Paul Curtet – 1930-2003

Un aumônier-philosophe, courageux et plein d’humour. Depuis 10 ans, le Père Curtet est aumônier à l’hôpital de la Conception à Marseille. Auprès des patients, il se frotte sans cesse à la maladie et à la mort mais assume sa tâche avec courage et même humour. Sur le bureau mal rangé, des exemplaires du Pèlerin Magazine et de La Croix traînent à côté d’un numéro du Canard Enchaîné et du tome 1 de l’Histoire de la philosophie occidentale de Jean-François Revel. Nous sommes bien dans un hôpital, mais Paul Curtet soigne moins les corps que les âmes. Depuis 10 ans, le Père Curtet est l’aumônier de la Conception. « C’est vrai, je suis un homme de Dieu, mais dans mes visites je ne parle jamais de religion le premier. Je ne vois pas de quel droit je pourrais arriver dans la chambre d’un malade et lui déballer ma camelotte. Autrement dit, je ne pousse pas à la consommation ! ». Soixante ans passés : « L’an prochain, c’est la retraite » précise-t-il en riant et un faux air d’Yvan Audouard (†2004) converti à la prêtrise, Paul Curtet parle fort et souligne ses phrases d’une moue expressive. Sans se faire prier, il raconte volontiers l’histoire de sa vie : « Je ne suis pas Français, je suis Savoyard » lâche-t-il sûr de son effet. Mes parents tenaient une ferme, et quand on allait en Isère, on disait qu’on allait en France. A 14 ans, j’étais en quatrième, en internat. J’ai fait le mur et je me suis tiré. Je suis rentré à la ferme et mon père m’a demandé ce que je voulais faire. Pas de réponse. Il a eu des idées pour moi ». Quelques jours plus tard, Paul Curtet se retrouve apprenti plombier : « C’est comme ça qu’on soignait les états d’âme à cette époque. Résultat, je suis retourné à l’école. Et puis la vocation est venue petit à petit. Je suis rentré au noviciat, j’ai fait trois ans de philosophie, ma théologie et pour finir j’ai été ordonné. Un jour de 1959 on m’a envoyé à la mission ouvrière à La Capelette. Le destin ». 19 ans au Lycée Pagnol. Le Père Curtet ne devait rester qu’un an à Marseille. Il est toujours là. Pendant 19 ans, il a été l’aumônier du lycée Marcel Pagnol à Saint-Loup, jusqu’à ce que la direction le juge trop âgé pour ce poste : « Ils m’ont envoyé à la Conception. Ca me convient, mais je n’avais rien demandé. Il ne faut jamais rien demander, de façon à pouvoir gueuler si on n’est pas content ». L’emploi du temps du Père Curtet ne lui laisse pas beaucoup de temps pour se plaindre. Il se lève à 7h du matin et finit aux alentours de 19h. En cas d’urgence, les infirmières peuvent lui téléphoner au logement de fonction qu’il occupe, à deux pas de la Conception. Dans l’année, le Père Curtet est aidé par un adjoint et par une équipe d’aumônerie, mais pour l’été il est seul. On frappe à la porte du bureau. Le Père Curtet crie d’entrer. La porte s’ouvre sur un clochard, un oeil ensanglanté, chemise déchirée, qui bredouille une histoire de bagarre et souhaite parler à Paul Curtet. « Pas maintenant, dans un moment ». Le clochard repart et le Père soupire : « Lui, il ne veut pas de réconfort spirituel, il veut des vêtements. C’est courant. J’ai un petit vestiaire pour eux. On me le reproche, on me dit que ce n’est pas très sacerdotal ! Rien à foutre ! Je ne vais pas les laisser partir cul nu quand même. Je veux aider les gens à se tenir debout ». Des chambres où l’on meurt. Aider les gens à se tenir debout, son credo. Mais le Père Curtent ne rentre jamais dans une chambre sans y avoir été invité par le patient, sa famille ou des amis. II s’agit la plupart du temps d’une simple visite de réconfort : « Lorsque je parviens à faire naître un sourire sur le visage d’une personne qui part au bloc opératoire, je me dis ‘mon gars, tu n’as pas perdu ton temps’ ». Souvent le Père Curtet est réduit à prononcer le sacrement de l’extrême-onction in extremis et à s’occuper des cérémonies funéraires. « Je