Yvon (Jean-Yves-Marie) LE FLOC – 1889-1975

Postulation.

« Un dossier concernant la cause de béatification du Père Marie-Clément
Staub, A.A., apôtre du Sacré-C?ur, et fondateur de la Congrégation des
S?urs de Ste-Jeanne d’Arc sera bientôt envoyé à la Congrégation des Rites,
à Rome.

Ce dossier comprend les écrits du serviteur de Dieu, la copie des
dépositions des témoins aux procès informatifs à l’évêché de Strasbourg,
diocèse où le Père est né, et à l’archevêché de Québec où il est mort.

A ce dossier le postulateur doit ajouter des ‘lettres postulatoires’,
provenant de personnages éminents et manifestant le désir que le
Père Marie-Clément Staub soit béatifié par l’autorité ecclésiastique. Je me
permets donc de vous prier de vouloir bien m’adresser, sans tarder, une
lettre postulatoire de votre propre composition. Je m’excuse de vous
proposer un exemple.

P. Yvon Le Floc’h, A.A., postulateur.

Lettre au P. Paul Charpentier, Québec, 12 juillet 1971.

Religieux français, de la Province d’Amérique du Nord. Une vie entre l’histoire et la légende. Jean-Yves-Marie Le Floc’h est né le 21 décembre 1889 à Guengat (Finistère), de cette famille bretonne de tailleurs qui donna à l’Assomption trois de ses fils. Jean-Yves commence ses études secondaires à l’alumnat de Courtrai (1903-1904), les poursuit à celui du Bizet (Belgique), de 1904 à 1906 et les achève, pour les humanités, à Taintegnies (1906-1908). Novice à Louvain où il prend l’habit le 28 août 1908, après un temps de postulat à Gempe, il revient à Gempe où il prononce ses premiers v?ux, le 29 août 1909, sous le nom de Frère Yvon. Improvisé infirmier, il racontera plus tard, à l’anniversaire du décès d’un de ses frères, comment l’on pouvait mourir jeune à l’Assomption: « Il m’a soigné, je l’ai soigné, il est mort ». Profès perpétuel le 30 août 1910, il accomplit à Louvain ses études de philosophie (1910-1913), ne consacrant que 5 mois au service militaire. Elève et disciple du P. Merklen, il fait partie de cette génération d’Assomptionnistes imbus de la passion d’apprendre et libres d’exprimer franchement les idées les plus personnelles. Thomiste ardent, il garde une certaine indépendance à l’égard des livres, des professeurs et des doctrines. Hormis la question de la foi et de l’attachement indéfectible au Saint- Siège, il se permet de juger par lui-même toutes les idées émises, accepte ce qui cadre avec son système et écartant sans pitié tout ce qui s’en éloigne. De là date son idée de constituer un fichier, classifiant et ordonnant tout le savoir emmagasiné selon l’ordre des articles de la Somme de saint Thomas. il garde toute sa vie une vive curiosité intellectuelle et un grand amour de la lecture. Suivant la coutume, ses études sont interrompues par deux années d’enseignement, à Bure (1913- 1915). Ses études de théologie se déroulent à Louvain (1915- 1919). le Frère Yvon est ordonné prêtre le 12 mai 1918 par Mgr Legraive. Au nouveau monde. Pendant 21 ans, le P. Yvon, affecté au collège de Worcester (U.S.A.), enseigne la philosophie et les sciences. D’une régularité parfaite, fidèle comme le roc breton, il vit réglé comme une montre, faisant dans le parc un nombre fixe de pas durant ses promenades, à l’aller comme au retour. Religieux exemplaire, il suscite ou fortifie de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses, admiré pour ses connaissances encyclopédiques, répondant à toute question en tirant une fiche de son répertoire. L’admiration suscitée auprès de son auditoire ne lui épargne pas les espiègleries des jeunes tètes qui, à heures fixes,

