Charles (Pierre-Charles) LAURENT – 1821-1895

Un disciple de la première heure.
« Veuillez bien permettre au plus imparfait de vos fils de vous faire part
de ce qu’il sent, de ce qu’il éprouve, et de vous prier de lui donner, si
toutefois le temps vous le permet, des conseils qu’il recevra toujours avec
avidité et bonheur. J’avoue que je suis fameusement loin encore de la
perfection à laquelle vous voulez que je tende. Le plus grand obstacle à
cette perfection, c’est moi-même. Depuis que vous êtes parti, j’ai passé
par un état d’ennui, de mélancolie, d’aridité, d’aveuglement que je ne sais
comment me définir. Egoïste, concentré sur moi-même, peu expansif
furieusement porté à l’isoler, peu zélé pour
travailler à l’éducation morale des enfants, en dehors de la confession,
voilà tout ce que je suis; et cela me désole d’autant plus que je suis
entouré ici de collègues qui me donnent les plus beaux exemples de
dévouement. Désolé n’est pas peut-être le mot propre; j’aurais mieux fait
de dire que cela me fait rougir, me couvre de honte, mais j’en retire bien
peu de fruits. Je suis ennuyé…
».
P. Charles (transcription P. J. Collard, 1987). Première lettre au P.
d’Alzon, 9 mars 1846.

Religieux français, assistant général (1880-1895).

Un fin lettré et un éducateur racé.

Pierre-Charles Laurent (1) est le dernier enfant d’une famille de sept. Le père, Charles également, est connu comme institueur dans la commune d’Uzès (Gard) où naît Pierre-Charles, le 4 décembre 1821, de Thérèse, née Coulomb. Il est permis de supposer que le jeune Pierre-Charles puise dans son milieu familial le goût précoce et permanent pour l’instruction et l’éducation de la jeunesse qui vont marquer toute sa vie sacerdotale et religieuse, à tel point que l’on peut dire de lui qu’il ne peut imaginer un assomptionniste qui ne devienne un jour enseignant, équivalence qui marque fortement les origines de la Congrégation. Pierre-Charles fait ses études secondaires et ecclésiastiques au séminaire de Nîmes. Il entre au collège de l’Assomption comme professeur de sixième en octobre 1844. Licencié ès-lettres en juillet 1845, admis par le P. d’Alzon à la probation dans l’Association de l’Assomption en octobre, il est ordonné prêtre le 20 décembre suivant. A l’inauguration du premier noviciat religieux de l’Assomption, le 25 décembre 1845, il figure comme novice fondateur, sous le nom de Père Charles, mais il passe en 1848 comme novice dans le Tiers-Ordre. Il entre définitivement dans la Congrégation le 1er juillet 1851, après un temps d’hésitation. Il est envoyé immédiatement à Paris pour fonder le collège, rue du faubourg Saint- Honoré. Profès annuel le 25 mars 1852, profès perpétuel l’année suivante, il transfère le collège parisien à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine (1853-1860) et entretient avec le fondateur une correspondance fidèle et filiale qui témoigne d’un attachement affectif très fort au P. d’Alzon et aux usages monastiques de la vie apostolique de la première Assomption. De tempérament joyeux et facétieux, adepte du calembour

et des rimes qui émaillent ses relations écrites, il mène après 1860 une belle activité de prédicateur jusqu’en mai 1868, date à laquelle le P. d’Alzon le rappelle à Nîmes en qualité de professeur au collège. Il enseigne la littérature et la philosophie. Nommé secrétaire des chapitres, il rédige en 1876 un résumé de tous les chapitres antérieurs auxquels il a participé en tant que membre permanent. Amoureux des lettres classiques, fin lettré, il ne conçoit la Congrégation que dans le cadre originel de l’enseignement ou de la prédication. Ses relations avec ses confrères sont empreintes de cet humour méridional, fin et distingué, de cet attachement fraternel et religieux qui donne à l’Assomption les traits marquants d’un bain familial indéfectible et à l’éducation dispensée dans les collèges une allure presque naturellement aristocratique. Il est regrettable qu’il n’ait pas cru devoir conserver l’importante correspondance échangée avec les pionniers de l’Assomption. Très sensible, primesautier, grand enfant perpétuel comme il aime à se définir lui-même, il semble perdre, à partir de 1855, auprès du P. d’Alzon, le leadership naturel d’une relation privilégiée que lui souffle un autre fils aimé du fondateur, le P. Vincent de Paul Bailly dont l’esprit pétillant, la plume alerte et l’ingéniosité, pour ne pas dire la témérité apostoliques, plaisent tant au Supérieur de l’Assomption. Nommé assistant général en 1880, le P. Charles est institué gardien du collège et de ses traditions à Nîmes, après les événements et les tentatives d’expulsion de novembre- décembre. Très actif, il se livre à de nombreux travaux d’édition dans le genre libre et cultivé de son temps. Il entretient alors une correspondance pleine d’intérêt avec les jeunes religieux d’Osma (Espagne) et rédige à leur intention en 1833-1886 un journal manuscrit intitulé Le Paternel. De 1885 à 1895, il réside habituellement à Paris, aime visiter les novices à Livry pour les entretenir de l’esprit et des traditions des origines qu’il affectionne tant. Il meurt le samedi 13 juillet 1895, à 74 ans. Les obsèques sont célébrées à Paris, le lundi 13 juillet. Le corps est inhumé au cimetière des religieux à l’abbaye de Livry (Seine-Saint-Denis). Par la suite, les restes mortels sont exhumés et transférés à Paris, Montparnasse.

Bibliographies

Bibliographie et documentation: Souvenirs 1895, no 221, p. 217-220. L’Assomption 1922, no 254, p. 131-133. Notice biographique par le P. Marie-Alexis Gaudefray. Lettres d’Alzon, t. XIII (1996), p. 453. Circulaires du P. Picard, no 85 et 86 (1895). Dans les ACR, correspondances du P. Charles Laurent (1846-1894), dactylographiées par le P. Joseph Collard. On doit au P. Laurent de nombreux sermons, des notes de retraite, des discours de distribution des prix, des notes de cours, des circulaires, un catéchisme, des poésies et bouts rimés, des cahiers de philosophie, des ouvrages et articles parus dans la Revue de l’Enseignement chrétien, Souvenirs, des traductions de textes de St Augustin, les Soliloques, Saint Augustin maître de la vie spirituelle (4 volumes, B.P. 1898), l’édition des Méditations du P. d’Alzon, un résumé des premiers chapitres généraux de l’Assomption (1850-1876). Bibliographie complète dans Ontmoeting, 1966.