Religieux de la Province de Lyon.
Premiers parcours. formation et supériorat. Né le 3 novembre 1875 à Mirecourt (Vosges), Uon-Félix Merklen, fils d’un avocat, fait ses études secondaires au petit séminaire de La Malgrange, près de Nancy en Meurthe-et- Moselle (1887-1891). Après des études de droit, il étudie la théologie passe au grand séminaire (1894-1896). Au mois de juin 1896, il entre au noviciat de l’Assomption à Livry- Gargan (Seine-Saint-Denis), sous le nom de Frère Pierre- Fourier. Après ses vœux annuels, il est envoyé à Rome pour compléter ses études de théologie couronnées par un doctorat. Profès perpétuel le 10 août 1898 à Livry, il est ordonné prêtre le 18 mars 1899 par le cardinal Cassetta, à Saint-Jean-de- Latran, 15 jours avant Eugenio Pacelli, le futur Pie XII. Il est nommé en septembre 1900 à la tête de la maison d’études de Louvain, communauté d’une centaine de religieux, qu’il transforme rapidement en un centre de hautes études philosophiques et théologiques et dont l’organe de rayonnement est la Revue Augustinienne (1903-1910). Le jeune supérieur y préside avec le don d’enthousiasmer les disciples qui lui sont confiés, servi par une mémoire exceptionnelle, un don d’analyse et de synthèse au-dessus du commun et une forme d’intelligence aussi pénétrante qu’organisatrice. Mais les remous des luttes anti-modernistes se développent et les suspicions ne tardent pas à pleuvoir sur cette maison comme sur celle de Jérusalem. le P. Emmanuel Bailly supprime la revue et écarte le P. Merklen de la direction de la maison (1913).
En réserve et en attente. Le P. Merklen est alors nommé en Angleterre, à Newhaven, aumônier de religieuses. Il supporte cette épreuve avec esprit de foi et de soumission, mais il anime aussi un mouvement de protestation contre certaines mesures et coutumes de direction à l’Assomption qui alertent la Congrégation des Religieux à Rome. Soustrait aux activités militaires, en exil, il revient en France en 1919, comme professeur de philosophie au collège de l’Assomption à Nîmes (Gard). Ses qualités d’entraîneur et d’éveilleur des esprits et des coeurs peuvent se donner libre cours, au moment même où la Congrégation est sommée par Rome d’aligner ses Constitutions sur le Droit canonique. Le P. Merklen développe dans l’ombre un courant de sympathie à cet esprit de réforme, entretenant une correspondance masquée avec ses anciens élèves, partisans du changement.
Dans la mêlée: au service de la Bonne Presse. En 1923, la Congrégation change de tête et de méthodes: le P. Merklen est appelé à prendre la direction de la Documentation Catholique à la Bonne Presse (Paris), hebdomadaire réputé pour le sérieux de ses informations sur la vie de l’Eglise et de la société, comme sur la pensée intellectuelle du temps. En 1927, les remous de la condamnation de l’Action française le portent, à la suite d’une intervention de Rome, à la tête du journal La Croix, Le P. Gervais Quenard est d’a%is d’écarter le P. Berthoye et d’imposer avec la personne du P. Merklen une autre ligne au journal. Sous la conduite de ce maître à penser, théologien et philosophe, La Croix va connaître une profonde transformation, rompant avec la veine traditionaliste, conservatrice, monarchiste de ses débuts et orientant les catholiques à une meilleure compréhension des temps nouveaux, non plus en fonction du passé, mais en vue du présent. Les grands éditoriaux du P. Merklen, d’allure doctrinale, solidement charpentés, accordés à la pensée rénovatrice de Pie XI, apportent au catholicisme français une plus grande sérénité dans les débats d’idées et d’action qui agitent cette période. Contre les doctrines maurrassiennes et contre la montée des idéologies nationalistes, il ouvre les lecteurs à l’universalité de l’Eglise, aux directives de la papauté en faveur de la paix, de la réconciliation, de l’entente entre les peuples. Son éditorial retentissant, L’avenir de la jeunesse ouvrière chrétienne, paru dans La Croix du 21 novembre 1929, dédouane ce mouvement, encore suspecté auprès des catholiques, clergé et fidèles. Artisan et partisan d’une franche réconciliation franco-allemande jusqu’en 1933, le P. Merklen use de son influence dans les instances internationales de la presse catholique, notamment dans la Commission internationale des directeurs de journaux catholiques dont il est l’un des fondateurs en 1928. Très proche du pape Pie XI, il est reçu fréquemment en audience privée et peut répercuter les initiatives de la papauté. Le P. Merklen publie deux études: La continuité pontificale (1935) et Les leçons de l’encyclique Summi pontificatus (1940). En 1939, le Saint- Siège avertit le P. Merklen que son nom est inscrit par les Allemands sur une liste de proscription. Le directeur de La Croix cherche encore en 1939, par tous les moyens, à alerter la conscience des catholiques soumis aux idéologies nationalistes (Budapest, Varsovie). En mai 1940, la police allemande veut s’emparer de lui qui a transféré les services du journal à limoges. A partir de 1942, la ligne de démarcation étant supprimée, il doit se cacher en Lozère, puis en Corrèze pour éviter une arrestation. Raflé pourtant avec d’autres religieux, il est mis au mur d’exécution, mais les Allemands ignorent son identité. Un ordre de repli urgent le libère de l’exécution imminente. Se tenant à l’écart des directives de collaboration prônées par Vichy qui cherche ;à imposer des déclarations tendancieuses, La Croix qui ne paraît qu’en zone Sud, s’oppose aux rectifications, même à celles que désirerait Rome, et connaît la censure. Le P. Merklen est en relation avec les hauts noms de la Résistance chrétienne: Bidault, Gay, R. Schuman, M. Schumann, Teitgen. Elle peut reparaître sous son nom en 1945, après quelques alertes en sens contraire. L’esprit national et anti-collaborateur du journal, de son directeur et de rédacteurs courageux (Limagne), lui épargne le sort de nombreuses feuilles supprimées à la libération. Le procès conclut à un non-lieu. Le P. Merklen meurt;à Paris, le 10 septembre 1949. Il est inhumé le mardi 13 suivant à Montparnasse.
Bibliographies
Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille 1949, p. 69 et 1954, n° 176, p. 102-104. Documentation Catholique, 1949, n° 1052, col. 1237-1242. La Croix, Il septembre 1949. Catholicisme, tome VIII (1979), col. 1228-1229. Dans les ACR, du P. Pierre-Fourier Merklen, correspondances (1900- 1948), rapports sur Louvain (1904-1913)% Le P. Merklen a laissé des Ephémérides (1940), Mémoires sur les années 1941-1942, un Journal de guerre et 40 cahiers de notes personnelles dont le P. Bombieri a assuré la dactylographie. On trouve des articles du P. Merklen dans la Revue Augustinienne de Louvain et dans le journal La Croix (1929-1949)’. Alain Fleury, La Croix et l’Allemagne, 1986; André Metzger, Un journal d’Action catholique, 1967 (mémoire); Pierre Limagne, Ephémérides de quatre années tragiques 1940- 1944, Paris, B.P., 4 volumes (1945-1948). Colloque Cent ans d’histoire de La Croix, Le Centurion, 1988 (cf pages 436-441: Chronologie du P. Merklen) . Conférence de M. Hilaire, Paris rue François Ier, année 2000.