connais par coeur les numéros des chambres où l’on meurt, avoue-t-il plus grave. Je ne sais pas si les gens qui demandent à me voir reviennent vers la religion. Une chose est sûre : ici ils doivent regarder la mort en face. Et parfois cela se passe mal, car dans notre société aujourd’hui, c’est la mort qui est tabou ». La mission d’aumônier dans un hôpital est parfois lourde à porter. Que répondre à l’angoisse des leucémiques et des cancéreux qui se savent condamnés à mourir bientôt ? « II n’y a pas de recette, pas de solution. Je peux juste les accompagner jusqu’au bout ». Plusieurs fois par an, le Père Curtet se retrouve seul avec le cercueil dans la chapelle de la Conception. Seul, seul, répète-t-il songeur avant que son gai naturel ne reprenne le dessus. Ce qui m’a sauvé c’est l’humour. Tant qu’on peut rire de soi, on tient ! Données chronologiques du Père Paul Curtet. Paul-Marie Curtet est né le 12 septembre 1930 à Saint-Franc (Savoie), de Joseph Curtet et de Marcelle Lanfrey. Ses études primaires se déroulent d’abord à Saint-Franc puis à Entre-Deux-Guiers (Isère). Il fréquente le collège Sainte Marie de Rumilly (Savoie), de 1941 à 1944, puis l’alumnat de Miribel-les-Echelles, de 1944 à 1948. Il prend l’habit le 23 octobre 1949 à Nozeroy (jura), y prononce ses premiers voeux le 2-4 octobre 1950. Sa profession perpétuelle est datée du 2 février 1956 (Lormoy, Essonne). Il a passé trois ans à Scy-Chazelles (Moselle) pour la philosophie (1950-1953), une année à l’armée (1953) et quatre ans à Lormoy pour la théologie (1954-1958) est ordonné le 22 mars 1958 et passe un an en pastorale à Lyon. Toute sa vie apostolique se déroule à Marseille (1959-2003), sauf une année de recyclage effectuée à Lyon (résidence à la communauté des Brotteaux, 1984-1985). Membre de la communauté de La Capelette, puis de Marseille-Cluny (1982), il est depuis 1995 rattaché à la communauté de Nîmes. Décès à Marseille le 10 août 2003[4].

Un aumônier-philosophe, courageux et plein d’humour. Depuis 10 ans, le Père Curtet est aumônier à l’hôpital de la Conception à Marseille. Auprès des patients, il se frotte sans cesse à la maladie et à la mort mais assume sa tâche avec courage et même humour. Sur le bureau mal rangé, des exemplaires du Pèlerin Magazine et de La Croix traînent à côté d’un numéro du Canard Enchaîné et du tome 1 de l’Histoire de la philosophie occidentale de Jean-François Revel. Nous sommes bien dans un hôpital, mais Paul Curtet soigne moins les corps que les âmes. Depuis 10 ans, le Père Curtet est l’aumônier de la Conception. « C’est vrai, je suis un homme de Dieu, mais dans mes visites je ne parle jamais de religion le premier. Je ne vois pas de quel droit je pourrais arriver dans la chambre d’un malade et lui déballer ma camelotte. Autrement dit, je ne pousse pas à la consommation ! ». Soixante ans passés : « L’an prochain, c’est la retraite » précise-t-il en riant et un faux air d’Yvan Audouard (†2004) converti à la prêtrise, Paul Curtet parle fort et souligne ses phrases d’une moue expressive. Sans se faire prier, il raconte volontiers l’histoire de sa vie : « Je ne suis pas Français, je suis Savoyard » lâche-t-il sûr de son effet. Mes parents tenaient une ferme, et quand on allait en Isère, on disait qu’on allait en France. A 14 ans, j’étais en quatrième, en internat. J’ai fait le mur et je me suis tiré. Je suis rentré à la ferme et mon père m’a demandé ce que je voulais faire. Pas de réponse. Il a eu des idées pour moi ». Quelques jours plus tard, Paul Curtet se retrouve apprenti plombier : « C’est comme ça qu’on soignait les états d’âme à cette époque. Résultat, je suis retourné à l’école. Et puis la vocation est venue petit à petit. Je suis rentré au noviciat, j’ai fait trois ans de philosophie, ma théologie et pour finir j’ai été ordonné. Un jour de 1959 on m’a envoyé à la mission ouvrière à La Capelette. Le destin ». 