Sauveur (René-A.-J.) MARTIN – 1894-1982

Sentiments.
« Comme je ne me fie plus à la poste de Bruxelles, je vous écris un
troisième mot. Les
souvenirs se sont clarifiés dans mon esprit depuis. Au moment d’accepter le
poste, je vous ai posé une question de confiance. Je vous ai dit mon projet
d’aller en Auvergne ou en Savoie où les gens se mettent en quatre pour
m’aider et organiser avec des jeunes une fête. Je vous ai demandé
si vous me laissiez carte blanche. Vous avez répondu avec un oui
enthousiaste. Quand j’ai mis le projet à exécution, vous étiez à Paris où
je vous ai écrit et ma lettre est restée sans réponse. Vous imaginez-vous
que je fais des voyages d’agrément? Si vous m’aviez vu à l’œuvre, vous
auriez jugé autrement. Les jeunes ont collecté 30 kg de chocolats, 10 de
cacao, 15 kg de sucre, 60 boites de sardines, des cigarettes. Les gens se
sont chargés de les nourrir. 3000 images de Ste Rita ont été vendues. Les
Pères de Paris ont applaudi et même le P. François-Joseph
[Thonnard] à qui j’ai parlé de cette action pendant la retraite, trouvant
que c’est un excellent moyen. Maintenant vous m’envoyez la tuile. Je
regrette de ne plus avoir aucune confiance en vous ».
Sauveur Martin.

Religieux de la Province de Belgique Sud.

Un temps de formation étiré.

René Alphonse Joseph Martin est né le 1er septembre 1894 à Anvers (Belgique) où son père est douanier. Très tôt il ressent l’appel à la vocation sacerdotale, désirant mettre son énergie au service du Royaume. Les événements retardent la mise en oeuvre de son projet apostolique, tout en favorisant la maturation de sa foi et de sa ferveur juvénile. Après avoir fait ses études secondaires au Bizet (1909-1912), à Gempe (1912-1913) et à Ascona en Suisse (19131914), il se trouve bloqué durant la première guerre mondiale au noviciat de Limpertsberg (Grand-Duché de Luxembourg). Postulants et novices doivent travailler manuellement pour vivre, plus exactement pour ne pas mourir de faim. Entré à Sart-les-Moines le 5 août 1914 pour un temps de postulat, René ne peut commencer un noviciat canonique avant le 11 février 1918 à Louvain, ville qu’il a pu gagner avec quelques confrères grâce au P. Possidius Dauby. Il prend l’habit sous le nom de Frère Sauveur et prononce ses premiers vœux le 19 mars 1919 à Saint-Gérard où l’Assomption vient de s’installer dans une abbaye millénaire. Le Frère Sauveur poursuit ses études à Louvain. Profès perpétuel le 19 mars 1922, il est ordonné prêtre le 27 juillet 1924.

Un curé entreprenant et vivant.

Après une année de professorat à Zepperen (1924- 1925) et une autre année à Bruxelles comme animateur paroissial à la Madeleine, le P. Sauveur réside une dizaine d’années à Haine-Saint-Pierre. Il y est vicaire, puis curé: il exerce une pastorale populaire et crée un jeu de la Passion pour lequel il sait mobiliser une grande foule de participants. De 1936 à 1947, le P. Sauveur fait un premier séjour en France.

Il prend en charge la paroisse de Vieils-Maisons dans le diocèse de Soissons (Aisne), mais en 1940-1941 l’exode le conduit à Surat en Auvergne oÙ par la suite il aime y revenir, organisant des fêtes, travaillant à la décoration de l’église, collectant des denrées de toute sorte pour des oeuvres caritatives et sociales. Dans ces localités, le P. Sauveur sait se dépenser au service des paroissiens, leur rendre courage et foi en l’avenir, malgré les ruines accumulées par la guerre, donner goût à cette vie aux populations dont les conditions matérielles sont souvent très difficiles. Un jour il héberge dans son presbytère trois réfractaires au travail imposé par les Allemands, l’un d’eux n’est autre que le Frère Jean-François Mudry. Le P. Sauveur désire faire régner dans tous les cœurs la joie du Christ. Un témoignage postérieur d’au moins trente ans, lui exprime ce sentiment partagé par beaucoup: « Le souvenir de Viels-Maisons et des belles messes qu’on y célébrait reste vivace. On trouvait une ferveur gaie, en forme d’alléluia. Je ne pense pas que ce soit lié à l’insouciance de ma jeunesse. C’était probablement lié à votre foi et à vos qualités de cœur que vous saviez communiquer. Il est maintenant de mode, parce que le monde va de travers, de prendre des mines austères par solidarité! Comment veut-on faire advenir le Royaume de Dieu sur terre si l’on n’essaie pas de refléter sa lumière et sa joie? ». En 1947, le P. Sauveur revient en Belgique, participe à la fondation de Borsbeek et devient, l’année suivante, aumônier chez les Sœurs de Saint-Charles à Wez-Welvain. De 1953 à 1971, il réside à Bruxelles, une année au service des pèlerinages de Notre-Dame de Salut, onze ans en charge de la Procure des missions. Puis il est durant six ans vicaire à Saint-Nicolas-Bourse, tout en s’occupant de l’U.O.P.C. Durant plusieurs années, il va chaque matin, à pieds, célébrer l’Eucharistie chez les Oblates, place Quetelet. De 1971 à 1976, on le retrouve en France, au service de la paroisse de Fons-outre-Gardon (Gard). De retour en Belgique, il est aumônier des Frères Maristes à Mont-Saint-Guibert, visite de nombreuses familles, travaille à Hevillers comme vicaire dominical. Le 15 novembre 1982, alors qu’il est de passage à Bruxelles pour une réunion de communauté, le P. Sauveur s’affaisse subitement clans le bureau du Père économe. Ainsi s’achève une vie toute donnée. Ses obsèques sont célébrées le surlendemain à Saint-Gérard. Le P. Pierre Charon peut conclure la présentation de cette vie bien remplie: « L’intimité du P. Sauveur avec Dieu était très grande: nombreuses heures d’adoration, de présence, de prière. Ouvert à Dieu, il pouvait plus facilement l’être aux hommes ».

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (II) 1981-1983, p. 17. Belgique-Sud Assomption, 1982, p. 1938-1942. Lettre du P. Sauveur Martin au P. Rodrigue lqoors, Borsbeek, 8 juillet 1948. Dans les ACR, du P. Sauveur Martin, rapports sur Haine-Saint-Pierre (1929-1935), sur Viels-Maisons (1936-1947), correspondances (1918-1964).