les malades pauvres à domicile et
n’acceptent rien, elles sont très aimées, paraît-il, et font beaucoup de
bien).
[Nous les quittons] pour visiter, à 3 km. de là, le noviciat des Pères du
Saint- Esprit [Chevilly-Larue]. Nous récitons au retour, dans la chapelle
des Petites Sœurs, les Vêpres, donnons le salut du S.S. puis prenons le
chemin
fer pour rentrer. »Félix

Marie-Félix (Félix) DROMRE

1881-1899

Religieux-novice français.

Un séminariste d’Alençon, compatriote et contemporain de Thérèse Martin.

Félix Dromré est né à Alençon (Orne) le 21 avril 1881, d’une famille d’origine lorraine. Le père de famille est adjudant de gendarmerie. Félix connaît-il l’existence à Alençon d’une jeune fille, son aînée, Thérèse Martin née le 2 janvier 1873, mais vivant à Lisieux depuis 1878, entrée au Carmel de la ville à 15 ans, vocation religieuse dont le destin ressemblera étrangement au sien, puisqu’elle va mourir, tuberculeuse, en septembre 1897, à 24 ans? Le 21 novembre 1891, Félix entre au petit séminaire de Séez (Orne). D’une intelligence facile et pénétrante, il obtient son baccalauréat. Il opte alors pour le choix de la vie religieuse :à l’Assomption que lui a fait découvrir un ancien alumniste au séminaire. Il demande à entrer au noviciat de Livry- Gargan (Seine-Saint-Denis) en se préparant par une retraite de discernement durant l’été 1898. Le 4 octobre 1898, il est admis comme postulant. Il est entré dans sa Igème année. Très attaché à sa famille, il correspond régulièrement avec elle. Ce sont d’ailleurs ses lettres à ses parents et à sa petite sœur Marie, conservées précieusement et transmises à l’Assomption après sa mort, qui témoignent de son évolution spirituelle et nous permettent de la connaître. Le 8 décembre 1898, Félix est admis à la prise d’habit qui marque alors le début officiel du noviciat, ajoutant le nom de la Vierge :à son prénom de baptême. Le soir même il écrit à ses parents: « J’appartiens à Dieu et je tremble encore de joie et de bonheur. Tout à l’heure, prosterné au milieu du chœur la face contre terre, les bras en croix, j’ai dit adieu au monde, et j’ai senti combien Notre- Seigneur récompense ceux qui se donnent à lui. Le Supérieur m’a interrogé: ‘Mon fils que demandez- vous?’. J’ai répondu: la croix du Seigneur et 1.habit de votre sainte Congrégation’.

Et successivement j’ai reçu la robe, le camail, le capuchon, la ceinture et le chapelet. C’est alors qu’eut lieu la prostration et que m’est apparue davantage la vanité de ce monde qui passe si rapidement… ». Alerte et robuste, le jeune Frère Marie-Félix ne se doute qu’il est atteint par la tuberculose.

Le mystère de la croix.

Au début du mois de janvier 1899, le maître des novices à Livry, le Père Ernest Baudouy, ne croit pas pouvoir garder le Frère Marie-Félix et, sur le conseil du médecin traitant, il l’envoie se reposer dans sa famille à Alençon. Le 2 janvier, le Père Hilaire Canouël accompagne jusqu’au foyer familial le Frère Marie-Félix qui compte bien revenir le plus possible à Livry. N’emporte- t-il pas avec la Vie du Saint en cours – une des activités demandées par le P. Vincent de Paul Bailly aux novices pour le compte du Pèlerin – dont il n’a pas tout à fait terminé la rédaction? Dans ses bagages également, son cahier de petit noviciat et un livre de méditation. Le 7 janvier, le curé de la paroisse télégraphie au noviciat que le Frère Marie-Félix se trouve dans la dernière extrémité. Le P. Baudouy dépêche en toute urgence le P. Michaél Lebigot pour recevoir les vœux du Frère in articulo mortis, le 8 janvier. Ce dernier meurt le lendemain 9 janvier, novice d’un mois. Il est inhumé à Alençon. Thérèse Martin, Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, a accompli de son côté la voie d’enfance qui l’a conduite, sous le signe du sourire et dans la nuit de l’âme, aux portes de l’éternité, le 30 septembre 1897. Mystère de deux vies parallèles et histoire de deux âmes que rien ne distingue alors, sinon cette étrange proximité dans le temps et dans l’espace, mais plus encore cette parenté spirituelle vécue à l’ombre de la croix dans l’humilité et la souffrance.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Souvenirs 1899, n° 379, p. 1-2; n° 381, p. 17-19. L’Assomption 1899, n° 27, p. 35-39 (d’après La Semaine religieuse de Séez de 1899). Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Une partie de la correspondance du Frère Marie-Félix Dromré a été publiée par le bulletin de Layrac, Voulez-Vous? année 1955 n° 12-13 p.2-13; n° 15, p.3-9. Lettre de Félix Dromré à ses parents Livry, 18 octobre 1898. Merklen, Carnets, p. 7. Notices Biographiques