Maynard ou Meinrad (J.-A.) HASLAUER – 1883-1947

Angleterre, avril 1940.
« C’est de King’s Lynn dans le Norfolk que je vous adresse ces quelques
lignes. Au début de la guerre en septembre dernier, notre école de Bethnal
Green, c’est-à-dire nos enfants et nos Sœurs, ont été évacués à King’s
Lynn. Pour raison de
santé, le P. Arnaud m’a envoyé avec les enfants pour aider M. le Curé soit
à dire des messes soit à confesser. Vous savez sans doute que j’ai eu une
attaque de paralysie côté droit, il y a deux ans, par suite de surmenage
après 17 ans à Bethnal Green. Le Dr m’a
donc prescrit la diète et le repos. Dans ce but, l’an dernier je suis allé
à Royat pour suivre un traitement qui m’a fait beaucoup de bien. Je suis
donc venu ici pour continuer le traitement. L’air pur, un bon régime, la
tranquillité et le traitement m’ont fait un bien immense. Je suis retourné
à Bethnal Green 4 fois depuis mon arrivée. A Pâques, je suis resté 8 jours.
Alors les confrères m’ont taquiné, disant que je dois rentrer en communauté
après 8 mois d’absence, à moins de raisons graves. Je ne crois pas que ce
canon s’applique à mon cas.
Le P. Bernardin [Bal- Fontaine] m’a dit de me reposer aussi longtemps que
le Dr l’exige».

Religieux de la Province de Paris.

De la Bulgarie à l’Angleterre.

Joseph-André Haslauer est né le 10 juin 1883 à Niederviller, près de Sarrebourg (Moselle). Il fait ses études secondaires chez les Frères de Nancy (1900-1903) et exerce un an de professorat à Angers (Maine-et-Loire), de 1902 à 1903. Il est admis dans la maison des vocations tardives à Sart-les-Moines en Belgique (19051906), puis entre au noviciat à Louvain le 11 septembre 1906, sous le nom de Frère Maynard (1). Il prononce ses premiers vœux le 11 septembre 1907 et ses vœux perpétuels l’année suivante, à la même date. Le Frère Maynard étudie la philosophie à Louvain (1908-1910) avant d’être envoyé comme enseignant au collège Saint- Augustin à Philippopoli (Bulgarie) de 1910 à 1912. Il commence alors sa théologie à Kadi-Keuï en Turquie (1912-1914) et vient la terminer à Philippopoli (1914-1915) où il est ordonné prêtre le 28 août 1915 par Mgr Péev. Il fait partie de la grande caravane qui, sous la conduite du P. Félicien Vandenkoornhuyse, est rapatriée par la Russie, la Finlande, la Suède et la Norvège. Il reste en Angleterre à Brockley de 1916 à 1919, puis rejoint une nouvelle fois Philippopoli-Plovdiv (1919-1922). Après une année à New-Haven (1922), le P. Maynard est affecté à la paroisse londonienne de Bethnal Green où il passe 23 ans. Après une première attaque, au printemps 1946, on l’envoie se soigner en France, faire une cure à Royat, laquelle, selon lui, donne de bons résultats. Après quelques mois de vacances en Moselle, il se rend à Lorgues (Var) où il arrive le 18 septembre. Il paraît bien s’y plaire, mais il s’effraie à l’avance des lourdes chaleurs de l’été qu’il suppose être excessives puisqu’en hiver il ressent déjà la chaleur! Il meurt à Lorgues le 25 mars 1947, à 64 ans.

Témoignage d’un compagnon, le P. Arnaud.

« je suis sûr que dans les pauvres rues de Bethnal Green, des cœurs innombrables d’ouvriers ont dû pleurer celui qu’ils appelaient tous ‘pauvre Father Maynard’. Pauvre était un terme d’affection et aussi un tribut à son zèle inlassable pour payer l’écrasante dette des écoles paroissiales et pour lesquelles il quêtait incessamment. Loteries, bals, concerts, bazars, trucs de toutes sortes l’occupaient sans cesse. Ses poches étaient toujours bourrées de ‘tickets’ et les chaudes poignées de main qu’il distribuait à foison en laissaient toujours quelques-uns dans l’amicale étreinte. La discrétion manquait quelquefois, mais le sourire y était, la cause était bonne, et puis, c’était le P. Maynard et tout passait. Il avait d’innombrables connaissances dans le grand Londres et dans toute l’Angleterre, l’Ecosse et le pays de Galles, et avec quel bonheur il m’apportait mandats de poste, livres sterlings, denrées en nature, résultats des centaines de lettres qu’il écrivait de sa magnifique calligraphie d’ancien maître d’école. Sa popularité était universelle et, si, très humainement, il s’en réjouissait, il ne la faisait servir qu’à ce qu’il appelait sa ‘mission’, l’œuvre des écoles paroissiales. Ce joyau, admiré de tous les inspecteurs de Sa Majesté et envié par bien des voisins, fut brutalement détruit par les bombes d’Hitler. Le Père ne vit les ruines que longtemps après. Il passa à la campagne les plus mauvais moments des ‘blitz’ aériens, mais le coup lui fut dur de voir toute une vie de travail réduite à néant. Des milliers de spectateurs connaissaient le P. Maynard comme l’organisateur génial et artistique de notre grande procession catholique dans les rues du quartier. La première fut un véritable acte d’audace dans ces milieux ultra-protestants; elles devinrent vite des événements annuels de la ville, attendu par les catholiques et les protestants. Avec tout leur pittoresque, elles étaient une véritable manifestation de foi… ».

(1) Fantaisie des transcriptions, des lieux et des langues: on trouve, au choix, Ménard, Maynard, Meinrad. A noter que dans la période finale de sa vie, en Angleterrre, le P. Haslauer signe lui-mème Maynard.

Bibliographies

?Bibliographie et documentation:

Lettre à la Famille, 1947, n° 27, P. 131-132. The Assumptionist, 1947, july-september, n° 3, p. 4-6. Dans les ACR, du P. Haslauer, quelques correspondances (1910-1940). Lettre du P. Maynard Haslauer au P. Romuald Souarn, 26 avril 1940, King’s Lynn, Norfolk.