19 ans au Lycée Pagnol. Le Père Curtet ne devait rester qu’un an à Marseille. Il est toujours là. Pendant 19 ans, il a été l’aumônier du lycée Marcel Pagnol à Saint-Loup, jusqu’à ce que la direction le juge trop âgé pour ce poste : « Ils m’ont envoyé à la Conception. Ca me convient, mais je n’avais rien demandé. Il ne faut jamais rien demander, de façon à pouvoir gueuler si on n’est pas content ». L’emploi du temps du Père Curtet ne lui laisse pas beaucoup de temps pour se plaindre. Il se lève à 7h du matin et finit aux alentours de 19h. En cas d’urgence, les infirmières peuvent lui téléphoner au logement de fonction qu’il occupe, à deux pas de la Conception. Dans l’année, le Père Curtet est aidé par un adjoint et par une équipe d’aumônerie, mais pour l’été il est seul. On frappe à la porte du bureau. Le Père Curtet crie d’entrer. La porte s’ouvre sur un clochard, un oeil ensanglanté, chemise déchirée, qui bredouille une histoire de bagarre et souhaite parler à Paul Curtet. « Pas maintenant, dans un moment ». Le clochard repart et le Père soupire : « Lui, il ne veut pas de réconfort spirituel, il veut des vêtements. C’est courant. J’ai un petit vestiaire pour eux. On me le reproche, on me dit que ce n’est pas très sacerdotal ! Rien à foutre ! Je ne vais pas les laisser partir cul nu quand même. Je veux aider les gens à se tenir debout ». Des chambres où l’on meurt. Aider les gens à se tenir debout, son credo. Mais le Père Curtent ne rentre jamais dans une chambre sans y avoir été invité par le patient, sa famille ou des amis. II s’agit la plupart du temps d’une simple visite de réconfort : « Lorsque je parviens à faire naître un sourire sur le visage d’une personne qui part au bloc opératoire, je me dis ‘mon gars, tu n’as pas perdu ton temps’ ». Souvent le Père Curtet est réduit à prononcer le sacrement de l’extrême-onction in extremis et à s’occuper des cérémonies funéraires. « Je connais par coeur les numéros des chambres où l’on meurt, avoue-t-il plus grave. Je ne sais pas si les gens qui demandent à me voir reviennent vers la religion. Une chose est sûre : ici ils doivent regarder la mort en face. Et parfois cela se passe mal, car dans notre société aujourd’hui, c’est la mort qui est tabou ». La mission d’aumônier dans un hôpital est parfois lourde à porter. Que répondre à l’angoisse des leucémiques et des cancéreux qui se savent condamnés à mourir bientôt ? « II n’y a pas de recette, pas de solution. Je peux juste les accompagner jusqu’au bout ». Plusieurs fois par an, le Père Curtet se retrouve seul avec le cercueil dans la chapelle de la Conception. Seul, seul, répète-t-il songeur avant que son gai naturel ne reprenne le dessus. Ce qui m’a sauvé c’est l’humour. Tant qu’on peut rire de soi, on tient ! Données chronologiques du Père Paul Curtet. Paul-Marie Curtet est né le 12 septembre 1930 à Saint-Franc (Savoie), de Joseph Curtet et de Marcelle Lanfrey. Ses études primaires se déroulent d’abord à Saint-Franc puis à Entre-Deux-Guiers (Isère). Il fréquente le collège Sainte Marie de Rumilly (Savoie), de 1941 à 1944, puis l’alumnat de Miribel-les-Echelles, de 1944 à 1948. Il prend l’habit le 23 octobre 1949 à Nozeroy (jura), y prononce ses premiers voeux le 2-4 octobre 1950. Sa profession perpétuelle est datée du 2 février 1956 (Lormoy, Essonne). Il a passé trois ans à Scy-Chazelles (Moselle) pour la philosophie (1950-1953), une année à l’armée (1953) et quatre ans à Lormoy pour la théologie (1954-1958) est ordonné le 22 mars 1958 et passe un an en pastorale à Lyon. Toute sa vie apostolique se déroule à Marseille (1959-2003), sauf une année de recyclage effectuée à Lyon (résidence à la communauté des Brotteaux, 1984-1985). Membre de la communauté de La Capelette, puis de Marseille-Cluny (1982), il est depuis 1995 rattaché à la communauté de Nîmes. Décès à Marseille le 10 août 2003[4].

Bibliographies