lancent à haute voix ces ovations spontanées ou ‘home runs’ qui viennent distrendre et égayer le cours imperturbable de ses argumentations. En 1940, il cède sa chaire de philosophie au P. Wilfrid Dufault. Des Etats-Unis, il passe au Canada et du ministère de l’enseignement à celui de Maître des novices, à Québec. Il y joint la charge du supériorat dans une maison remplie à craquer d’étudiants en théologie suivant les cours au grand séminaire de la ville. Neuf années durant, sans personnel suffisant et dans des conditions matérielles difficiles, il fait face à ses obligations, menant de front le combat spirituel et la bataille du pain quotidien. Il faut de la place. Sans architecte, il s’improvise constructeur, mettant toute la maison à la tâche sous la direction d’un ouvrier de métier. Du sol surgissent un poulailler, un couvent pour les Soeurs de Ste-Jeanne d’Arc et la maison ‘Saint-Joseph’ pour les étudiants. Les constructions défient le temps, la direction du noviciat n’en souffre pas, arc-boutée sur ses fameux principes de règle, assortis des invariables ‘non licet’. Homme de silence, il construit aussi peu à peu une sorte de légende dorée qui, comme toute légende, se nourrit des exagérations et invraisemblances tirées de faits de vie bien réels. Il accueille avec joie en 1949 une nouvelle obédience qui le nomme jusqu’en 1961 aumônier des Petites-Soeurs de l’Assomption à Montréal. Professeur intérimaire à l’alumnat de Dury (19611964), il accepte encore un supériorat à Beauvoir une année avant de goûter un repos mérité et relatif à Sillery à partir de 1965. Un autre ministère lui tient à c?ur, la cause de béatification du P. Marie-Clément Staub dont il devient le promoteur-postulateur. Le métier ne lui est pas inconnu, il s’est déjà exercé à la même tâche en s’occupant de la cause de S?ur Marie-Cécile-de-Rome, de la Congrégation de jésus-Marie. Le petit livre ‘Comment l’Eglise fait les saints’ révèle son respect pour les formes canoniques. Il publie une vie du P. Marie-Clément et réussit à conduire la cause jusqu’à l’achèvement du procès diocésain. Exigeant pour lui-même et pour les autres, grand travailleur, méticuleux, il accumule une documentation impressionnante. Certaines de ses formules favorites font sourire: ‘La communauté n’existe pas, ce sont les religieux qui existent’, boutade qui traduit en fait sa compréhension de la vie religieuse plus sous une forme individuelle que communautaire ou collective. La communauté néanmoins ne se prive pas de le ‘faire marcher’ et de le taquiner sur ses manies: le contraire l’aurait d’ailleurs offusqué, ce qui est un signe de bon esprit communautaire. D’une volonté et d’une énergie indomptables, mangeur de gros appétit, il manifeste un désir de vivre qui lui permet de surmonter les handicaps de la vieillesse et même plusieurs atteintes de paralysie. Sa vie et sa légende entrent dans l’éternité le 9 janvier 1975, au terme d’une longue existence terrestre. D’une trempe peu ordinaire, d’une personnalité aux traits marqués, le P. Yvon Le Floc’h lègue à ses confrères le goût alzonien d’un esprit puissant et franc, solide dans ses convictions, énergique dans ses entreprises et heureux d’avoir partagé avec tous les joies et les espérances d’une Assomption très vivante, sur les rives de deux continents. Décédé à l’âge de 85 ans, le P. Yvon est inhumé le dimanche 12 janvier dans cette terre qu’il a faite sienne pendant plus de cinquante ans.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Documents Assomption, Nécrologe (I) 1975-1980, p. 5-6. L’Appel du Sacré-Coeur, mars 1975, vol. 26, n° 8, p.5, 9 et 16. Le P. Yvon Le Floc’h par le P. Armand Desautels, 5 pages. Souvenirs par le P. R. Richards, 2 pages. Assumptionists Deceased in North America, 1995, p. 23. Homélie des obsèques du P. Yvon Le Floclh par le P. Joseph Loiselle, 12 janvier 1975, 3 pages. Yves Garon, Les Assomptionnistes au Canada, Sillery, 1997. Dans les ACR, du P. Yvon Le Floclh, correspondances (1908-1971), rapports sur Qu4bec (1946-1948). Le P. Yvon Le Flac’h a écrit plusieurs articles dans la revue de l’Assomption, notamment sur la cause du P. Marie-Clément Staub auquel, postulateur, il a consacré une biographie spirituelle en deux volumes (1967-1968) ainsi qu’à la Congrégation des Soeurs de Sainte-Jeanne d’Arc (1964). On trouve des articles du P. Yvon Le Ploclh également dans deux revues québécoises: L’Appel du Sacré-C?ur et Le Germe.