Albert De Veer – 1910-2003

Un Augustinien de qualité, soucieux d’actualisation.

Albert De Veer est né le 19 juillet 1910 à Geffen (Pays-Bas). A 11 ans, il entre à l’alumnat de Boxtel, il y accomplit ses premières études de 1921 à 1926, puis gagne l’alumnat de Sart-les-Moines (Belgique) pour un an (1926-1927). Il fait le choix de la vie religieuse à l’Assomption en prenant l’habit à Taintegnies le 30 octobre 1927. Il y prononce ses premiers vœux en 1928. Son parcours est tout tracé&nbps;: études de philosophie à Saint-Gérard (Belgique), de 1928 à 1930, puis études de théologie à l’Université de Louvain (1931-1935). Il y obtient une licence d’histoire. En même temps il assure un enseignement à l’alumnat de Boxtel. Il est ordonné prêtre à Louvain le 26 décembre 1934.

En 1940, les Pays-Bas sont envahis par les nazis. On dit qu’arrivé au port de Dunkerque (Nord), il voit partir le dernier bateau pour l’Angleterre, qui va être bombardé un peu plus tard &nbps:! Le Père Albert se replie alors sur Nimègue où, avec un médecin néerlandais, il met sur pied un réseau de résistance, dit ‘de secours’: collecte de vivres pour accueillir des compatriotes en détresse, protection de Juifs qu’il faut acheminer vers l’Espagne.

En 1941, il réussit à préparer son doctorat en histoire. Il est nommé premier assistant du supérieur à Nimègue. Devant une menace d’arrestation, il doit se cacher et passe en France où il se met à la disposition du diocèse d’Arras. En 1944, il rejoint à Strasbourg (Bas-Rhin) les autorités militaires des Pays-Bas. Comme capitaine, il est chargé de la direction d’un camp d’accueil de Néerlandais en cours de rapatriement. Sa formation et son souci de la recherche le conduisent au scolasticat de Lormoy en 1946 pour travailler en collaboration du Père Cayré au Centre d’Etudes Augustiniennes. Il est également professeur d’histoire ecclésiastique et d’histoire profane. Il rejoint ensuite la communauté de la rue François Ier à Paris, pour une durée de trente ans, jusqu’en 1976.

Il travaille dans le cadre du C.N.R.S., homme passionné par l’histoire et les écrits de saint Augustin. Son souci pastoral lui fait également choisir le service de communautés religieuses. Dans le domaine de son travail intellectuel, le Père Albert cherche à placer le Patriarche de l’Occident dans le cadre historique de son temps et se préoccupe d’actualiser l’homme, car pour lui Augustin n’est pas seulement un objet d’études, mais une force inspiratrice et une lumière pour notre temps. Il ne refuse pas pour autant le travail aride et ingrat de traduction et de correction qui lui est imposé, mais il contribue pour sa part à rendre le prestigieux pasteur et docteur près des hommes de son temps et du nôtre.

Au service de la vie pastorale, à Cadouin.

Arrivé à l’âge de la retraite professionnelle à 65 ans, en1975, le Père Albert ne songe pas encore au repos. En 1976, tout en restant rattaché à la communauté parisienne, à la demande de l’évêque du lieu [Mgr Jacques Patria], le Père Albert est affecté comme curé de Cadouin en Dordogne, consacrant ses dernières forces à une vie pastorale active. A qui le visite, le P. Albert, enthousiaste, est heureux de faire part des contacts qu’il établit avec le séminaire, avec les groupes de Néerlandais qui habitent la région, avec ses paroissiens. Il est fier de montrer son église et le presbytère, les restes d’un monastère cistercien. Il s’applique avec zèle à l’embellissement des bâtiments. En 1988, il est nommé Chevalier de l’Ordre de Orange Nassau : toute la paroisse fête l’événement. Le Père Albert aime le beau. De tempérament artiste, il cultive la littérature, la peinture, qu’il pratique un peu (peinture de l’église de Cadouin, portraits), et la musique. Comme son père, ébéniste de métier, il travaille le bois avec goût. Déjà avant la guerre, à Boxtel, il mettait en scène avec les élèves l’opéra Joseph de Méhul. Lui-même a traduit les textes et arrangé la musique. Après 15 ans de contact avec les chrétiens de base à Cadouin, le Père Albert gagne la maison de repos de Layrac (Lot-et-Garonne), en octobre 1991. Il y retrouve le cadre d’une vie communautaire à la manière augustinienne et en profite pour méditer et approfondir les grands textes de son auteur de prédilection. Il a alors la possibilité de dévorer bien des ouvrages que les activités de sa vie pastorale ne lui avaient que permis de prospecter.

Une personnalité forte, enracinée dans la foi.

Bien sûr arrive l’heure où le corps ne peut plus suivre le rythme des activités de son esprit toujours alerte et vif. Il est frappé d’une hémiplégie dans son atelier de peinture. Son espace vital est réduit aux quelques mètres carrés de sa cellule, à partir de 1996. Comme Augustin, le Père Albert a toujours cru à la force de la vie communautaire, comme base de sa vie religieuse à la suite du Père d’Alzon. Dans une lettre remontant à une trentaine d’années au Père Arno Burg, il évoquait nostalgiquement le train des choses dans sa Province d’origine &nbps: * Peut-être suis-je de l’ancienne mode, de la vieille génération, bien que j’aie applaudi à pas mal de changements. Mais ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la vraie vie communautaire. J’aimerais être un simple curé de campagne au milieu de gens simples mais pleins de bon sens. De toutes façons restons fidèles +.

Sans doute, le Père Albert était-il trop exigeant et sa critique se faisait parfois tranchante et même mordante. C’était là le débordement d’une nature idéaliste qui plaçait la barre très haut, pour qui la vie réelle n’était pas toujours facile. Sa vie longue et féconde a connu aussi des moments difficiles. Mais toujours il est resté fidèle à son idéal, car c’était un homme de foi, un vrai croyant pour qui Dieu, Jésus-Christ et son corps, l’Eglise, étaient au centre de sa spiritualité et la Congrégation y occupait une place centrale. Albert quitte cette terre le jour de l’octave de Noël, le 1er janvier 2003, fête de la maternité de Marie, celle qui s’est ouverte en toute perfection à la volonté du Seigneur. Elle n’a pas refusé de jouer un rôle incompréhensible mais combien fécond dans le mystère du salut. C’est ce mystère qui était au centre de la vie du Père Albert et qui lui est manifestée maintenant. Il voit à présent Dieu face à face, nous le croyons. Et il restera pour nous dans nos souvenirs comme un bon religieux, un homme de foi qui, nous en sommes convaincus, est entré dans la paix de son Seigneur. Peut-être a-t-il déjà entamé une discussion avec saint Augustin… +.

D’après l’homélie des obsèques prononcée par le Père Arno Burg à la cérémonie d’enterrement du Père Albert De Veer, à Layrac, le 3 janvier 2003.


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Bibliographies