Prosper WITZ – 1923-1945

Cavalerie, 1944.
« Après avoir, selon votre propre expression, sauvegardé la ferveur du
novice sous l’uniforme du jeune des Chantiers, la Providence m’a ménagé un
heureux retour au nid du noviciat. Nid bien doux, bien aimé, où l’on
respire à pleins poumons, j’allais dire à plein cœur, une atmosphère de
bien-être, de famille, d’union à Dieu. Jour après jour se sont écoulées les
heures de ce noviciat et voilà que déjà il touche à sa fin, toute proche.
Mais aurai-je bien contribué au but du noviciat? Je me juge encore bien peu
doué en fait de vertus, de renoncement et de sacrifice, bien indigne de
l’honneur de faire ma première profession. Aussi dois-je faire appel à
votre bonté pour l’admission aux vœux. Entouré
des soins bienveillants du maître des novices et de sa vigilance, on ne
peut éprouver que le désir de la vie religieuse et sacerdotale. Voulant me
consacrer à Jésus avec la ferme résolution de gravir rapidement les
dernières marches qui me séparent de l’autel, dès à présent, je vous
remercie du bonheur qu’éprouve mon âme à faire cette démarche de demande et
à traduire en prières de remerciement votre réponse
».
Fr. Prosper Witz.

Religieux de la Province de Lyon, profès perpétuel in articulo mortes. D’une vie à peine éclose. Prosper Witz est né le 23 décembre 1923 à Westhouse (Bas-Rhin), dans le diocèse de Strasbourg. Il accomplit ses études secondaires dans les alumnats de Scherwiller (Bas-Rhin), de 1935 à 1939, et de Miribel-les-Echelles (Isère), de 1939 à 1942. Il peut prendre l’habit le 7 septembre 1942 au noviciat de guerre de Cavalerie (Dordogne) et y prononcer ses vœux, le 25 mai 1944, après avoir fait entre-temps un stage obligé aux Chantiers de jeunesse (15 juillet 1943 – 6 février 1944). Le P. Casimir Romanet est son maître des novices. Le Frère Prosper a fait partie de petit groupe de six religieux novices-étudiants qui ont eu pour maîtres occasionnels les PP. Marie-Rogatien Bahuaut et Pierre-Fourier Merklen, hôtes plus ou moins déguisés de la maison, en raison des circonstances. Le Frère Prosper est un jeune homme timide, discret et sensible. Grâce à ses talents et aux dons reçus, son intelligence, s’ouvre, son contact avec les autres se fait plus ouvert et plus confiant. Durant des mois entiers, il a la charge des malades, tâche qu’il remplit sans bruit, sans agitation, mais avec beaucoup de sollicitude. Au temps des vendanges, son travail et sa modestie le font apprécier des ouvriers agricoles. Le 5 novembre 1944, il peut écrire au P. Pierre-Fourier retourné à Paris: « Mon Père, vous aviez deviné juste lorsque dans votre lettre vous me disiez. ‘Peut-être êtes-vous déjà à Layrac’? J’y étais alors, mais les temps ont déjà changé et pour mon malheur ou pour mon bien., j’ai dû reprendre le chemin de Cavalerie. La maison d’études ne peut recevoir les 40 philosophes de première année qui arrivent de Pont-l’Abbé d’Arnoult et de Cavalerie. Une séparation entre bacheliers et non-bacheliers s’impose. Page :397/397 Peut-être que si un certain Frère Prosper avait mieux travaillé, il aurait pu rester à Layrac ». Il ajoute au même religieux le 29 décembre 1944: « L’année 1944 se meurt dans les angoisses de la guerre. Est-ce que 1945 va enfin nous apporter les douceurs de la paix? Il y a un an plus un mois, moins un jour, le P. Supérieur vous a présenté un jeune des Chantiers, un peu timide et très fermé, ayant peur de l’effort, n’ayant confiance en personne. C »est celui qui vous prie d’agréer, avec ses meilleurs sentiments de reconnaissance et de gratitude, son plus profond souvenir » Refusé pour faute de place à Layrac (Lot-et-Garonne), le Frère Prosper est donc revenu à Cavalerie, mais il doit s’aliter. Il croit à un simple mal de tête, mais autour de lui on pense très vite à une sinusite. Le docteur appelé en consultation flaire tout de suite une forme de méningite très dangereuse. Une ponction du liquide céphalorachidien est pratiquée. Après analyse au microscope, l’examen révèle une tuberculose avancée. C’est un cas de méningite pour lequel on ne connaît pas de remède. On estime d’ailleurs qu’une guérison n’apporterait qu’un état de santé précaire, pire que la mort. On craint l’inconscience ou le coma dans un délai très rapproché. Le Frère Prosper, à la nouvelle de la gravité de son mal, en est surpris jusqu’aux larmes, puis il se résigne à son sort. Non sans humour, il assiste aux préparatifs de l’Extrême- Onction. Il s’enquiert, auprès de son supérieur, le P. Bahuaut, des rites qui le concernent: comment présenter les mains et les pieds aux onctions? Toute la communauté se rassemble, le 16 janvier, dans la chambre du Frère, autour de son lit, pour la cérémonie. Peu de temps après l’administration du sacrement, le Frère Prosper sombre dans le délire et le coma. Il meurt ce même jour, 16 janvier 1945: il vient d’entrer dans sa 22ème année depuis le 23 décembre précédent. Il est inhumé à Cavalerie. Le P. Bahuaut, très affecté par ce décès inopiné, ne peut qu’écrire: « J’ai passé de très douces et de très douloureuses heures au chevet de notre cher malade qui n’a pas été quitté d’une minute. Il m’a serré un jour les deux bras autour du cou pour me demander pardon. Priez pour lui et pour nous. C’était un Frère robuste, le dernier duquel on pouvait penser à la mort ». Page :398/398

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille, février 1945, n° 2, P. 7; avril 1945, n° 4, p. 19. Lettre du Frère Prosper Witz au P. Provincial de Lyon, P. Maximilien Malvy, Ca- valerie, 4 avril 1944.