Augustin (Pierre) GUILLOT – 1918-1948

En camp, septembre 1941.
«J’ai reçu ces jours derniers des nouvelles du P. Marie- Albert [Devynck]
et du noviciat de Vérargues. Un ancien compagnon de Saint- Denis y termine
son séjour sans passer par l’Allemagne. Il me dit être sans nouvelles de
Saint-Denis. Le P. Didier
[Nègre] y est-il encore, et à Montéchor le P. Donat? Une circulaire vient
de passer au camp, nous autorisant des abonnements aux journaux de la zone
occupée. Si vous pouviez me faire parvenir de temps à autre La Croix ou
d’autres revues de la Bonne Presse, cela me serait agréable, ainsi qu’à
notre petit groupe de séminaristes et de prêtres, en permettant de nous
unir aux efforts des chrétiens de France par la prière et par l’épreuve. Je
vous remercie du dernier colis que vous avez eu l’amabilité de me faire
envoyer par l’intermédiaire de la croix Rouge. Par les lettres que je
reçois de ma famille à Rouen ou du P. Sernin Baron à Montpellier, je me
rends un peu compte de la difficulté
présente, pire peut-être encore à l’avenir pour les économes. Nous avons
ici une retraite du
27 au 30 septembre inclus». Pierre Guillot, 19 septembre
1941.

Augustin (Pierre) GUILLOT

1918-1948

Religieux de la Province de Paris.

Une vie marquée par la guerre 1939-1945.

Natif de Rouen (Seine-Maritime) où il voit le jour le 29 janvier 1918, Pierre Guillot fait ses études au pensionnat Saint-Jean-Baptiste-de-la-Salle. Il manifeste un certain goût pour l’architecture et commence à suivre à l’Ecole des Beaux-Arts une formation appropriée et pense prendre la succession de son père, Marcel. Il fait du scoutisme et devient responsable d’encadrement comme assistant de troupe. Il entend alors l’appel à la vie religieuse et sacerdotale et il entre dans une maison de formation de l’Assomption (Saint-Denis, près de Paris) avant de gagner, trois ans plus tard, le noviciat tout proche des Essarts, en 1939. Il prend le nom de Frère Augustin. Mais l’épreuve se présente sous la forme générale de la mobilisation. En septembre 1939, il doit rejoindre un régiment du Génie et, en juin 1940, après 4 mois de campagne active, il est fait prisonnier, ce qui lui vaut de nombreuses années de captivité en Allemagne (1940-1945). Il fait six camps successifs en Silésie, en Slovaquie, en Pologne et en Autriche. Les bombardements alliés sur Vienne et son retour à marches forcées sont fatales à ce qui lui reste de forces. Un avion américain le recueille avec la petite troupe qu’il pilote, lui sauve la vie et en mai 1945 le rend à son pays et à sa vocation. Frère Augustin commence en famille une première période de convalescence. Aguerri, il retrouve le noviciat des Essarts en septembre 1945 et il prononce ses premiers vœux, le 30 septembre 1946. Son maître des novices a toutes les peines du monde à le dissuader de ses attraits pour une forme de vie religieuse rigoureuse, à La Trappe, que son état de santé ne peut autoriser. Un examen médical, pratiqué à sa demande, le convainc in extremis de renoncer à l’austérité cistercienne.

Pendant deux ans, le Frère Augustin peut s’adonner aux études de philosophie à Lormoy (Essonne). Religieux consciencieux, ponctuel, dévoué et habitué aux tâches de surérogation (1), il se montre compréhensif et délicat avec ses confrères. Il a conscience d’un certain nombre de ses lacunes intellectuelles, car il connaît les limites de sa formation antérieure; mais, travailleur méthodique et appliqué, il se donne les moyens de pouvoir envisager le pas suivant, les études de théologie.

Un sacrifice consommé.

Le 12 mars 1948, le Frère Augustin doit s’aliter. Le docteur traitant ne décèle au départ rien de grave, mais, la fièvre persistant, il diagnostique deux jours après, une fièvre typhoïde. Le 15, le Frère Augustin est acheminé en urgence à l’hôpital Saint-Joseph à Paris. Tous les efforts de la médecine ne peuvent rien contre les assauts de la fièvre. Le 19, le malade délire et au matin du 20 mars, il tombe dans un profond coma. Il meurt ce jour, 20 mars 1948, à l’aube de ses 31 ans. On conclut à une forme de septicémie, non contagieuse mais brutale. Les épreuves et les privations de la guerre ne sont pas étrangères à cette fin rapide. Depuis son retour de captivité, le Frère Augustin souffrait des entrailles et avait obtenu une demi-pension d’invalidité. Son corps est reconduit à Lormoy où est organisée la cérémonie des obsèques, le mardi 23 mars 1948. Le Frère Augustin repose au cimetière de Longpont, au chevet de la basilique de Notre- Dame, à côté du P. Léonide Guyo et du P. Vincent Pémoulié. Ses jeunes compagnons de Lormoy lui rendent ce témoignage: « En bref, Frère Augustin est un authentique JM.: sa route déboucha, jeune, sur les perspectives d’un idéal élevé. Et cette route, il la tint, toute droite, il la rnonta toute raide, avec une belle constance. Nous, ses témoins de chaque jour, nous lui devons un grand exemple, et vous, amis, vous devez beaucoup à sa prière. Il est des peines qui seraient sans fond, si elles n’étaient compensées de joies supérieures. De savoir où il est ne suffit pas à nous consoler. C’est son témoignage vivant qu’il nous faut éprouver et palper ».

(1) Terme suranné du vocabulaire religieux, de la racine latine erogatio, qui signifie le bien accompli au-delà de ce qui est demandé.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Lettre à la Famille, juillet 1948, n° 52, p. 56. Jeunes Missionnaires, avril 1948, n° 23, p. 12-13. Notices Biographiques