Pierre FLAYAC
1876-1891
Alumniste français, mort profès in articulo mortis.
[On peut être étonné de trouver dans le Nécrologe des Religieux de l’Assomption la mention d’un ‘alumniste’ mort à 15 ans, lequel ne peut avoir accompli à cet âge son temps de noviciat canonique. Cependant, ayant prononcé des vœux de religieux in articulo mortis, Pierre Flayac, alumniste au Breuil (Deux-Sèvres) a été compté dès les origines dans la catégorie des Religieux défunts. A sa manière, il récapitule la longue liste de tous ceux qui ont eu l’intention de se faire religieux, soit dans les alumnats soit dans les collèges de l’Assomption, et que la maladie ou d’autres circonstances de leur existence ont stoppés dans leur désir inachevé ].
Le récit du P. Félicien Vandenkoornhyuse.
Nous ne disposons comme document biographique sur Pierre Flayac que de la lettre information du P. Félicien sur le décès de cet adolescent, daté du 22 septembre 1891. Nous la reproduisons in extenso: « Notre petit frère Pierre, que la Vierge Marie nous a ravi au jour de son Assomption était originaire de Roudrac, dans le Lot-et-Garonne. Il en avait apporté, avec un accent méridional très prononcé, une démarche un peu lourde et des allures campagnardes. A Roudrac, il était sacristain. Je me rappelle encore avec quel entrain, lorsqu’on lui confia les mêmes fonctions au Breuil, il éteignait les cierges, emportait le missel et les burettes, dès que le célébrant avait donné la bénédiction. A Roudrac il faisait ainsi. Il ne s’imaginait pas qu’on pût faire autrement qu’à Roudrac. Mais sous cet extérieur quelque peu informe se cachait une belle âme: simple, docile, humble, consciencieuse, avec une délicatesse souveraine, débordante de bonne volonté, toujours prête à donner. Il ne brillait pas en classe, son style et son écriture rappelaient le petit paysan de Roudrac, mais il travaillait avec une constance et une ardeur qui ne se démentaient pas. Plusieurs fois le mai dont il avait reçu le germe en naissant l’obligea d’interrompre ses études. Dès qu’une amélioration se produisait, il retournait en toute hâte au travail. A Pâques, il dut laisser ses condisciples suivre, sans lui, Sulpice Sévère à travers les déserts peuplés de moines et de solitaires de la Thébaide. Ce fui un crève-cœur pour lui qui s’était fait du travail comme un besoin impérieux et une douce joie.
Dès lors, il se contenta de souffrir; sous l’action de la douleur, son âme grandit et s’épura, ses sentiments revêtirent une délicatesse qui nous étonna. Il avait toujours été bon, il devint charmant, aimable et tendre. Un jour, je devais M’absenter. J’allai le voir: « Voilà cher enfant, lui dis-je, il y en a qui sont condamnés à courir et d’autres qui sont condamnés à rester au lit ». Il sourit: « Ceux qui restent au lit, me répondit-il, peuvent courir avec les autres. J’irai par le cœur partout où vous irez ». Le médecin ne nous laissait pas d’espoir. Le cher enfant lui-même ne se faisait aucune illusion. Il avait un grand désir d’aller à Lourdes. Etait-ce un pressentiment naturel? Etait-ce une inspiration de la grâce? je ne sais. Mais il n’avait qu’un médiocre désir de retrouver la santé et il écrivait à son père, avec une délicatesse de pensée et de sentiment dont ses lettres d’autrefois ne portaient pas la trace: « j’irai à Lourdes, mais j’espère ne pas guérir; car, mon cher père, ici-bas c’est la mort, là-haut c’est la vie ». Le P. Alphonse lui disait un jour: e Pierre, que demanderez-vous à Notre-Dame de Lourdes? ». « Quelle me guérisse ou qu’elle me prenne. Mais si elle voulait me croire… elle me prendrait ». Le mal faisait des progrès. Nous lui donnâmes l’habit religieux, et dans une longue crise, nous lui fîmes prononcer ses vœux, après avoir marqué son corps tout endolori des dernières onctions de l’église. Nous pensions alors que le dernier moment était venu. A genoux auprès de son lit, nous lui disions: « Au revoir, Pierre! Au ciel, n’est-ce pas? ». « Oui, oui, répondait-il de sa voix presque expirante, au ciel! Vite, vite, au ciel! ». Quelques instants après cette crise qui avait failli l’emporter le P. Ignace le vit tendre les bras vers la porte de la chambre. Puis le cher enfant s’écria: « Ah! j’y vais, j’y vais! Oui, je vous suis ». « Que voyez-vous lui demanda le Père? Où voulez-vous aller? ». « Mais c’est la Sainte Vierge qui était venue, reprit l’enfant. Elle m’appelait. Je voulais m’en aller avec elle ». Quinze jours après, c’était une réalité. Au matin de l’Assomption le P. Jean-Baptiste lui apporta le Saint Viatique et célébra ensuite la messe à laquelle devaient communier tous les alumnistes. Notre petit Fr. Pierre pouvait de sa chambre entendre la clochette qui annonçait les parties principales du Sacrifice. Vint le moment de l’élévation. Le premier son frappait à peine son oreille qu’il poussa un soupir: son immolation était consommée, et les mérites de ce sacrifice si généreusement offert, si patiemment supporté, se mêlaient aux mérites du Sacrifice eucharistique. La Sainte Vierge était venu le prendre. Nous l’avons enterré dans notre petit cimetière, à l’ombre de nos grands arbres. Il y a retrouvé un autre Pierre qui avait, lui, fourni une longue carrière, Pierre Sarcher (1), qui était venu de sa chère Bretagne servir les frères de son fils. C’étaient dans le cœur de l’enfance et dans le cœur du vieillard, la même simplicité, la même foi, la même ardeur au travail, le même dévouement. Pour leurs âmes bien-aimées, c’est, nous en avons confiance, le même bonheur et la même gloire. Pour notre maison du Breuil, nous l’espérons, nos deux Pierre seront une assise inébranlable ». Félicien.
(1) M. et Mme Sarcher, parents du P. Benoît-Joseph Sarcher (1852-1929), s’occupaient de la cuisine et de la propriété du Breuil. M. Sarcher est décédé vers Noël 1889.
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Souvenirs 1891, n° 81, p. 727-728. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefroy. Récit de fondation de Notre-Dame du Breuil, le 16 octobre 1888 dans Trait cl’Union des anciens alumnistes, 1923, n° 4, p. 63-64 (Marius Prud’homme). Le cimetière du Breuil dans Trait d’Union des anciens alumnistes, 1924, n° 7, p. 173-174. Notices Biographiques